Maroc : la raffinerie Samir en pleine déroute

Faute de liquidité, la Samir, unique raffineur du Maroc, a suspendu partiellement et momentanément sa production, pourtant stratégique pour le pays. Employant 1 200 personnes, elle ne rembourse plus ses créanciers, dont l'Etat, ne pourrait plus payer ses salariés et tarde à régler ses fournisseurs. Une recapitalisation notamment par l'actionnaire saoudien est en vue pour  septembre.

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Maroc : la raffinerie Samir en pleine déroute
Implantée à Mohammedia près de Casablanca, la Samir est la seule raffinerie du Maroc.

La Samir va-t-elle faire faillite ?

Au Maroc, la question est sur toutes les lèvres dans les milieux économiques et politiques. Depuis le début du mois d’août, pas une semaine ne passe sans un nouveau rebondissement. Un dossier brulan car il concerne la seule raffinerie du royaume implantée sur le port de Mohammedia à 30 km au nord de Casablanca.

Dernier épisode en date pour ce groupe, coté à la bourse de Casablanca mais détenu en majorité par le milliardaire saoudo-éthiopien Sheikh Mohammed Al Amoudi (photo ci-dessous) via la holding suédoise Corral : l’information parue dans la presse marocaine, ce lundi 24 août, selon laquelle les employés de la Samir ne percevraient plus leur salaire.

Dix jours auparavant, l’administration des douanes avait déjà lancé la saisie des avoirs de la Samir pour recouvrer ses dettes, selon Reuters. Le chiffre de 13 milliards de dirhams de dettes auprès de l’Etat (1 000 dirhams = 92 euros) a alors tourné dans la presse sans être confirmé.

En décembre 2014, à l’issue d’un premier profit warning, la Samir reconnaissait, dans ses états financiers, une dette envers l’Etat de 27 millions de dirhams, mais bien inférieure aux 11 milliards de dirhams alors dus à ses fournisseurs.

A cette date, la Samir annonçait surtout un résultat net en chute libre passant de 320 millions de dirhams en 2013 à une perte record de 3,4 milliards de dirhams en 2014 sous « l’effet de la contribution négative de la variation des stocks" de 3,029 milliards de dirhams, indiquait-elle dans son communiqué. En cause, la baisse des cours du pétrole.

Au printemps, la restructuration générale de la dette de la compagnie avait suscité l’espoir d’un redressement. Le 29 avril, la Samir obtenait un crédit de refinancement à long terme de 1,2 milliard de dirhams de la Banque Populaire. En février, elle avait également signé une convention "murabaha" (produit financier utilisé en finance islamique) de 235 millions de dollars avec la Société Internationale Islamique de Financement du Commerce, une filiale de la BID.

Le groupe américain Carlyle accordait pour sa part une facilité de 350 millions de dollars pour financer ses activités d’import de matières premières.

Cela n’aura pas suffi. Le 5 août, le communiqué de la Samir tombe comme un couperet : « l’approvisionnement de la raffinerie en pétrole brut enregistrera un retard en raison des difficultés financières de la société. Ce retard entrainera l’arrêt momentané des unités de production», avant que le groupe ne tente de rectifier le tir le lendemain en ajoutant : « deux cargaisons de 2 millions de barils de pétrole sont attendues à Mohammedia, entre le 15 et le 18 août 2015, selon les engagements pris par les fournisseurs».

Principaux actionnaires de la Samir au 21/05/2015)
Corral Petroleum Holding, groupe suédo-saoudien : 67,27 %
Divers actionnaires (flottant en bourse) : 26,95%
Holding marocaine commerciale (Holmarcom) : 5,78%
A sa supension de cotation, le 6 août dernier, la capitalisaton de la Samir s'élevait à 1,5 milliard de dirhams, soit 136 millions d'euros.
Source : BVC Casablanca

 

Trop tard, le cours de la Samir est immédiatement suspendu de la bourse et son communiqué, le 10 août, ne rassure personne. « La direction générale de la Samir informe de la tenue de son Conseil d’Administration le 8 Septembre 2015 afin de convoquer son Assemblée Générale Extraordinaire le 12 Octobre 2015 pour concrétiser l’opération d’augmentation du capital selon le plan de restructuration financière adopté en étroite collaboration avec tous les partenaires », indique-t-il.

Le gouvernement EN ALERTE

Le gouvernement d'Abdelilah Benkirane suit évidemment l'affaire de très près. L'enjeu pour lui est multiple.

Outre le sujet des dettes fiscales, il y a celui de l'approvisionnement du pays en carburant, sécurisé selon lui grâce aux importations. Autre question : les conséquences sociales d'une éventuelle faillite ou d'une restructuration massive de ce groupe de 1 200 salariés alors que se tiennent ce 4 septembre des élections locales. D'autant que tout près de la Samir, une autre grosse entreprise industrielle, le sidérurgiste Maghreb Steel connait aussi de très graves difficultés. L'affaire a, enfin, de quoi secouer enfin le secteur bancaire marocain.

Loin d’offrir une solution, la rencontre, il y a une semaine, le 18 août de Sheikh Mohammed Al Amoudi (homme d'affaires et philantrope très introduit au plan international) avec des membres du gouvernement marocain, s’est visiblement mal passée.

Le lendemain, à l’issu de la réunion du Conseil de gouvernement, son porte-parole déclare que le gouvernement « ne céderait à aucune pression, marchandage ou chantage » et qu'il s'emploiera à garantir et à préserver les droits de l'Etat en la matière et à sauvegarder les droits des employés conformément à la loi.

Pour l’heure, la Samir n’a pas réagi. « Nous communiquerons la semaine prochaine », nous annonce Noujoud Guermat, directrice de la communication du groupe marocain. Rendez-vous est pris.

Julie Chaudier, à Casablanca

Creusement des pertes en 2014
Ancienne société d'état privatisée à partir de 1996, la Samir est le seul raffineur du Maroc. L'entreprise affiche une capacité de raffinage de 150 000 barils de pétrole par jour, soit autour de 7 millions de tonnes par an. En 2014, son chiffre d'affaire a atteint 44,3 milliards de dirhams (-10%) avec une perte nette part du groupe de 2,52 milliards de dirhams, huit fois plus lourde qu'en 2013. A noter qu'un plan d'investissement avait été conduit sur le site en 2012.

Localisation de la Samir, à Mohammedia

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