[Muses Industrielles] "Pourquoi les oiseaux meurent" un premier roman aux allures de (fausse) fable écologique
Premier roman de Victor Pouchet, "Pourquoi les oiseaux meurent" se joue des gens pour mieux imposer son tempo. Entre odyssée sur la Seine et fable écologique, il suit un jeune homme voulant résoudre un mystère. On y voyage entre deux eaux, entre deux vérités à la dérive.
Pourquoi décide-t-on un matin que ce qui se passe dans le monde ne nous est pas étranger ? Pourquoi un jeune homme semi-dépressif décide-t-il un jour que la mort simultanée d’oiseaux dans un village normand le concerne ? Pourquoi décide-t-il alors de réaliser son Odyssée, qui, pour modeste qu’elle soit, n’en est pas moins une aventure poétique et existentielle sous la plume de Victor Pouchet dont c’est le premier roman ?
Mini croisière, maxi expérience
On pourrait broder à l’infini sur le cliché éculé du voyage qui importe davantage que la destination mais ce serait rater l’essentiel, la naissance d’un écrivain élégant à l’écriture sensible, capable de saisir aussi bien les soubresauts affectifs de son narrateur, que de s’intéresser à la lutte entre Pasteur et Pouchet, un scientifique normand oublié. Ce perdant magnifique du savoir scientifique est passé de la gloire à l’oubli en quelques années. Ou encore vous découvrirez halluciné la guerre aux oiseaux qu’avait décrétée Mao aux temps de la Révolution culturelle et entendrez le silence des campagnes chinoises, une fois le massacre perpétué.
"Il avait plu des oiseaux morts. J’ai répété ça aux bateliers sur le quai du port de Paris. Ils m’ont regardé étrangement. Pourtant, c’était très exact : il avait plu des oiseaux morts." Tout est posé dès le début de ce roman. Avant que le narrateur du roman embarque pour sa croisière, qui – est-ce un hasard le conduit aussi vers les lieux de son enfance -, il navigue entre deux eaux, tentant d’écrire une thèse, entre un chagrin d’amour et une famille décomposée. Alors quand il entend parler d’oiseaux venus mourir dans la région de Rouen, il n’hésite pas longtemps, plutôt étonné de voir que personne autour de lui ne réagit.
La fin du ricanement
Surtout, on ne saura jamais assez gré à Victor Pouchet d’en finir avec le ricanement houellebecquien dans son roman. Décrivant cette étonnante croisière sur la Seine entre Paris et le Havre, peuplée de retraités désoeuvrés et quelques peu déprimants, il ne fonce pas dans la facilité qui consisterait à s’amuser de ces voyageurs au long cours tout relatif. Au contraire, il les regarde avec humanité et une certaine douceur. "A Bolbec, une jeune fille d’une vingtaine d’années, assez jolie pour éveiller mon attention, s’est installée dans le compartiment. Après l’avoir observée quelques minutes, j’ai dû me rendre à l’évidence, et admettre que croiser le regard des filles dans le train était devenu de plus en plus difficile. Elle fuyait sans cesse mes yeux sans le savoir pour vérifier ses textos, envoyer des mails, naviguer sur un téléphone portable géant qu’elle manipulait avec une grande douceur, le caressant du doigt d’un geste vif, plus inquiétant que sensuel. Je me suis donc contenté de son profil penché vers la tristesse bleutée de communications infinies. Si elle avait levé la tête, nous aurions peut-être parlé de temps maussade, de port de commerce, d’études brillantes ou de pluies d’étourneaux."
L’auteur de ces lignes a à peine plus de 30 ans. Avec "Pourquoi les oiseaux meurent", c’est bien un écrivain qui est né.
*Pourquoi les oiseaux meurent, Victor Pouchet, éditions Finitude 16,30 euros
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