Nestlé accusé par une ONG d'assécher la nappe phréatique de Vittel, dans les Vosges
Surexploitation de la nappe phréatique, conflit d'intérêt des acteurs locaux... Dans les Vosges, selon l'association France Nature Environnement, les nappes de Vittel accuseraient un déficit chronique annuel d'un million de m3, en partie à cause des activités industrielles. Nestlé Waters se défend, rappelant que les quantités qu'il prélève sont validées par arrêté préfectoral.
Mis à jour
23 mars 2018
Le jeudi 22 mars, c'est la Journée mondiale de l'eau. L’association écologique France Nature Environnement profite de l’événement pour relancer un dossier épineux : l’épuisement à petit feu de la nappe phréatique de Vittel dans les Vosges. Les industriels installés dans le département, dont Nestlé Waters, sont pointés du doigt par les associations.
“Depuis près de 30 ans, la nappe dans laquelle prélève la multinationale présente un déficit chronique annuel d’environ 1 million de m3… Soit la quantité d’eau que Nestlé Waters est autorisé à prélever par le préfet”, accuse France Nature Environnement dans un communiqué qui invoque la loi sur l’eau de 2006. “L’usage prioritaire d’une ressource en eau en France est l’alimentation en eau potable. Les activités économiques ne sont pas prioritaires, et l’eau est un bien commun, non privé ou privatisable.”
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Nestlé Waters prélèverait 28 % des volumes annuels de la nappe
Nestlé Waters n’est pas seul dans l’affaire. La fromagerie L’Ermitage prélèverait également 700 000 m3 d’eau par an. Selon l'ONG, les deux industriels prélèveraient donc respectivement 28% et 17% des volumes annuels de la nappe des Grès du Trias inférieur (GTI), soit 45%. Des quantités validées par arrêté préfectoral, rappelle sur son site Nestlé Waters.
Un projet de pipeline alternatif pour combler le déficit
Le 15 mars 2018, plusieurs solutions ont été présentées devant la Commission locale de l’eau (CLE) pour tenter de réduire le déficit. Parmi elles, un projet de pipeline alternatif est étudié pour répondre aux besoins des habitants en eau. "Inacceptable", aux yeux de France Nature Environnement, qui y voit “la reconnaissance implicite de la priorité de prélèvement à Nestlé Waters, contraignant les collectivités locales à ‘aller boire ailleurs’”. L’association interroge également l’impact environnemental de ce chantier qui devrait coûter 15 à 30 millions d'euros sur 20 ans. Ce coût serait-il répercuté sur la facture d’eau des habitants ? Le scénario doit être validé en juin 2018 par un vote de la CLE.
Une affaire sur fond de conflit d'intérêt?
L’affaire est plus complexe. En mai 2016, la CLE était soupçonnée par plusieurs associations environnementales de conflit d’intérêt. Claudie Pruvost, sa présidente de 2013 à décembre 2016, serait actuellement visée par une enquête préliminaire par le parquet d'Epinal pour prise illégale d’intérêt, selon Vosges Matin. L’ex-présidente, également conseillère déléguée à la mairie de Vittel, est la femme de Bernard Pruvost, ex-directeur R&D à Nestlé International et président de la Vigie de l’eau. Or l’association Vigie de l’eau était chargée du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) par le CLE de 2010 à 2016 pour tenter d’équilibrer les volumes prélevés et la recharge naturelle de la nappe.
"Tout d’abord, je rappelle que mon époux travaille pour Nestlé International et pas Nestlé Waters", répondait Claudie Pruvost à Vosges Matin fin 2016. "De plus, ma réélection au bureau de la CLE et ma participation au vote dans le cadre du Coderst ont été faites en toute transparence et en totale collaboration avec les instances préfectorales et le Conseil départemental."
Aux yeux des associations environnementales, le poids des taxes sur l'eau minérale versées par les industriels aux communes orienterait également les décisions du CLE, composé notamment d'élus locaux.
L'engagement de Nestlé pour des bonnes pratiques de gestion de l'eau
A la tête des usines de Contrexéville et Vittel, le directeur de Nestlé Waters Vosges nous a fait part de ses réactions à ces accusations (voir ci-dessous). L’entreprise exploite la nappe profonde des GTI pour ses marques Vittel, Contrex et Hepar. Depuis une vingtaine d’années, elle met en valeur sa démarche de préservation au travers de sa filiale agricole Agrivair. Une filiale engagée dans le zéro pesticide.
Il y a quelques mois, le numéro un mondial des eaux en bouteille s'était engagé à jouer collectif autour de ses sites d'embouteillage d'eau, en faisant notamment certifier quatre de ses usines mondiales par une association favorisant les bonnes pratiques dans la gestion de l’eau, l’Alliance for Water Stewardship (AWS).
TROIS QUESTIONS A : Hervé Lévis, le directeur de Nestlé Waters Vosges
L'Usine Nouvelle - Quelle réponse faites-vous aux accusations de France Nature Environnement ?
Hervé Lévis, directeur de Nestlé Waters Vosges - Nous avons un droit de tirage d’un million de mètres cubes à l’année sur cette eau, défini par arrêté préfectoral. Nous prélevons dans un cadre très réglementé, puisque dans ces autorisations interviennent la DDT (Direction départementale des territoires), l’agence régionale de santé, la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement), la préfecture et l’agence de bassin. Le fait que cette nappe phréatique baisse progressivementest effectivement quelque chose que nous connaissons et sur lequel nous travaillons déjà depuis longtemps. En ce qui concerne nos propres consommations, on a diminué les pertes en eaux que nous pouvions connaître historiquement dans nos process. Et nous avons fait en sorte que les eaux de process que nous utilisons ne soient plus prélevées dans cette nappe qui est déficitaire. C’est un coût que nous avons entièrement assumé. L’ensemble de ces actions nous a permis d’annoncer en 2017 de façon volontariste une réduction d’un quart de l’utilisation de notre quota, c’est-à-dire 250 000 mètres cubes. A partir de 2018 on est en mesure de dire qu’on ne prélèvera pas plus de 750 000 mètres cubes.
Les associations environnementales reprochent aussi que les solutions recherchées concernent la consommation en eau des habitants, plutôt que celle des industriels...
Nous avons déjà cherché des solutions alternatives à notre niveau. Nous avons obtenu des autorisations administratives pour aller chercher de l’eau ailleurs. Personne ne nous impose cela, c’est encore une démarche volontariste.
Y a-t-il un lobbying sur les communes pour préserver les activités locales de Nestlé Waters ?
Nous réfutons toute suspicion de favoritisme ou de conflit d’intérêt. Nestlé Waters fait partie de la Commision locale de l’eau (CLE) par arrêté préfectoral. Cette commission est composée de 45 membres et nous avons à ce titre une voix. Toutes les décisions de la CLE, y compris la nomination du président, sont faites à la majorité.
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