[Muses industrielles] Avec "Terres promises" Milena Agus raconte la vie d'un coeur simple dans une Italie qui change
Avec ce nouveau roman, Milena Agus prouve une fois de plus qu'on peut écrire un grand livre en peu de pages. A travers le récit sur trois générations à la recherche d'un endroit où être bien, l'écrivain sarde livre une réflexion drôle et poétique sur la place de chacun dans le monde, et livre mezzo vocce un portrait de l'Italie sur un demi-siècle.
Ce n’est sûrement pas un hasard si l'un des personnages du dernier roman de Milena Agus part pour New York, la capitale du jazz. L’auteure sarde maîtrise, en effet, l’art de la syncope et du cut. Et Terres promises – c’est le titre de son dernier ouvrage – n’y fait pas exception. Composé de chapitres courts, il balaie l’histoire d’une famille sur trois générations, chacun cherchant sa terre promise.
Une Italie en mutation
Pour le paysan sarde d’après-guerre, il s’agira de quitter son île pour rejoindre le continent et l’industrie avant de retourner au pays. Sa fille s’installera durablement dans la grande ville où elle se mélangera aux populations immigrées arrivée en Italie durant les années 60. Le fils rêvera de New York où il finira par s’envoler. Chacun dans ce roman cherche sa terre promise, comme l’indique le titre de l’ouvrage.
Milena Agus est l’auteure des destins des gens de peu de cette Sardaigne qu’elle connaît si bien. Mais elle échappe à toute grandiloquence ou roman fleuve. La manière Agus c’est plutôt le grand art de la miniature : observer finement, précisément et retranscrire au mieux avec poésie et parfois avec humour. Derrière l’apparente simplicité du récit fluide se dissimule une maîtrise de la technique romanesque, de l’accélération et de la pause. Certains n’en diront jamais autant en trois volumes de cinq cent pages que Milena Agus en moins de 200. Si l’amour est la grande affaire, elle sait glisser les détails qui, ici ou là, décrivent une Italie en mutation au cours des cinquante dernières années. L’ile qui peinait à nourrir ses enfants devient l’ile du tourisme au fil des pages, discrètement, provoquant de nouveaux débats au sein d’une famille dont l’arrière grand-mère n’avait jamais vu la mer.
Une ode à la bonté
Terres promises, c’est aussi et surtout le roman de Feleccita une sorte de lointaine cousine italienne de Félicité, la servante d’un cœur simple de Flaubert. Feleccita cultive une gentillesse à toute épreuve dans la vie, heureuse d’être au monde envers et contre tout.
"En calculant la proportion de bonté et de méchanceté sur notre planète, il en déduirait que le périple est moins épuisant pour les gentils. Car tout ce qu’on raconte au sujet des gentils qui sont des idiots est d’une grande bêtise. Si la beauté et la bonté ne l’emportaient pas, tout n’aurait-il pas pris fin depuis longtemps ? Quel extraterrestre, aussi fou fût-il, aurait l’idée de venir ici prendre forme dans un ventre ?"
Elle n’ignore pas les épreuves de la vie mais refuse qu’elles viennent assombrir son joyeux optimisme. Sous ces airs de roman familial, Terres promises est un quasi manuel de philosophie qui nous invite à cultiver l’optimisme. Rien de nunuche là-dedans, mais une démarche volontaire et forte, car les personnages de ce roman ont leur lot de souffrances et savent que l’Histoire est tragique. Tragique au point de pousser une jeune fille à mourir sous une voiture à New York parce que ses grands-parents ont été victimes de l’Histoire. Tragique mais pas désespéré, car le meilleur peut toujours arriver… même si c’est dans la dernière phrase d’un livre et que l’auteure, pudique, coupe.
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Terres promises Milena Agus (Traduction de Marianne Faurobert) Editions Liana Levi 15 eurosw
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