"Nareva veut devenir un des acteurs majeurs de l’énergie au Maroc", selon son PDG Ahmed Nakkouch
Le PDG de Nareva holding Ahmed Nakkouch fait le point pour L’Usine Nouvelle sur la stratégie dans l’énergie au Maroc du groupe, filiale de la SNI. Ses projets en cours dans l’éolien et ceux à venir dans le thermique comme la centrale à charbon de Safi.
L’Usine Nouvelle : Au Maroc, Nareva Holding a multiplié les offensives ces dernières années sur le marché de l'énergie. Quelle est la stratégie du groupe ?
Ahmed Nakkouch : Le Maroc, dépourvu à ce jour de ressources fossiles a lancé en 2009 un vaste programme de développement des énergies renouvelables , sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi du Maroc. L'objectif de cet ambitieux programme est d'atteindre pour les énergies renouvelables 42% de la capacité électrique installée en 2020, soit 2000 MW en énergie solaire, 2000 MW en éolien et 2000 MW en énergie hydraulique. Nareva Holding, créé par le groupe SNI (Société nationale d'investissement NDLR) en 2005 pour le développement d’un nouveau relais de croissance dans les domaines de l’énergie et de l’environnement, a pour ambition de participer aux projets structurants pour l’économie nationale dans ces domaines stratégiques, d’assurer la présence de capitaux marocains dans ces projets et de développer une expertise locale. C’est tout naturellement, que Nareva Holding participe à ces projets en partenariat avec des opérateurs internationaux reconnus dans ces domaines et dans le respect total du cadre institutionnel régissant le secteur. En développant un portefeuille d’actifs cohérent et équilibré et en investissant sur les ressources humaines pour développer une expertise locale de niveau international, Nareva Holding ambitionne de devenir à terme un acteur privé de référence dans les domaines de l’énergie et de l’environnement.
VOS INDICES
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Nareva gère de très gros projets, comment êtes-vous organisé ?
Nous sommes une holding avec une équipe réduite d’une trentaine de personnes à parité homme-femme : juristes, financiers, ingénieurs… Notre mission est de développer des projets en propre ou en association comme par exemple sur le parc éolien de Tarfaya actuellement en construction avec Gdf-Suez dans le sud du pays. Pour chaque projet, nous créons une société ad-hoc dotée de ses propres équipes et organes de gestion et qui a la capacité de lever du financement sur les marchés. En outre, nous bénéficions de l’appartenance à SNI qui soutient notre développement grâce à des injections de capitaux, nous permettant de financer la partie equity de nos projets.
Le fait que Nareva appartienne à SNI, holding de la famille royale du Maroc induit chez certains observateurs des soupçons de favoritisme. Que répondez-vous ?
Un homme d’énergie
Ahmed Nakkouch est PDG de Nareva depuis 2008 et gravite dans l’énergie depuis 20 ans. Agé de 58 ans, né à El Jadida, il est diplômé de l'École des mines de Saint-Etienne. Il commencé sa carrière sur le terrain à l’OCP, avant de rejoindre Ciment du Maroc puis l’Office de l’électricité (ONE) en 1994 où il sera notamment directeur du développement et directeur financier. Il deviendra directeur général de l'Office en 2001 et aura alors à piloter la délicate fin du monopole de l’opérateur et la libéralisation du secteur. Aujourd'hui passé chez Nareva, groupe dans l’orbite du Palais royal, il s’affirme comme un des principaux challengers de l’opérateur électrique public (devenu ONEE). Ahmed Nakkouch est par ailleurs président de l’Association marocaine pour la recherche développement depuis 2011.
Que c'est absolument faux. Nous menons des projets comme toute entreprise privée. Les appels d’offres que ce soit celui de l'ONEE (Office national de l'électricité et de l'eau potable NDLR) ou de l'État pour les concessions foncières des parcs sont ouverts à tous et en toute transparence, et attirent à chaque fois une dizaine de consortiums. Ce qui est un gage de leur sérieux. La compétition se joue d'ailleurs toujours avec des grands noms mondiaux du secteur, ce qui est assez explicite. Parfois, nous gagnons, parfois non, c’est le jeu.
Quel est le contexte du système électrique au Maroc ?
Nous connaissons une augmentation de la demande en moyenne de 8% par an. Cela veut dire que tous les dix ans, la capacité installée doit doubler. Cela s’explique par la réussite des programmes de généralisation de l’accès à l’électricité puisque plus de 98% des foyers ont accès à ce service public. La consommation par foyer augmente avec le développement économique du pays. Tout cela génère des besoins en investissement énormes. L'ONEE, ne peut pas tout faire et l’État a choisi de libéraliser le secteur progressivement depuis 1994. Nous opérons dans ce cadre.
Qu’en est-il des schémas juridiques en matière de développement des capacités ?
Le secteur des énergies renouvelables s’est fortement libéralisé avec la loi 13-09. Seul le transport reste un monopole de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable. Et presque tous les schémas sont possibles aujourd'hui dans notre pays : producteur indépendant ou pour compte propre, partenariats public-privé, montages dit “build operate & transfer” (BOT) ou “build, own, operate & transfer (BOOT)... Côté financement, pour nos projets développés dans le cadre de la loi 13-09 et dont la production est destinée aux grands clients industriels, nous avons levé la dette en dirhams auprès des banques marocaines afin d’éviter l'exposition au risque de change, et les banques marocaines nous ont suivi. Pour les autres projets nous recourrons à des financements internationaux et nationaux compte tenu de la taille des projets et des montants importants à lever.
Quels sont aujourd'hui vos programmes majeurs ?
