“Nos industries doivent être profitables et écologiques et sociales”
La mobilité durable est l’objectif à atteindre, au-delà de la mobilité verte et des seuls usages. De la réflexion à l’action, un grand pas que l’écosystème Movin’on Lab franchit au profit de thématiques incontournables de la mobilité de demain.
Entretien avec Erik Grab, Vice-Président Anticipation stratégique et Innovation du groupe Michelin, Fondateur de Movin’on Lab
Vous préférez parler de « mobilité durable » que de « mobilité verte ». Pourquoi ?
Parce que l’enjeu de la mobilité dépasse le seul aspect écologique. Cette notion « durable » intègre aussi bien l’empreinte écologique, comme les émissions polluantes, les gaz à effets de serre ou le bruit, que ses implications en termes de sécurité routière ou encore d’accès pour tous à une mobilité sûre, propre et connectée.
Pour obtenir un impact positif sur notre planète et nos sociétés, il ne suffit pas de comprendre le besoin d’un client ou l’attente de la partie prenante de notre entreprise, qui va bien sûr vers une mobilité verte. La réflexion doit en effet aller au-delà de l’expérience et des usages.
Dans cette réflexion globale, quel rôle jouent les grands groupes ?
Ma conviction est que les grands groupes doivent apprendre à travailler ensemble, de manière systémique. Ils doivent parvenir à dégager de la valeur en traitant les grands enjeux sociétaux et à comprendre la notion de propriété intellectuelle partagée. Grâce aussi à leur capacité à déployer des solutions positives de manière industrielle, leur impact sera déterminant, en faveur d’une organisation plus durable de nos sociétés.
C’est d’ailleurs l’une des raisons d’être de Movin’on Lab, un « Think & Do Tank » que j’ai fondé et qui rassemble aujourd’hui des dizaines de grands Entreprises Internationales et dont Michelin est l’animateur.
Cet écosystème pluridisciplinaire fédère des acteurs complémentaires qui planchent sur des problématiques très concrètes : la livraison du dernier kilomètre ou encore l’impact de l’IoT sur la mobilité par exemples.
Dans cet écosystème se trouvent beaucoup d’industriels. Peuvent-ils croître tout en étant durables ?
Nous nous posons tous la question, bien sûr. Mais nos industries n’ont pas le choix : cela n’est pas un concept de « ou », mais un concept de « et ». Elles doivent être « et » profitables pour assurer leur pérennité, « et » écologiques parce que la planète ne peut plus attendre, « et » sociales, car il faut prendre en considération les citoyens et leur volonté d’un meilleur bien-être et d’une plus grande participation aux décisions. Mais c’est une chose de le clamer, c’en est une autre de le mettre en œuvre.
Quelles sont les pistes envisageables de cette mise en œuvre ?
Elles sont nombreuses. Parmi elles, il y a cette idée de hub de mobilité, que je ne limiterais pas aux seules villes. Via un hub qui proposerait un choix de bus, de voitures partagées, de taxis locaux, de vélos électriques ou de véhicules autonomes, les citoyens urbains et ruraux bénéficieraient d’un choix multimodal qui améliorerait la fluidité des déplacements entre villes et villages.
Une autre grande thématique est celle des technologies utilisées pour les moteurs : évitons le « techno push » ! L’électrique seul ne suffira pas. Il faudra d’autres solutions : c’est déjà le cas avec l’hybride, mais aussi demain avec l’hydrogène.
Par ailleurs, les autorités publiques s’intéressent beaucoup au transport des personnes, mais pas assez à celui des marchandises. Or, la problématique de la livraison du dernier kilomètre en ville est de plus en plus forte. Pas simple de trouver le bon modèle économique et technologique pour la décarboner.
Les centres-villes vont-ils être redessinés pour s’adapter à ces bouleversements ?
Des villes comme Paris, Berlin ou Madrid sont des legs que l’on peut chercher à optimiser. Nous réfléchissons donc à des solutions hybrides où les infrastructures existantes sont utilisées et d’autres sont ajoutées. C’est le cas dans le centre-ville de Montréal où nous transformons une ancienne gare en immense zone de stockage. Le plus simple c’est de créer des villes à partir de zéro comme dans certains pays émergents. Mais peu d’États ou de villes en ont les moyens.
Erik Grab, Vice-Président Anticipation stratégique et Innovation du groupe Michelin, Fondateur de Movin’on Lab
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