"Nous demandons au ministère de la Santé de travailler avec le Redressement Productif", affirme Roberto Gradnik

L’Institut Montaigne a demandé à André-Michel Ballester, directeur général de l’équipementier médical Sorin, et Roberto Gradnik, son homologue du laboratoire Stallergenes, de coprésider un groupe de travail sur l’innovation en santé. Ils dévoilent en exclusivité à L’Usine Nouvelle leurs conclusions.

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L'Usine Nouvelle - Pourquoi avez-vous participé à ce rapport ?

André-Michel Ballester - Pour les mêmes raisons que j’ai accepté de diriger le plan industriel sur les technologies médicales ! Je suis convaincu que les industries de santé peuvent avoir un double bénéfice. Industriel d’une part : notre industrie crée des emplois pérennes, la concurrence est plus basée sur la technologie et l’innovation que sur le coût de la main d’œuvre, et elle est par définition exportatrice. Elle semble avoir toutes les qualités pour que la France réussisse ! Je suis aussi convaincu qu’avoir une filière forte en France en innovation des technologies médicales et métiers de la santé donnera au système de santé un avantage, en termes de qualité des soins et de contrôle des coûts.

Roberto Gradnik - Pour moi, l’innovation du rapport, c’est qu’il s’intéresse à la fois au médicament et aux dispositifs médicaux. J’ai accepté d’y participer, car durant toute ma carrière, j’ai fait de l’innovation en santé ma priorité. C’est la seule façon pour cette industrie de se développer et d’amener pour les patients un avantage thérapeutique, et in fine du chiffre d'affaires pour les entreprises.

Etes-vous étonnés par les conclusions du rapport?

André-Michel Ballester - Avec Roberto Gradnik et une équipe issue d’horizons divers, nous avons procédé à l’audition de nombreux industriels qui nous ont aidé à mieux cerner les blocages sur comment travailler avec les structures de santé pour un meilleur accès à l’innovation. J’ai aussi eu la confirmation qu’il y a un enthousiasme largement partagé pour les industries de santé, car elles sont créatrices d’emplois pérennes, ont vocation à être exportatrices et à faire de la croissance par l’innovation. Il n’y a pas beaucoup de gens à convaincre que cette industrie est une des industries du futur ! La participation à certaines filières du plan de réindustrialisation est un autre exemple.

Roberto Gradnik - Ce qui est intéressant, c’est que le rapport contient à la fois des propositions concrètes qu’on peut appliquer à court terme, comme les hôpitaux, et d’autres plus stratégiques qui vont demander plus de discussions. Pour moi, la priorité est de considérer l’industrie de la santé avec sa capacité d’innovation comme une industrie stratégique, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui non seulement en France mais aussi dans autres pays européens. Alors qu’en Angleterre et aux Etats-Unis, elle est vraiment considérée comme stratégique ! Or la France dispose d’une industrie encore très bonne, avec Sanofi et des entreprises de taille moyenne comme Ipsen ou Stallergenes : ce serait vraiment dommage de la laisser tomber. Mais on manque d’interlocuteurs. Ils sont multiples, et pas toujours coordonnés entre eux : ministères de la Santé, de la Recherche, du Redressement Productif… Le ministère de la Santé a tendance à regarder l’aspect coûts, ce qui est compréhensible, mais peu nos enjeux industriels.

Vous préconisez donc de s’inspirer de l’industrie de la défense…

André-Michel Ballester - Dans d’autres secteurs, il y a un travail entre les pouvoirs publics et les industriels pour définir une stratégie commune. On ne parle pas de colbertisme, mais de dialogue qui bénéficie aux deux parties. Le meilleur exemple est l’industrie de la défense.

Roberto Gradnik - Car dans la défense aussi, le client le plus important est l’Etat. Cela représente des coûts importants, mais le secteur se développe très bien grâce à une coopération. Or dans la santé, avec qui pouvons-nous discuter de cela ? Un interlocuteur est responsable des dépenses, un autre du redressement productif : chacun représente sa quote-part, il n’y pas de discours coordonné. C’est pour cela que nous demandons au ministère de la Santé de travailler avec le Redressement Productif, comme nous avions essayé de le faire lors du Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS). Malgré les mesures décidées en juillet, le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) n’en a ensuite rien repris, et on nous a demandé 900 millions d’euros d’économies !

Vous appelez Marisol Touraine à se rapprocher d’Arnaud Montebourg ?

Roberto Gradnik - Exactement, pour pouvoir continuer dans l’esprit du CSIS !

André-Michel Ballester - Je ne vais pas me substituer aux pouvoirs publics, mais il nous semble important que le ministère de la Santé soit invité à intégrer le pilotage de cette filière, et ce pour de bonnes raisons. Parce qu’en travaillant ensemble - tout en gardant chacun ses prérogatives bien entendu ! - on peut l’aider à atteindre ses objectifs de qualité, de sécurité des soins, de maîtrise des coûts, plutôt que de se regarder en chiens de faïence. Il faut que ce soit une démarche volontaire et clairement comprise comme positive pour le ministère de la Santé.

A quelles mesures concrètes pensez-vous ?

André-Michel Ballester - Nous ne préconisons pas de réinventer un système complétement nouveau, mais plutôt d’améliorer les systèmes existants. Par exemple, l’achat public qui est une sorte de maître du jeu. Les industries de santé ont pour vocation de vendre essentiellement à des institutions hospitalières qui sont ensuite remboursées in fine par la Sécurité Sociale. On comprend les règles très strictes d’achats publics, mais un travail est effectué par les pouvoirs publics pour les simplifier et acheter intelligemment. Car des produits ou services permettent de réduire les coûts tout en améliorant la qualité des soins, sans augmenter l’enveloppe globale. On pourrait rapprocher les acheteurs et les entreprises en utilisant un système soutenu par l’Union européenne, qui existe dans d’autres pays : les Pre-Commercial Procurements (PCP). Il permet d’inciter les entreprises locales à trouver des solutions pour répondre aux besoins des établissements hospitaliers.

Roberto Gradnik - Ce sont des choses relativement pratiques qui ne coûtent rien mais peuvent être un signal. Ce serait quand même pas mal que l’on commence à faire cela, et que le gouvernement montre qu’il est à l’écoute. Une déclaration considérant l’industrie française de santé comme stratégique serait aussi la bienvenue, pour donner confiance, alors que l’on doit décider d’investissements futurs. Qu'elle vienne du Premier ministre ou de quelqu’un d’autre…

Propos recueillis par Gaëlle Fleitour

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