Ils sont nombreux. En 2006, notre premier projet a été le premier PPP (partenariat public privé) dans le domaine de l’irrigation dans le périmètre d’El Guerdane au sud d'Agadir. En décembre 2011, nous avons bouclé le financement du premier projet de production de l’électricité éolienne dans le cadre de la loi qui a libéralisé la production et la commercialisation des énergies renouvelables (la loi 13-09). C’est un projet de 200 MW répartis sur trois sites, Haouma au nord avec une puissance de 50 MW, Akhfennir et Foum El Oued au sud avec des puissances respectives de 100 MW et 50 MW. La production de ces 3 sites est destinée à de grands clients industriels (Lafarge Maroc, la Samir, Managem, Sonasid, Arcelor, OCP et Air Liquide Maroc). Les trois parcs sont entrés en production et les premiers kwh ont été livrés en janvier 2013. Notre troisième projet, nous le réalisons en partenariat avec Gdf-Suez suite à un appel d’offres international lancé par l’ONEE pour le financement, la construction et l’exploitation du plus grand parc éolien d’Afrique à Tarfaya, au sud du Maroc, avec une capacité installée de 300 MW, un investissement de 450 millions d’euros (5 milliards de dirhams environ NDLR) et une mise en service totale prévue pour fin 2014. Notre quatrième projet, nous le réalisons en partenariat avec Gdf-Suez et Mitsui suite à un appel d’offre international lancé par l’ONEE. Il s’agit de la centrale charbon de Safi dont le montant est de 2,5 milliards de dollars (21 milliards de dirhams NDLR). D’une capacité de 1320 MW, cette centrale sera la première réalisée au Maroc avec un haut rendement thermique (ultra supercritique) et équipée d’une désulfurisation, c'est-à-dire les technologies les plus en pointe en matière de respect de l’environnement. C’est un projetdont la mise en service est prévue vers fin 2017.
Toutes ces réalisations ne sont-elles pas trop coûteuses et risquées pour le Maroc ?
Non. Les besoins en capacité sont énormes et l’éolien au Maroc atteint la parité avec les combustibles fossiles compte tenu de la qualité des gisements dont dispose notre pays. Je vous rappelle d'ailleurs que certains cimentiers ont déjà investi pour leur compte propre dans des parcs éoliens. Ce n'est pas par altruisme. Au Maroc, la loi qui a libéralisé la production et la commercialisation de l’électricité produite à base de l’éolien ne prévoit ni un tarif d’achat garanti "feed-in-tariff" ni subventions compte tenu de la qualité des gisements éoliens de notre pays. Nos parcs éoliens bénéficient de taux de charge très élevés, exceptionnels même au plan mondial, autour de 45%.
Quels sont vos autres projets ?
Nous sommes depuis novembre 2012 un des six soumissionnaires pré-qualifiés pour l'appel d'offre lancé par l'ONEE de "projet éolien intégré". (1) C'est dans le cadre d’un groupement comprenant Nareva, le groupe émirati Taqa, le groupe italien Enel Green Power et l’entreprise allemande Siemens pour les turbines. C’est un projet majeur de 850 MW sur cinq sites. Le résultat final de l'appel d'offres est attendu pour fin 2013 ou début 2014. De nombreux banques et bailleurs de fonds marocains ou internationaux se sont manifestés pour financer ce projet.
Devant cette avalanche de projets énergétiques majeurs, certains industriels et équipementiers marocains se plaignent de ne pas trouver leur compte en termes de marché. Qu'en est-il de votre côté qui représentez des capitaux marocains ?
Il faut tenir compte des compétences et industries présentes dans notre pays. Il n'existe pas, par exemple, pour le moment de fabricants marocains de turbines ou de pales d'éoliennes. Mais à Tarfaya, nous nous sommes engagés sur 35% au moins de contenu local. Il y a bien sûr le génie civil, mais aussi les travaux électriques ou encore une partie des mâts réalisés notamment par Delattre Levivier Maroc qui vient d’ailleurs d’inaugurer en juin dernier une usine à Casablanca permettant de créer 450 emplois directs. Notre souhait est d’aller au-delà dès que possible, comme d’ailleurs, à juste titre, la plupart des opérateurs énergétiques au Maroc.
C’est-à-dire ?
Rendez-vous compte : concernant l'éolien avec les projets en vue, on dépasse largement les 1 GW de contrats fermes à venir sur l'ensemble du Maroc. Et le potentiel éolien de notre pays est estimé à 13 GW. Cela donne une certaine visibilité et perspective. Nous souhaiterions donc, tout comme les autorités publiques ou l'ONEE, qu'un ou plusieurs fabricants de turbines ou de pales ouvrent des usines sur place. J’ajouterais enfin que même si ce ne sont pas des activités intensives en main d’œuvre, la création des parcs éoliens induit des emplois locaux directs ou indirects que nous estimons par exemple à 100 personnes pour un parc qui fera 200 MW à terme comme Akhfenir. Pour ces régions, où il reste beaucoup à faire sur le plan économique, cela représente un impact réel. Nous nous en réjouissons.
Propos recueillis à Casablanca par Pierre-Olivier Rouaud
(1) les autres candidats retenus sont :
- Acciona Wind Power/Acciona Energia/Al Ajial Funds
- EDF Énergies Nouvelles/Mitsui&Co/Alstom
- Acwa Power/Gamesa Eolica/Gamesa Energia
- General Electric
- International Power (GDF Suez)/Vestas
Les cinq parcs éoliens, 850 MW au total, seront répartis sur différentes régions à savoir les sites de Midelt (150 MW), Tanger II (100 MW), Jbel Lahdid (200 MW), Boujdour (100 MW) et Tiskrad (300 MW).
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