[Muses industrielles] Avec "une mer d'huile", Pascal Morin passe un été avec une famille de scientifiques bouleversés
Un court roman peut être riche et trois générations de scientifiques peuvent se retrouver au même endroit au même moment sans que le temps se répète à l'identique. C'est ce que démontre avec une écriture poétique Pascal Morin dans "Une mer d'huile". Son sixième roman séduira les observateurs de la dérive des sentiments, aussi bien que les médidatifs silencieux. L'auteur les récompense en leur offrant en filigrane une réflexion sur le temps qui passe imperceptiblement.
Ils sont trois : la grand-mère (chercheuse en neurologie), le père (medecin) et le fils (étudiant en maths sup) à se retrouver comme chaque été dans la maison familiale au bord de la Méditerranée. Au fil du temps, il y a toujours du plaisir à se retrouver mais désormais il y a aussi une sorte d'ennui qui pointe devant ces jours qui se répètent ou quand le rituel se fait à la fois réconfort et angoisse. Mais évidemment rien ne se passera comme prévu, car le temps passe et Danielle (la grand-mère) a décidé cette année de se faire seconder par Prisca. "Daniele ne leur avait pas révélé ses motivatoins véritables. Mais en signant le contrat, elle s'était prise à espérer, secrètement, que cela apporterait du sel à leurs trop fades vacances. Elle en avait besoin. Elle voulait que cela change."
Les mêmes mais pas tout à fait
Et il se passe ce qui devait se passer : l'arrivée d'un élément nouveau modifie le système existant. A la fin de la révolution, chaque membre du trio retrouvera une place. Pas forcément la même. A la fin de l'été, quand viendra l'heure de femer les volets et de remettre les housses sur les meubles, ceux qui partiront ne seront ceux qui les mêmes qu'un mois plus tôt. Le changement sera à peine visible à l'oeil nu et pourtant en profondeur, les êtres se seront déplacés de façon impercetible, comme les continents.
Car Prisca va réveiller les désirs, fait prendre conscience aux uns et aux autres du temps qui passe et leur rappeler comment leur vie s'incrit dans le temps présent, au milieu de la nature - que l'écrivain Pascal Morin sait décrire comme personne - de la Côte d'Azur. Là où le roman se singularise, c'est qu'il ne fait pas de Prisca un personnage aux motivations mystérieuses ou aux actes grandiloquents : elle est là, accomplit ce qu'on attend d'elle (au pire va-t-elle bouger un pot de fleur). Ce sont les projections des personnages sur cette jeune femme qui vont les faire bouger.
Ce roman est déjà le sixième du discret Pascal Morin, qui y confirme son grand talent littéraire et sa capacité à traduire par l'écriture les mouvements émotionnels et affectifs sous-terrains qui travaillent un groupe de personnes. Comme la mer d'huile qui lui sert de ditre, le roman n'est pas grandiloquent, il est d'apprence calme et si le roman est court, il n'en est pas moins passsionnant par la richesse des thèmes qu'il réussit à aborder. Derrière le récit anodin en apparence d'une famille normale en vacances normales s'esquisse une réflexion passionnante sur le temps qui passe et sur le sens de la Vie.
L'art de la miniature à son plus haut
Les amateurs de polar haletant ou de romanesque outrancier seront peut-être décontenancés par cette miniature anodine en apparence. "Pour lui rien n'était plus poétique que d'avoir chez soi un fragment de roche venue de l'espace. il voyait en toute chose plus que la matière". Il y a quelque chose de cet ordre dans ce roman, où il faut savoir voir quelque chose de plus derrière les mots imprimés.
Au passage, Pascal Morin dément avec brio l'adage tolstoÏen selon lequel les familles heureuses n'ont pas d'hisoire. Elle est juste plus modeste, moins spectaculaire mais tout aussi émouvante et romanesque pour qui sait voir et écrire. "Il lui avait suffit d'un révélateur. Un acide en guise de décapant".
Une mer d'huile. Pascal Morin, aux éditions du Rouergue (collection La Brune) 13,80 euros.
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