"Nos exportations agro-alimentaires sont soumises aux règles du marché international qui n'ont jamais été faciles", selon Zahra Maafiri, DG de Maroc Export

En marge du Sial 2014 à Paris où le Maroc était présent avec plus d'une centaine d'entreprises, L'Usine Nouvelle a demandé à  Zahra Maafiri, directrice générale de Maroc Export de dresser les enjeux de l'industrie agro-alimentaire marocaine à l'international. Elle évoque aussi les perspectives du marché de la Russie.

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Zahra Maafiri, directrice générale de Maroc Export

L'Usine Nouvelle : Comment expliquer la volonté de développer les exportations agro-alimentaires du Maroc, un pays qui importe une grosse partie de ses besoins ?

Zahra Maafiri : D'année en année, notre dépendance diminue. Le Maroc est autosuffisant sur les produits de base sauf en cas de sécheresse. Notre pays s'est inscrit dans une volonté d'ouverture de ses frontières commerciales et de développement de ses échanges. Il a été parmi les premiers pays arabes à faire partie de l'OMC. Il a ensuite signé des accords de libre-échange avec 56 pays. Aujourd'hui, nous en négocions un nouveau avec le Canada. Le Maroc s'appuie sur la compétitivité de ses productions et produit même grâce à sa recherche agronomique des produits dits "exotiques" comme les bananes ou les avocats. Nos importations varient en fonction de la saison, de la production et la rareté des produits. Parfois, pour exporter des plats cuisinés par exemple, nos entreprises importent les ingrédients que nous ne fabriquons pas ou alors pas au bon moment. Autre exemple, hors saison, le Maroc importe ses raisins du Chili.

Comment répondre aux insuffisances des productions alimentaires nationales ?

Pour diminuer la dépendance de l'agriculture à l'égard du climat, le Maroc investit notamment dans des barrages. Mais il existe aussi un vrai problème de disponibilité de terres arables.

Comment est organisé le secteur agro-alimentaire ?

C'est un secteur pilier de l'économie. Il reste certes traditionnel par certains aspects, mais il se modernise. Il est globalement dirigé à plus de 80% vers le marché local. Les autres 20% vont à l'exportation. Même si les échanges sont concentrés avec certains pays en Europe notamment, aujourd'hui nous nous tournons vers de nouveaux marchés. Nous mettons en place des stratégies de spécialisation par marché et par filière. La présence sur ce SIAL de nos 110 exposants avec des productions très variées le montre bien.

La Russie subit un embargo de la part de l'Europe. Est-ce une bonne affaire pour le Maroc ?

La Russie est un partenaire stratégique du Maroc. Depuis 10 ans, elle est notre premier marché en agrumes. Si nous voulons développer nos exportations vers ce pays c'est d'abord par souci de diversification. Le Maroc a déjà accru de 40% ses exportations vers la Russie ces dernières années. Concernant l'embargo européen, il faut savoir que certaines exportations européennes continuent vers la Russie. Le marché russe est gros importateur de produits alimentaires. Il y a de la place pour tout le monde et le Maroc n'a ni les moyens ni la vocation d'occuper la totalité de ce marché. Il bâtit sa stratégie non sur la base d'un embargo mais sur les conditions d'accès à un marché qui se fait dans la durée.

Où en sont justement les relations commerciales avec la Russie ?

Nous voulons proposer à la Russie différents produits dans différentes gammes. Par exemple, nous allons réaliser une opération de promotion dans 18 magasins de luxe en Russie du 6 au 20 novembre prochain. C'est un travail que nous avons commencé il y a environ huit mois, bien avant l'embargo. Depuis deux ans, nous faisons également des opérations B to B sur le marché russe du textile. Cette même semaine, nous serons à Intercharm pour participer à Moscou au salon de produits cosmétiques. Une dizaine d'entreprises marocaines vont y participer après avoir réalisé des tests de marché qui ont été positifs.

