"Notre but est de comprendre le travail de l’Homme dans l’usine", Nicolas Jaunet de Michelin
Michelin a inauguré vendredi 10 février le Factolab, un laboratoire de R&D commun avec l’Institut Pascal, le laboratoire de psychologie cognitive (Lapsco) et le laboratoire d’informatique (Limos) sous les tutelles du Cnrs et de trois universités. Douze chercheurs, répartis entre le centre de recherche du pneumaticien et les laboratoires, mobilisés sur l’amélioration de l’interface Homme-machine. Michelin travaille déjà sur cette problématique depuis près de deux ans. Nicolas Jaunet, directeur de la recherche procédé du groupe Michelin, nous dévoile les résultats de ces premières expérimentations.
L’Usine Nouvelle - L’objectif du Factolab est d’améliorer la coopération entre l’Homme et la machine. Sur quels axes travaillez-vous concrètement ?
Nicolas Jaunet, directeur de la recherche procédé du groupe Michelin - L’objectif du Factolab est de développer le bien être de l’Homme dans l’usine. Nous tenons aussi compte de deux enjeux : l’attractivité de notre industrie et de ces métiers et la performance des usines. Pour y parvenir nous nous appuyons sur les technologies de l’industrie 4.0.
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Quelles technologies en particulier ?
Nous travaillons sur la robotique collaborative (la cobotique) qui permet d’alléger les difficultés physiques des opérateurs. Et nous travaillons également sur des interfaces, comme des objets connectés, pour améliorer la communication entre l’Homme et la machine. Cette communication peut se faire par la voix, l’image ou le texte. L’idée est d’apporter à l’opérateur la bonne information au bon moment, c’est-à-dire quand il en a besoin, et au bon endroit pour qu’il n’ait pas besoin de se déplacer près de la machine, et ainsi éviter les déplacements inutiles. On tient aussi compte du profil de l’opérateur. Un salarié arrivé il y a quinze jours n’aura pas besoin des mêmes informations qu’un ouvrier qui travaille chez Michelin depuis plusieurs années. Mais le cœur de la démarche n’est pas d’introduire de nouvelles technologies au plus vite, c’est de comprendre le travail de l’Homme dans l’usine.« Nous avons mis au point avec les chercheurs en psychologie un outil pour mesurer la charge cognitive du travail. »
Michelin travaille avec des chercheurs spécialisés en psychologie cognitive. Sur quoi travaillent-ils ?
Le Factolab s’appuie en fait sur trois ressources : les équipes R&D de Michelin, les usines pilotes (Valladolid et Cholet, Ndlr), et les laboratoires scientifiques comme le Lapsco, le Limos et l’Institut Pascal. Les équipes de Michelin sont plutôt habituées à observer la partie physique du travail des opérateurs, pas forcément la manière dont leur cerveau est sollicité. C’est sur ce point que les chercheurs du Lapsco nous aident. Nous avons mis au point avec eux un outil pour mesurer la charge cognitive du travail. C’est-à-dire le stress, la sursollicitation, quand un opérateur travaille sur plusieurs taches en même temps et l’ennui, quand les taches sont répétitives par exemple.
Vous avez déjà expérimenté certaines technologies à Valladolid en Espagne et à Cholet (Maine-et-Loire). Quels sont les premiers résultats ?
Oui, nous travaillons depuis dix-huit mois pour développer des technologies adaptées au travail des Hommes. A Valladolid, nous avons introduit un cobot depuis juillet 2016, et des montres connectées reliées à des machines de production de pneumatiques automatiques à Cholet depuis juin 2016. A Cholet, nous avons mesuré une baisse de 16 % de la charge cognitive des opérateurs grâce à l’utilisation de montres connectées. Les personnes sont moins stressées, plus détendues. Elles peuvent compter sur la montre qui leur envoie une information en temps réel quand il y a un aléa sur la machine. Nous avons également observé que les opérateurs étaient beaucoup plus focalisés sur leur tâche, 40 % plus qu’en temps normal. Quand les opérateurs sont davantage concentrés et moins stressés, cela réduit le risque d’erreurs et donc d’accidents. Nous avons aussi constaté qu’on produisait plus de pneus. C’est gagnant – gagnant.
Et à Valladolid ?
Nous avons installé un cobot près d’une machine de découpe de tissu afin d’alléger les charges physiques de l’opérateur. Ceux-ci nous ont dit qu’ils se sentaient moins fatigués. Nous avons aussi mesuré, grâce à un questionnaire scientifique, l’attractivité des opérateurs pour la machine. Elle était 50 % plus importante avec la présence du cobot. Ils avaient davantage envie de travailler dessus. En termes de performance, nous nous sommes rendus compte que la production était plus constante, plus stable et donc plus prévisible et facile à piloter.« Grâce au cobot, les salariés sont moins fatigués. La production est plus constante et donc plus prévisible et facile à piloter.»
Après cette première expérimentation, quels points souhaitez-vous améliorer ?
Pour les robots collaboratifs, il va falloir travailler sur la sécurité et la mobilité. C’est un enjeu important parce que ces robots travaillent directement, sans protection, à côté des humains. Nous travaillons également sur la préhension du caoutchouc. C’est une matière plus difficile à manipuler qu’une pièce automobile par exemple. Concernant les objets connectés, la difficulté est d’apporter la bonne information au bon moment. Il faut faire en sorte que l’opérateur n’ait pas besoin d’aller chercher l’information. Sur ce point nous allons développer des logiciels d’intelligence artificielle pour faire en sorte que l’information arrive naturellement.
Quand comptez-vous déployer ces technologies sur d’autres sites ?
L’objectif du Factolab n’est pas de déployer les technologies. Ce sera le rôle des équipes industrielles de Michelin qui les déploieront à moyen terme.
Et quel est l’avenir du Factolab, va-t-il s’ouvrir à d’autres industriels ?
Les technologies que nous développons sont transposables à d’autres industries. Donc il est tout à fait possible que le Factolab accueille d’autres industriels.
Les premières expérimentations de Michelin sur l'interface Homme-machine à Cholet et Valladolid en vidéo :
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