Les marges de la filière agroalimentaire n'ont jamais été aussi faibles
Le président de l’Association nationale des industries agroalimentaires (Ania) s’inquiète du contexte de guerre des prix entre enseignes de la grande distribution, qui pèse sur les industriels. Le secteur enregistre les niveaux de marge les plus bas depuis 1974.
Jean-Philippe Girard, président de l'Ania
"La guerre des prix fait toujours rage !" alerte Jean-Philippe Girard, le président de l’Association nationale des industries agroalimentaires (Ania). Après une vague de négociations commerciales annuelles avec la grande distribution qualifiée de très difficile par beaucoup d’industriels, l’association présentait ce mardi 29 mars le bilan 2015 du secteur.
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Le mois de janvier 2016 représente le 31e mois consécutif de déflation sur l’ensemble des produits de grande consommation, et atteint un niveau de déflation inobservé depuis huit ans explique l’Association, chiffre du panel IRi à l’appui. "Il faut faire évoluer la loi LME (introduisant la libre négociabilité des prix – NDLR) qui a rendu la guerre des prix licite, explique Jean-Philippe Girard. Le ministre de l’Economie a demandé un audit de cette loi, il faut se mettre au travail. Si nous ne faisons rien, nous allons repartir comme cela en 2017. Les mois qui viennent vont être clé pour notre secteur".
Selon l’Ania, entre 2004 et 2016, les industriels du secteur ont perdu six points de marge (EBE/VA). "En 2015, elle est resté stable, mais à des niveaux inobservés depuis quarante ans", souligne l’association, qui incrimine, sur la période allant de 2009 à 2015, la dégradation des termes de l’échange, c’est-à-dire la difficulté pour les industriels à passer des hausses de tarifs.
Pour l’association, la guerre des prix n’a aucun impact sur la consommation alimentaire qui, depuis deux ans, progresse moins vite que celle des autres biens. Elle sera davantage liée à l’évolution démographique.
L’investissement en berne
Le secteur bénéficie aujourd’hui des niveaux bas des cours du pétrole et des taux d’intérêts, mais pâtit des cours des matières premières alimentaires qui, quoique en baisse, restent encore à des niveaux élevés et surtout très volatiles. Si globalement la conjoncture est favorable à l’activité et à la reprise de l’investissement, les chefs d’entreprise de l’agroalimentaire, à contrario de l’industrie globale, voient plutôt leurs perspectives d’activité évoluer négativement à court terme.
"L’agroalimentaire est le seul secteur industriel qui ne tient pas ses prévisions d’investissement", commente-t-on à l’Ania : alors qu’ils prévoyaient initialement une hausse de 9 % en valeur pour 2015, les chefs d’entreprises les ont finalement diminué de 7 %, soit un écart de 16 points entre le déclaratif et les dépenses réalisées… L’association s’inquiète d’un décrochage des investissements de l’ordre de 20 % depuis 2008.
Première industrie
L’agroalimentaire reste néanmoins la première industrie de France avec un chiffre d’affaires resté stable en 2015 à 170 milliards d’euros. Le secteur, qui emploie 440 926 salariés, n’a par contre enregistré que 4 332 créations de postes nettes.
L’agroalimentaire français (183 milliards d’euros en incluant l’artisanat commercial) occupe la deuxième place derrière l’Allemagne (193 milliards) et devant l’Italie (128 milliards). Avec un solde de 8,1 milliard d’excédent commercial, nous sommes le quatrième exportateur mondial derrière les Etats-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas. "Nous pouvons revenir sur le podium", veut croire Jean-Phillipe Girard, qui constate que les deux tiers des exportations sont réalisées par 2 % des entreprises. Conséquence du président de l’Ania : il faut davantage inciter les PME à exporter, dans un premier temps chez nos voisins européens, qui représentent toujours les deux tiers de nos exportations.
Patrick Déniel
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