Qui est la directrice générale de Maroc Export ?
Née en 1965, Zahra Maafiri, diplômée en économie et passée par la Cour des comptes a occupé plusieurs postes dans la haute fonction publique marocaine surtout sur les questions internationales, et notamment comme directrice de cabinet du ministère du Commerce extérieur. Depuis mars 2013, elle est directrice générale du Centre marocain de promotion des exportations (CMPE) aussi connu sous sa marque Maroc Export.

Pour exporter, le Maroc est tenu de se plier aux normes internationales, est-ce une forte contrainte ?

Nous sommes membres de l'OMC et ces questions y sont aussi discutées en même temps que les barrières tarifaires ou la sécurité alimentaire. Nos exportations sont soumises aux règles du marché international qui n'ont jamais été faciles. Mais, si nous y sommes c'est parce que nos produits répondent aux normes. Le Maroc a mis en place l'Etablissement autonome de contrôle et de coordination des exportations (EACCE) qui délivre les certificats et encadre les exportateurs dans plusieurs régions du Maroc. Il exerce le contrôle technique des produits alimentaires agricoles et maritimes destinés à l’exportation conformément à la réglementation en vigueur. Il fait aussi de la veille pour informer les exportateurs de l'évolution de la législation.

Où en est le développement des certifications de qualité agro-alimentaires ?

Le Maroc travaille sur ce sujet. Nous possèdons par exemple notre propre réglementation des appellations d'origine avec des productions comme les raisins de Doukkala, le Sardi de Beni Mellal qui est une race de mouton, les câpres de Safi, le safran de Taliouine etc.

Que met en oeuvre le Maroc pour aider ses agriculteurs à accéder aux capitaux afin de moderniser son agriculture ?

Le Maroc a un établissement dédié pour ce secteur, le Crédit agricole. Des fonds gérés par le ministère de l'agriculture sont par ailleurs dédiés aux agriculteurs. Le plan Maroc Vert prévoit de son côté l'agrégation qui est un modèle qui organise les agriculteurs autour d’acteurs privés à forte capacité managériale. Les agriculteurs peuvent dans ce cadre bénéficier de financements. Ils sont aussi regroupés en fédérations comme la Fecopam, Fenagri, Fifel ou l'Aspam. Le marché étant libre, l'agriculteur a le choix de ses financements.

Les exposants marocains présents au Sial 2014 ont-ils été aidés par le gouvernement ?

Le Centre marocain de promotion des exportations, soit Maroc Export, accompagne depuis sa création il y a 35 ans, les entreprises marocaines à l'international en prenant en charge la participation aux salons. Cette prise en charge peut aller jusqu'à 80% des frais de participation et de communication. Cependant, les exposants paient leurs billets d'avion et leurs séjours.

Quels sont vos projets à venir ?

Pour le dernier trimestre, nous menons de front pas moins de 66 activités différentes. La semaine dernière, nous étions en tournée en Afrique avec 85 entreprises du secteur électrique. En Russie, comme je l'ai dit, nous préparons la mission de livrer 18 magasins de luxe ainsi que la participation au salon Intercharm à Moscou. Au Gabon, nous accompagnons 25 entreprises dans le secteur des nouvelles technologies.

Enfin, il est question depuis plusieurs mois d’une fusion éventuelle entre Maroc Export que vous dirigez et l’Amdi, l’Agence de promotion des investissements. Où en est ce projet ?

L'idée d'une agence marocaine unique de la promotion économique a germé dans les années 90. Le centre marocain de promotion des exportations, fait partie des plus anciennes structures alors que l'AMDI a été créé en 2009. Aujourd'hui, notre gouvernement a décidé d'un rapprochement et d'une collaboration étroite entre les deux organismes parce qu'ils gèrent parfois les mêmes secteurs comme l'aéronautique et l'automobile avec une logique d'investissement pour l'un et une logique d'export pour l'autre. Dans le monde, en fonction des besoins et des intérêts des pays, il est possible de mettre en place soit une seule agence transversale soit des agences sectorielles coordonnées par une superstructure. Le Maroc est en train de chercher la meilleure formule pour promouvoir son industrie. C'est un débat à mener en profondeur en tenant compte de toutes les spécificités pour trouver ce qu'il convient à mettre en place.

Propos recueillis par Nasser Djama

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