« Made in France », le diagnostic

Dans quelques jours, début mars, Nicolas Sarkozy va annoncer la « nouvelle politique industrielle » de la France faisant suite aux « États généraux de l’industrie », lancé le 2 novembre par Christian Estrosi, ministre de l’Industrie.
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« Made in France », le diagnostic

A cette occasion, L’Usine Nouvelle dans son édition du jeudi 18 févier fait un bilan du « Made in France ». Pour cela la rédaction a mené en exclusivité un enquête minutieuse pour traquer les différents coûts de revient (salaires, fiscalité, matières premières…) de 15 produits emblématiques fabriqués en France (automobile, trains à grande vitesse, textile, électroménager, fromage…). Et un diagnostic sur leur futur ... Que peut-on encore produire en France?

En complément, de l’enquête publiée dans le magazine, voici un
éclairage sur trois entreprises et le secteur de la pharmacie.

Les efforts d’Ensival Moret en R&D payent

Filiale du groupe Moret Industries et producteur de pompes pour les applications industrielles à St Quentin, la société familiale Ensival Moret (1200 personnes) a réalisé un chiffre d’affaires de 145 millions d’euros en 2009. Environ 90% de sa production est destinée au marché européen (France, Belgique…), mais la société dispose de filiales en Chine et au Brésil. Elle a investi en 2008-2009 quelques 20 millions d’euros dans ses unités de production européennes.

« Notre force c’est de pouvoir proposer sur une base standard, des produits spécifiques », explique Jérôme Duprez, président d’Ensival Moret et d’Europump (Association européenne des fabricants de pompes) et vice-président de Profluid. Des pompes dont la puissance varie de 5 kW à 2,5 MW, construites sur mesure et destinées à des applications de niche. Ce qui permet à cette entreprise familiale de résister à la concurrence et de continuer à fabriquer en France. Une fabrication qui nécessite un effort considérable en R & D et études. « 40% de notre personnel c’est du col blanc », précise Jérôme Duprez. Production en petite série de produits de qualité… c’est le casse tête qu’affronte avec succès l’entreprise. « Les pompes classiques, les 1000 pièces identiques à fabriquer… ce type de production est partie dans les pays à bas coûts comme la Chine », constate le responsable.

« Nos concurrents sont des grands groupes internationaux généralistes qui pèsent dix fois notre chiffre d’affaires. Mais ils ne sont pas aussi spécialisés que nous. Nous pensons que notre avancée technologique sera encore valable pendant les dix années à venir », pense le responsable de la société qui apprécie tout spécialement la défiscalisation de la R & D et les aides Oséo. Pour continuer à fabriquer en France et en Europe il faudra aussi garder vivants les sous-traitants.

Le marché français de pompes industrielles, en baisse de 3 ou 4 %, a connu une évolution dichotomique en 2009. Certains secteurs ont été en forte croissance, comme celui de l’énergie, tandis que les autres ont accusée une baisse forte.

Mirel Scherer

Répartition des coûts de production (en %)

Composants (matières premières, produits finis, moteurs, etc.)

45

R & D

5

Main d’œuvre et charges

50

Coûts variables

négligeables


Prix des pompes : de 2000 euros à 8 millions d’euros
Source : Ensival Moret

La PME ATV produit dans l’usine d’Ardennes (Freins industriels)

Avec 55 ans d’existence, ATV emploie une trentaine de personnes et fabrique des freins pour différents domaines d’application : la sécurité industrielle, le levage-manutention, la sidérurgie, les remontés mécaniques, l’industrie éolienne, machines spéciales… Son chiffre d’affaires est 3,5 millions d’euros en 2009 et le taux d’investissement de 30%.

« Nos produits, livrés avec des délais très compétitifs, sont très techniques, respectueux d’une réglementation draconienne, adaptés à l’application », explique Erik Nezeraud, directeur général de cette PME. Une complexité qui fait appel à des compétences variées, pneumatiques, électromagnétique voir même mécatroniques car les contrôle-commande de ces freins est sophistiqué. Le prix est un facteur important, attaché à la fonction sécurité, c’est un élément qui retient ce type de fabrication en France. La proximité de nos ateliers avec ceux de nos clients est un autre atout, car il nous permet d’intervenir rapidement en cas de besoin. Il faut être correctement armé (R & D, BE, etc.) pour pouvoir accompagner les clients dans le développement de leur projet. « Nous sommes confiants pour les prochaines années à condition de ne pas baisser les investissements industriels et de ne pas affronter une concurrence déloyale. » On voit l’apparition de certains concurrents qui n’hésitent pas à copier nos produits.

Les concurrents sont allemands et italiens, certaines sont des groupes qui assurent aussi l’intégration du frein dans un ensemble. « Nous préférons rester à notre taille pour pouvoir réagir rapidement et ne pas concurrences nos clients qui sont des intégrateurs », précise Erik Nezeraud. En dépit de certaines lourdeurs qui persistent en France et la difficulté à trouver des investissements, ce dernier apprécie la bouffée d’oxygène qu’apporte le crédit d’impôt R & D et les aides Oséo.

