Ni le gouvernement, ni la direction d'EDF, ni les syndicats ne s'accordent autour du projet d'EPR à Hinkley Point
Gouvernement, représentant de l’Etat actionnaire, direction d’EDF, partenaires sociaux, c'est le triangle de la mésentente autour du projet nucléaire que l’électricien veut mener au Royaume-Uni. Une décision finale d’investissement est pourtant attendue début mai.
Ce vendredi 22 avril à 15 heures, un énième conseil d’administration d’EDF a évoqué la situation financière du groupe et l’état d’avancement du projet de construction de deux réacteurs nucléaires EPR à Hinkley Point au Royaume-Uni. La décision finale d’investissements est attendue depuis de nombreux mois, mais ce projet de 24 milliards d’euros, dont 16 milliards d’euros à la charge d’EDF, est loin de faire l’unanimité au sein des différentes parties prenantes.
D’une part, il y a le gouvernement. A l’exception de quelques électrons libres comme Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État à la Réforme de l'État, qui juge Hinkley Point comme une impasse stratégique, le gouvernement est globalement favorable au projet qui doit donner un nouvel élan à la filière française. Mais l’Etat, actionnaire à 86 % d’EDF, ne réussit pas à trancher sur les moyens d’apporter son soutien à l’entreprise. Car le groupe, endetté à hauteur de 47 milliards d’euros doit faire face à de nombreux investissements, qui interrogent sur sa capacité financière.
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Laisser les dividendes dans l’entreprise
Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie, désormais en charge du nucléaire à la place de la ministre de l’Energie Ségolène Royal, assure que le projet se fera et que le gouvernement va alléger sa pression financière sur EDF. Pour cela, il acte le fait que l’Etat laissera ses dividendes dans l’entreprise pour les années à venir. "Avoir prélevé deux milliards d’euros par an pendant dix ans n’était pas une stratégie capitalistique à même de préparer l’avenir", assurait Emmanuel Macron lors de la cérémonie pour les 70 ans de l’électricien.
Mais une augmentation de capital pourrait aussi être nécessaire pour soutenir l’électricien, qui doit aussi racheter Areva NP et financer la prolongation de la durée de vie du parc nucléaire français. Reste que les ministres des Finances et de l’Economie, ainsi que le Premier ministre ne parviennent pas à s’entendre sur une position commune. Mercredi 20 avril, lors d'une réunion à l’Elysée, le Président de la République a décidé d’attendre plus d’information avant de trancher.
Impossible d’attendre
D’autre part, la direction d’EDF n’a aucun doute sur la nécessité de lancer rapidement Hinkley Point, un projet qui sera financé par des cessions d'actifs. Une décision finale d’investissements doit être prise tout début mai, promet le PDG Jean-Bernard Lévy. Ce dernier, interrogé le 5 avril dernier par une Commission d’enquête parlementaire sur les coûts du nucléaire, assurait que "le report n'est pas opportun. Certains évoquent la nécessité de reporter le projet après la mise en service de Flamanville et de Taishan. Ce n'est ni nécessaire, ni faisable", assure-t-il.
EDF craint qu’en reportant sa décision, le Royaume-Uni ne se retourne vers une autre filière nucléaire et que la France ne soit exclue du plus grand projet nucléaire du monde occidental. Mais quelques voix dissonantes se font entendre dans les hautes sphères d’EDF. Elles jugent le risque trop important. La spectaculaire démission du directeur financier Thomas Piquemal début mars, en raison de son désaccord avec le PDG sur le projet britannique, a marqué les esprits. "Thomas est jeune, il a plein d’ambition, il ne voulait que son CV soit celui du directeur financier qui a avalisé le contrat qui a fait couler EDF", commentait alors un collaborateur direct. Il a été remplacé par Xavier Girre le 21 avril.
Information du CCE
Enfin, les partenaires sociaux, qui ne sont ni opposés au nucléaire, ni aux grands projets, n’ont aucune confiance dans le chantier Hinkley Point et craignent pour la santé financière de l’électricien, qui évolue dans un environnement déjà très contraint. En décembre 2015, le CCE du groupe émettait pour la première fois de l’histoire de la société un droit d’alerte. Mi-avril, l’ensemble des syndicats adressaient une lettre ouverte à François Hollande où ils évoquent EDF comme "un des fleurons industriels français d’après-guerre (qui) se trouve au bord de la faillite".
A la veille de conseil d’administration, le CEE a demandé officiellement "qu'un point d'information complet sur le projet HPC soit présenté pour information en vue d'une consultation ultérieure à une prochaine séance du CCE qui devra intervenir avant toute décision de la direction ou de son conseil d'administration". De source interne, la direction va accepter la demande du CCE. Sinon, il menace d’aller en justice.
Ludovic Dupin
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