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Anne Vermès poursuit son exploration de grandes figures historiques avec "Influencer comme Gandhi", un livre qu’elle a co-écrit avec Irène Kmiec-Rousseau. L’exemple du héros de l’indépendance indienne montre que devenir un leader demande un travail sur soi non négligeable. Le leadership de Gandhi repose aussi sur une alternance de phases d’actions et de méditation.
Mis à jour
25 octobre 2014
L’Usine Nouvelle : Pourquoi vous êtes-vous intéressée à Gandhi ?
Anne Vermès : Alors que dans les entreprises et le monde économique on parle de plus en plus de leadership incarné, le cas de Gandhi m’a semblé particulièrement intéressant. Il en est un exemple passionnant et paradoxal. C’est le prince de l’influence, mais au terme d’une transformation. Au départ, il n’est pas du tout fait pour devenir l’apôtre de la non violence, de la mobilisation de masse ou de la communication. Par exemple, longtemps, prendre la parole en public a été un énorme problème pour lui.
C’est quelqu’un qui a traversé d’importants moments de doute et de fragilité. Ce qui est aussi remarquable, c’est qu’il amène le peuple indien à sortir de sa posture de victime. Pour lui, si l’Inde a été colonisée, c’est aussi parce que l’Inde l’a voulu. Là encore, appliquée à l’entreprise c’est un éclairage intéressant, tant elles me semblent parfois peuplées par ce que j’appelle par dérision la tribu des "c’est pas nous". Gandhi amène chacun à travailler sur la prise de conscience de sa posture et de son rôle.
Une des choses que vous montrez dans votre livre, c’est que Gandhi a une relation très ambivalente avec l’Angleterre. Avant d’être le promoteur de l’indépendance, il est fasciné par la puissance du colonisateur.
Oui. Quand son père meurt, il y a un conseil de famille d’où il ressort qu’il doit devenir avocat. Or Gandhi voulait aller en Angleterre, ce qu’il fera sans l’accord de sa mère. Dans la société indienne de l’époque, c’est un acte fort. Une fois sur place, il développe une forme d’assimilation. Il va lire les auteurs anglais, prendre des cours de chant, de danse. Il adopte tous les codes de l’Angleterre. Mais c’est aussi à ce moment là, en quittant l’Inde, qu’il découvre les bases de son identité indienne.
Enfin, c’est quand il part exercer en Afrique du Sud, qu’il est confronté au rejet : dans un train, alors qu’il est assis en première, un contrôleur lui dit qu’une personne au teint foncé ne peut pas être avocat en Afrique du Sud. C’est le point de départ de son engagement politique. Il expérimente la posture de l’humiliation. Son cabinet se spécialise alors dans la défense d’indiens humiliés. Peu à peu, Gandhi va organiser cette résistance, créer le mouvement, développer la communication avec le journal Indien Opinion. Il travaille cette influence.
Comment s’opère cette mutation ? Comment devient-on un leader quand au départ on n’aime pas parler en public ?
Gandhi est dans la recherche de la vérité juste, dans l’idée qu’il ne faut pas juger l’adversaire, mais être juste avec soi. Plus on travaille sur soi dans la clarté, plus on aura d’influence. Quand il est arrêté, plutôt que de crier à l’injustice, il réagira en disant "c’est moi qui n’ai pas dû comprendre". De cette façon il change le rapport de force.
Pour la parole en public, Gandhi va pratiquer la méditation pour apaiser et clarifier ce qu’il veut. Il va sortir de cette obsession de la parole qui le rongeait véritablement en recourant… à la communication écrite. Il publie un journal. Ensuite, si une action ne s’est pas déroulée conformément à ce qu’il voulait, il s’enferme pour réfléchir à ce qu’il aurait dû faire et qu’il n’a pas réussi.
Il travaille beaucoup sur lui donc pour devenir un leader ?
Pour le dire en langage contemporain, il pense que pour être un leader, il faut travailler sur ses difficultés. Il suit donc de nombreuses disciplines. Il pratique la méditation, est végétarien. Il s’astreint aussi à travailler de ses mains et pratique l’abstinence.
Il a donc inventé une forme d’auto coaching ?
En tout cas, il l’a expérimenté. La voie qu’il propose c’est de se transformer pour changer le monde. Il a un haut degré d’exigence par rapport à lui. Ce n’est pas sans conséquences. Ses enfants en ont souffert.
A vous écouter, ce qui frappe chez Gandhi, c’est qu’il semble alterner en permanence l’action et des phases de retranchement, à l’inverse de l’image des leaders super actifs que l’on observe.
Oui. Il est capable de sortir de l’action. Il mobilise son intelligence adaptative. Il a un niveau d’exigence colossale. Mais n’oubliez pas qu’il a réussi à mobiliser 300 millions de personnes en faveur de la non-violence. Un dernier exemple pour vous donner une idée de ce qu’il s’imposait : chaque semaine il passait une journée sans parler.
C’était une journée passé à méditer, à s’occuper avec ses mains, à réfléchir, à travailler son intériorité. Gandhi a développé un art de prendre le temps de réfléchir sur soi, de travailler sur une vision. Ce faisant, il est sorti de l’agitation permanente. Si l’influence de Gandhi a été aussi forte, c’est aussi parce qu’il a développé une vraie exemplarité.
Quelles sont les limites à ce qu’il a expérimenté ?
J’en vois au moins deux. Son histoire se passe en Inde, soit un pays où la spiritualité est quelque chose d’important. En outre, sur la lutte contre les Anglais, il faut bien voir que Gandhi avait face à lui des interlocuteurs que son attitude déstabilisait. Il a su s’en servir. Mandela a tenté de suivre son enseignement en Afrique du Sud. Face à un adversaire violent, cette démarche n’a pas réussi.
Propos recueillis par Christophe Bys
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