Matière active : La production de paracétamol pourrait redémarrer en France
Le groupe Seqens va-t-il redémarrer la production de principe actif de paracétamol (para-acétyl-amino-phénol) en France d’ici à trois ans ? Le projet a été discuté le 18 juin à l’occasion d’un Comité stratégique de filière des industries et technologies de santé, piloté par Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, et Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances. Le groupe de chimie fine a même engagé des travaux avec deux clients potentiels, Sanofi et Upsa, alors que le président Macron avait annoncé cette possible relocalisation deux jours plus tôt, en visitant des installations de Sanofi à Marcy L’Etoile.
Les deux laboratoires, Sanofi et Upsa, formulent déjà du paracétamol sur le territoire français pour fabriquer notamment leurs célèbres médicaments Doliprane, Dafalgan ou Efferalgan. En revanche, la matière active chimique provient forcément d’Asie car sa production en Europe a été abandonnée depuis 2008. « Il y a trois grands pays qui concentrent l’essentiel de la production mondiale », expliquait dans nos colonnes, en mai dernier, Robert Monti, directeur général Essential Drug Substances chez Seqens. « Les acteurs sont aujourd’hui principalement chinois et indiens, avec respectivement 50 % et 30 % des capacités mondiales. Les Etats-Unis sont le seul pays historiquement producteur à avoir réussi à conserver environ 15% des capacités mondiales autour de son producteur national ». Seqens est un grand producteur de paracétamol grâce à une activité qu’il avait rachetée en 2011 à Rhodia, quatre ans après la fermeture de l’unité de Roussillon en Isère. Mais il produit en Chine. « C’est la pression sur les prix qui avait amené le groupe Rhodia à délocaliser sa production en Chine et à démanteler les capacités françaises de production. Lorsque nous avons acquis cette activité, toute la production avait déjà basculé en Asie », avait-il ajouté.
VOS INDICES
source
165 -2.37
Août 2023
PVC
Base 100 en décembre 2014
97 =
Juillet 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 21.20 − Préparations pharmaceutiques
Base 100 en 2015
131.1 -3.1
Juillet 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 20.1 − Produits chimiques de base, engrais, Produits azotés, plastiques, caoutchouc synthétique
Base 100 en 2015
Lire aussi l'entretien de Robert Monti, directeur général Essential Drug Substances chez Seqens
Si la production a basculé en Asie, c’est donc parce que le prix de la matière active, payé par les laboratoires, était insuffisant. Pour que cette relocalisation en France fonctionne, il faudra que les laboratoires s’engagent à mieux rémunérer leur sous-traitant, et/ou que le projet bénéficie de mesures de soutien nationales et européennes suffisantes.
Si le paracétamol n’était pas forcément le médicament le plus urgent à relocaliser sur notre territoire - Seqens a prouvé qu’il a su maîtriser sa chaîne d’approvisionnement en provenance d’Aise, même en temps de crise -, il pourrait devenir une sorte d’étendard d’un grand mouvement de relocalisation.
Le gouvernement prévoit de mobiliser 200 millions d’euros « pour développer les industries de santé, et soutenir la localisation des activités de R&D et de production en France, dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ». Cette enveloppe concerne les seuls projets lancés en 2020 et sera amplifiée en 2021 pour financer de nouveaux projets. Ce plan comprend un appel à manifestation d’intérêt qui récupèrera 120 M€ par le Programme d’investissements d’avenir pour soutenir des projets de développement de nouvelles capacités ou d’adaptation de lignes. Les entreprises intéressées ont jusqu’au 30 octobre pour déposer des dossiers. 78 M€ viendront en soutien de six projets autour des sociétés innovantes: Abivax, Innate Pharma, Inotrem, Osivax, Xenothera et Genoscience.
C’est une grande victoire pour les professionnels de la chimie fine, regroupés au sein du Sicos Biochimie. Depuis des années, ils dressent ce constat d’une perte de souveraineté de la France en matière de production de principes actifs, sans réussir à obtenir des soutiens. Leur ténacité pourrait être enfin récompensée.
Lire la position du Sicos Biochimie dans l'entretien de Vincent Touraille, président du syndicat