Médaille de bronze du CNRS : « Nous développons des édifices supramoléculaires pour l'électronique organique », expose Amparo Ruiz Carretero
Chargée de recherche à l’Institut alsacien Charles Sadron et à la tête de l’équipe Sycommor qui se consacre à la synthèse et à l’étude de matériaux pour l’électronique organique, Amparo Ruiz Carretero a reçu la médaille de bronze 2023 du CNRS. Elle présente pour Industrie & Technologies ses travaux en chimie supramoléculaire.
Vous venez de recevoir la médaille de bronze du CNRS 2023 pour vos travaux en chimie supramoléculaire. Pouvez-vous rappeler ce qu’étudie ce domaine de recherche ?
La chimie supramoléculaire étudie les interactions non-covalentes, autrement dit les interactions faibles entre molécules au sein d’un édifice moléculaire. Elle s’intéresse notamment aux liaisons hydrogène, aux liaisons de Van Der Waals ou encore aux empilements pi dans les cycles aromatiques. Par l’intermédiaire de ces interactions faibles, les molécules s’auto-assemblent naturellement pour former des structures avec des propriétés supérieures à celles de molécules isolées. Parmi les plus connues, nous pouvons citer la molécule d’ADN et les protéines.
Comment vos travaux combinent-ils cette branche de la chimie à l’électronique organique ?
Nous savons que les propriétés d’autoassemblage des édifices supramoléculaires sont fortement liées aux propriétés électroniques des matériaux. En contrôlant les paramètres de synthèse (solvants, température, concentration des réactifs) des structures supramoléculaires, notre objectif est de développer des matériaux plus efficaces pour l’électronique organique.
Concrètement, quelles approches adoptez-vous ?
D’une part, nous contrôlons la formation des liaisons hydrogènes qui assurent le transport des charges électroniques dans un édifice supramoléculaire afin d’améliorer la mobilité des charges. Et d’autre part, nous synthétisons des molécules chirales (non superposables à leur image dans un miroir) avec lesquelles il est plus facile de contrôler le spin du matériau. Par conséquent, la direction des charges électroniques peut être maîtrisée de façon à réduire les recombinaisons de charges positives et négatives. La combinaison des deux approches permet d’optimiser la performance finale du matériau.
L’aspect industrialisable de nos recherches est au cœur de notre démarche.
Vos recherches sont très fondamentales. Pensez-vous qu’elles sortiront un jour du laboratoire ?
Oui, je l’espère ! D’ailleurs, l’aspect industrialisable de nos recherches est au cœur de notre démarche. La littérature scientifique regorge de polymères sophistiqués très efficaces pour des applications électroniques. Mais ces grosses molécules sont difficiles à reproduire à l’échelle industrielle. Nous avons choisi de développer notre approche sur une molécule modèle, la dicétopyrrolopyrrole (DPP), qui est un semi-conducteur organique très puissant plus connu sous le nom de « pigment rouge Ferrari ». Nous avons volontairement choisi une petite molécule facile à utiliser dans la production à l’échelle industrielle. C’est une molécule simple à laquelle nous ajoutons des propriétés sophistiquées grâce à la chimie supramoléculaire.
Peut-on envisager d’autres applications à vos travaux?
Oui, en biologie par exemple. Les matériaux conjugués possédant des empilements pi capables de conduire les charges électriques peuvent être utilisés pour faire de la croissance de neurones ou de cellules, deux processus qui ont besoin d’un stimulus électrique. Par ailleurs, les édifices supramoléculaires peuvent afficher des propriétés de fluorescence utiles pour visualiser les différentes parties d’un tissu ou d’une cellule biologique.
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