MBDA face aux vents contraires de l’Europe de la Défense
Malgré un carnet de commandes record représentant plus de quatre années d’activité, le fabricant européen de missiles MBDA est pénalisé par l’embargo allemand sur les ventes de missiles à l’Arabie Saoudite et craint les conséquences d'un hard Brexit.
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L’Europe de la Défense peut être source d’opportunités comme d’inquiétudes pour les industriels de l’armement. Nul autre fabricant que MBDA co-détenu par Airbus (37,5%), le britannique BAE Systems (37,5%) et l’italien Leonardo (25%) est mieux placé pour le savoir. Pour ses dirigeants, les performances commerciales des années à venir vont dépendre grandement de deux pays où l’entreprise est fortement implantée.
D’une part, la Grande-Bretagne qui doit faire face à l’échéance du Brexit et d’autre part l’Allemagne qui durcit ses règles d’exportation en matière d’armement. "L’environnement est plus compliqué et plus difficile", a reconnu Antoine Bouvier, PDG de MBDA. Le dirigeant s’est exprimé ce 19 mars lors de la présentation des résultats annuels 2018 de son groupe. Ils sont marqués par un chiffre d’affaires en légère hausse à 3,1 milliards d’euros, un carnet de commandes représentant plus de quatre années d’activité et une prévision d’embauche de plus d’un millier de salariés.
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Après le Brexit, Quel statut pour la filiale britannique de MBDA ?
La sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne est un facteur de préoccupation majeure pour MBDA. Après la France, la Grande-Bretagne est le second pays de l’industriel en termes d’effectif avec près de 4000 salariés sur les 11 000 collaborateurs du groupe. Au-delà des surcoûts douaniers et autres difficultés logistiques et administratives, le Brexit soulève d’abord une question majeure : quel sera alors le statut de la filiale anglaise vis-à-vis de l’UE? MBDA UK sera-t-elle considérée comme un fournisseur étranger alors qu’elle compte Airbus et l’italien Leonardo comme actionnaires ?
En fonction de la réponse, la filiale britannique pourra ou non faire appel au nouveau fonds européens de Défense et s’engager dans des coopérations structurantes avec les autres industriels européens soutenues par Bruxelles. "Les initiatives communautaires prennent de plus en plus d’importance et sont structurantes pour l’industrie de Défense bien au-delà des budgets en jeu qui restent pour l’instant relativement limités. Ils ont un effet d’entrainement et de mobilisation extrêmement significatifs", a reconnu Antoine Bouvier.
Selon lui, l’Union Européenne ne peut se passer de la Grande Bretagne. Il estime qu’en matière de R&T, de développement et d’achat dans le domaine de la Défense, l’Europe dépense environ 40 milliards d’euros par an contre 160 milliards pour les Etats-Unis et 150 milliards pour le reste du monde. "Sur ces 40 milliards, la Grande Bretagne pèse pour 10 milliards. Sa contribution (…) est absolument essentielle" a-t-il souligné. Contrairement à l’avionneur Airbus qui a menacé de quitter à long terme le Royaume-Uni en cas de Brexit dur, le fabricant de missiles exclut d’ailleurs tout retrait industriel du pays.
Deux centres d'expertise mondiale en Allemagne
Mais dans l’immédiat, c’est la posture allemande en matière d'exportation de systèmes armement qui pénalise le plus MBDA. Le pays peut s'opposer à toute vente de matériel militaire qui embarque un composant ou une technologie made in Germany. Suite à l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul en Turquie, Berlin a déclaré un embargo sur les ventes d’armes vers la monarchie arabe. Au grand dam de MBDA. L'industriel ne peut plus ainsi livrer les missiles METEOR qui équipent les avions de combats de son client. En effet, sa filiale allemande qui fabrique les moteurs des missiles ne peut plus livrer le site d’assemblage final basé en Grande-Bretagne alors qu’il resterait encore environ la moitié des missiles à livrer.
Au-delà de ce cas, certains industriels s’alarment sur le fait que l’Allemagne durcit les règles d’exportation et élargit même la liste des pays qualifiés de sensibles au-delà de l’Arabie Saoudite et de l’Egypte. Une véritable épée de Damoclès pour le missilier qui a basé outre-Rhin près de Munich deux de ces centres d'expertise mondiale, celui des statoréacteurs de missile et des charges militaires. Et de l'aveu même de l'industriel, il sera impossible de rebâtir cette expertise ailleurs.
Une filière européenne de composants électroniques de défense à l'étude
Pour se prémunir de ces différents risques industriels, MBDA participe à deux programmes de recherche initié dans un cadre européen. Le premier vise à établir une cartographie des limitations liées aux licences d’exportation vers des pays non européens. Le second concerne les composants électroniques programmables critiques et de haute performance, les FPGA. Il s’agit de regarder au niveau européen si les conditions sont réunies pour qu’une filière européenne de mise au point des FPGA puisse se mettre en place. Antoine Bouvier a cité en exemple le secteur spatial qui a bénéficié de fonds significatifs pour développer des composants spécifiques. Cela permettrait entre autres à l’Europe de s’affranchir de certains composants américains et éviter les déconvenues. Les Etats-Unis avaient bloqué l’an dernier la vente de Rafale à l’Egypte arguant du fait que les missiles associés contenaient un composant conçu et fabriqué sur le sol américain.
Le sauvetage d'un fournisseur critique
Par ailleurs, MBDA en partenariat avec le fabricant de semi-conducteurs Soitec a contribué à hauteur de 2 millions d’euros à l’acquisition du fabricant de circuits intégrés Dolphin Integration en août 2018.La PME grenobloise en situation de redressement judiciaire, risquait de tomber dans des mains d’industriels étrangers. "Cela montre l’engagement de MBDA pour être un acteur responsable de la communauté de défense française lorsque des sources d’approvisionnement sont potentiellement à risque" a commenté Antoine Bouvier.
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