Mirel Scherer

Répartition des coûts de production (en %)

Composants achetés

35

Matières premières

20

Main d’œuvre et charges

45

Coûts variables

négligeables


Prix des freins : de 200 à 15000 euros

Comment peut-on produire en France ?
L’avis de André-Jacques Auberton-Hervé, PDG de Soitec
« Dans notre secteur, les générations de produits se succèdent rapidement. La proximité est une source d’innovation. Il est important d’aller vite de l’idée au produit. La complexité des nanotechnologies et des semi-conducteurs oblige à effectuer les développements à l’intérieur même des usines. On ne peut pas développer d’abord dans un laboratoire, puis transférer dans l’usine. Ainsi, il n’y a pas de R&D forte sans industrie et il n’y a pas d’industrie sans R&D. Mais il faut se projeter sur les marchés réceptifs à l’innovation, et l’Europe n’est pas le premier marché pour l’innovation.

Il faut aussi avoir accès aux bons cerveaux. Dans cette optique, la notion de cluster est importante, c'est-à-dire la proximité entre les secteurs public et privé, et les collaborations que cela engendre. Donc, il n’est pas suffisant de soutenir la R&D, il faut aussi créer des conditions attractives pour l’installation des usines, pour les garder proches de centres de R&D : la compétitivité vient de l’attractivité des territoires.

Dans notre activité, où les investissements sont lourds, c’est la vitesse de réaction qui fait le retour sur investissement, et permet de rester le numéro 1. »


Propos recueillis par Patrice Desmedt

250 usines pharmaceutiques en France : comment la pharmacie résiste

Premier producteur européen de médicaments, l’industrie pharmaceutique totalise toujours près de 250 usines. Pour les « vieux » produits à faible marge, c’est la proximité avec le marché qui compte. L’exemple typique en est le Doliprane, le médicament le plus prescrit en unités, près de 45 ans après sa commercialisation. « Nous maintenons la marque avec une évolution industrielle : nouveaux dosages, nouvelles formulations », souligne Philippe Luscan, le senior vice-président des affaires industrielles de Sanofi-Aventis.

A l’opposé du Doliprane, pour des produits nécessitant beaucoup de technicité, comme l’insuline injectable, la proximité du marché ne joue pas : c’est la qualification de la main d’œuvre qui permet de garder un site en France. Le site de l’américain Lilly, à Fegersheim, en Alsace, rassemble près de 1800 salariés et exporte 98% de sa production. Néanmoins, pour rester compétitive, chaque usine a mis en place des plans de performance industrielle et de réduction du prix de revient. Dans le choix de produire en France, la qualité prime mais les coûts de production sont juste derrière !

Anne Pezet

SKF : des raisons pour garder la fabrication des roulements aéronautiques en France

Directeur general de SKF Aerospace France (fabrications de composants pour l’aéronautique, roulements de haut de gamme, bielles métalliques et en composite, etc.), Bernard Lefevre est confiant en ce qui concerne la fabrication dans l’Hexagone de ces produits à forte valeur ajoutée. A titre d’indication, dans le coût d’une bielle métallique, les achats représentent 35 % (matière première 15%, composants 12%, sous-traitance 8%) et la valeur ajoutée est de 65%. « Les compétences aéronautiques se trouvent en grande partie en Europe », constate le responsable. Pourtant, la concurrence commence à se profiler à l’horizon. « Bien sûr, la Chine a la volonté politique, la puissance financière, et annonce la fabrication de premiers avions en 2015-2016, mais nous pensons que cela sera plutôt pour 2018-2020. Et la Russie, dont les compétences dans ce domaine sont plus étendues que celle de la Chine, monte en puissance. Quant à l’Inde, elle se positionne en tant que fabricant de sous-ensembles. D’autre part, des fabricants comme Safran, Airbus, Eurocopter... poussent leurs fournisseurs à fabriquer dans la zone dollar et dans des pays à bas coûts pour contrecarrer les effets de parité dollar/euro et réduire les coûts. Cela dit, la fabrication en gros volume de ces composants haut de gamme restera encore pour les dix à quinze ans en Europe et donc en France. Pour des raisons aussi divers que la proximité avec les clients, le fort pouvoir d’innovation, etc. Atout important pour la France : le crédit impôt recherche. Mais attention, avertit le spécialiste. Il faut continuer à maîtriser à tout prix la conception de ces produits.

« Les compétences aéronautiques se trouvent en grande partie en Europe »,
constate le responsable. Pourtant, la concurrence commence à se profiler à l’horizon. « Bien sûr, la Chine a la volonté politique, la puissance financière, et annonce la fabrication de premiers avions en 2015-2016, mais nous pensons que cela sera plutôt pour 2018-2020. Et la Russie, dont les compétences dans ce domaine sont plus étendues que celle de la Chine, monte en puissance. Quant à l’Inde, elle se positionne en tant que fabricant de sous-ensembles. D’autre part, des fabricants comme Safran, Airbus, Eurocopter... poussent leurs fournisseurs à fabriquer dans la zone dollar et dans des pays à bas coûts pour contrecarrer les effets de parité dollar/euro et réduire les coûts. Cela dit, la fabrication en gros volume de ces composants haut de gamme restera encore pour les dix à quinze ans en Europe et donc en France. Pour des raisons aussi divers que la proximité avec les clients, le fort pouvoir d’innovation, etc. Atout important pour la France : le crédit impôt recherche. Mais attention, avertit le spécialiste. Il faut continuer à maîtriser à tout prix la conception de ces produits.

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