[Muses industrielles] La "brève histoire économique d’un long XXe siècle" de Philippe Chalmin explore cent ans de transformations
Comment résumer un siècle d’économie, riche en événements, en ruptures et en rebonds, en moins de 300 pages. C’est le pari réussi de Philippe Chalmin, économiste, historien et fondateur de Cyclope, le principal institut de recherches européen sur les marchés des matières premières, dans son ouvrage "Une brève histoire économique d’un long XXe siècle".
D’une crise à une autre, d’une révolution à une autre, d’une mondialisation à une autre. Philippe Chalmin commence par délimiter son corpus. Quand commence et s’achève ce long XXe siècle ? Le prendre dans son acception totale, de 1901 à 2000, n’aurait qu’un sens historique très relatif et trop contraint. Non, il inscrit sa naissance juste avant les coups de canons de la Première Guerre mondiale. Sur les derniers chants d’une mondialisation, la première, héritée de la fin du siècle précédent. Celle où "les hommes, pour la première fois, maîtrisent l’espace et le temps, où marchandises, informations et individus circulent à peu près librement en un monde qui connaît une sorte de plénitude du libéralisme".
L’année 1913 marque à la fois la consolidation des empires coloniaux, la déchéance des empires ottoman et chinois et l’émergence de pays forts comme les États-Unis et le Japon. En pleine seconde révolution industrielle et à la veille d’une guerre qui deviendra mondiale. Pour conclure la période étudiée, plusieurs dates évidentes viennent à l’esprit. La chute du communisme en 1990, les attentats du 11 septembre 2001, la crise financière de 2008. Mais c’est l’adhésion de la Chine à l’OMC, en décembre 2001, et donc son émergence sur la scène économique internationale, qui prévaut pour Philippe Chalmin. Il embrasse ce XXe siècle, celui des idées et des outils, de l’essor et des crises, des idéologies et des utopies, des espérances et des guerres, des victoires et des déboires, de la mondialisation et du protectionnisme à tous crins.
L’économiste choisit une approche en douceur de cette histoire économique récente, la rend accessible à tous. Et la débarrasse de ce qui pourrait effrayer le lecteur novice : adieu chiffres, tableaux, graphiques. Il s’agit avant tout d’un livre d’histoire, hérité de ces centaines d’heures de cours dispensé à des étudiants de premier cycle en économie. Le propos se veut donc clair et concis. L’auteur découpe son vingtième siècle en vingt chapitres, traités par ordre chronologique pour une analyse didactique des grands événements politiques, sociaux et économiques.
Les deux guerres mondiales servent évidemment de jalons, avec leur coût et leurs conséquences. Il rappelle les rapports de force modifiés en 1918, avec une Europe affaiblie et des États-Unis en pleine croissance, prêts à prendre la place de leader planétaire. Si le système monétaire est l’une des victimes de cette première guerre totale, l’auteur rappelle aussi les avancées technologiques qui éclosent, avec l’essor de l’aviation, de l’automobile, des télécommunications et des premiers chars d’assaut qui deviennent des tracteurs, favorisant la motorisation agricole.
Il passe en revue les Années folles. Et bien sûr la crise de 1929, dont il s’applique à décortiquer simplement les origines, les conséquences et les réponses apportées par les États. Il revient sur "l’utopie communiste", rappelle la nouvelle économie politique de Lénine, en 1921, où les capitaux étrangers sont encouragés à investir. Ce que fait Ford à l’époque.
Le recul de l’industrie traditionnelle
Après 1945, vient le temps de la transition, parfois difficile, et le retour à une situation normale. Les cartes sont rebattues et le tiers-monde éclot. L’économiste retrace, en parallèle, la force de cette Europe exsangue, humiliée, empêtrée dans des guerres coloniales et ses derniers morceaux d’empire, mais "capable en quelques décennies de s’unir, de créer une monnaie unique, de construire peu à peu un agir européen". La parenthèse enchantée des Trente Glorieuses se referme en 1974 avec les crises monétaire, économique et celle des matières premières.
Au tournant des années 2000, s’ouvre la troisième révolution industrielle, où fleurissent des "grappes d’innovations scientifiques et technologiques". Et que Philippe Chalmin résume de façon objective et lapidaire : "la montée des services et le recul de l’industrie traditionnelle". Il dépasse néanmoins 2001 et conclut son ouvrage sur un état des lieux de la planète économie et affronte les perspectives du XXIe siècle, où les nouvelles routes de la soie prennent toute leur place. Sans omettre, dans sa conclusion, un enjeu tardif mais devenu primordial, le défi environnemental.
En sous-texte, Philippe Chalmin rend hommage à son père, né en 1909 et mort quelques jours après l’adhésion de la Chine à l’OMC, qui marque pour lui l’achèvement de ce long siècle. Un homme du XXe siècle, prénommé Pierre.
[Muses industrielles] La "brève histoire économique d’un long XXe siècle" de Philippe Chalmin explore cent ans de transformations
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir