Les raisons du bras de fer entre le ministère de la Santé et Roche
Le ministère de la Santé aimerait baisser les dépenses de la Sécurité Sociale dans le traitement d’une maladie de l’œil, la DMLA en utilisant un traitement du groupe Roche, moins onéreux, mais pas autorisé pour lutter contre cette maladie. Le laboratoire s’y oppose.
Elle faisait partie des affaires ciblées par le documentaire "Le scandale du prix des médicaments" diffusé le 13 novembre sur France 3. Depuis l’été 2012, une polémique subsiste sur le coût du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), une maladie de la rétine qui affecte des dizaines de milliers de personnes en France. Un seul médicament était autorisé pour traiter cette pathologie, le Lucentis du laboratoire suisse Novartis, vendu 800 euros la seringue. Soit le traitement qui a coûté le plus cher en remboursement à la Sécurité Sociale en 2012 : 389 millions d’euros ! Des médecins lui préféraient donc l’Avastin, un anticancéreux du groupe suisse Roche, commercialisé vingt fois moins cher. Problème, ce dernier n’est pas autorisé pour le traitement de la DMLA...
Les royalties du Lucentis… reversées à Roche
La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a donc tenté de forcer Roche à demander une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette indication. Mais le laboratoire s’y oppose fermement. Il faut dire qu’il n’y a aucun intérêt financier. Car c’est lui qui récolte les royalties du Lucentis ! Développé par la biotech américaine Genentech (que Roche a rachetée depuis) en utilisant justement un fragment d’Avastin, le Lucentis a été licencié à Novartis pour sa commercialisation à l’international. Et si Roche s’offusque d’autant plus, c’est qu’entre temps, un nouveau médicament a été autorisé en France contre la DMLA. Eylea, un traitement par injection de l’allemand Bayer, a obtenu un prix des autorités françaises seulement 10 à 15% en dessous du Lucentis. "S’il y a des discussions sur les prix, elles doivent avoir lieu avec les laboratoires concernés !", juge Jérôme Garnier, directeur médical de l’oncologie et l’hématologie chez Roche. Il ne veut pas laisser planer de doute : "Si nous avions la moindre information disponible laissant penser qu’Avastin dans la DMLA était soit plus efficace, soit mieux toléré que Lucentis, soit les deux, cette indication aurait été développée, peu importent les ventes de Lucentis, assure-t-il. Mais ce n’est pas le cas. Or notre business model est d’innover dans des maladies spécifiques où il n’existe pas de traitement. »
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Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 20.1 − Produits chimiques de base, engrais, Produits azotés, plastiques, caoutchouc synthétique
Base 100 en 2015
La même efficacité, mais pas la même tolérance
Pourtant, une étude clinique de phase 3 (la dernière avant une éventuelle demande d’enregistrement d’un médicament), financée par le ministère de la Santé, a testé l’Avastin dans cette indication chez des patients, et aurait montré la même efficacité que le Lucentis. "Une étude académique dont on ne connait pas les détails ne suffit pas pour constituer un complexe dossier d’enregistrement, qui nécessite de très nombreuses données de toxicologie, d’efficacité, etc. issues de multiples études précliniques et cliniques, insiste Jérôme Garnier. Et si l’efficacité semble identique dans cette étude, les deux produits ne présentent pas la même tolérance générale. Il n’y pas d’antiinfectieux dans l’Avastin, il n’est pas fait pour être injecté dans l’œil et traiter la DMLA !" Il pourrait même provoquer des infections de l’œil, avait signalé l’an dernier la Direction Générale de la Santé. "Nous n’allons pas vers une demande d’AMM car l’Avastin n’a pas été développé pour cela, insiste le directeur médical. Un médicament est mis au point pour répondre à un mode d’action particulier, puis développé pour tester son efficacité et sa sécurité dans le traitement d’une pathologie."
Gaëlle Fleitour
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