Les investissements mondiaux en "pétrodollars" risquent de souffrir
par Andrew Torchia et David French
Les fonds souverains des six Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG) sont devenus ces dernières années des investisseurs financiers de premier plan. La chute des prix du pétrole risque de les conduire à retirer plusieurs dizaines de milliards d'euros des marchés mondiaux en 2015.
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Mis à jour
22 janvier 2015
DUBAI (Reuters) - La chute des prix du pétrole risque de contraindre les fonds d'investissement souverains du Golfe à retirer plusieurs dizaines de milliards d'euros des marchés mondiaux cette année.
Nombre d'entre eux devraient toutefois poursuivre leurs investissements à long terme dans les infrastructures et l'immobilier, en particulier dans les pays en développement, jugés plus attractifs que l'Europe.
Les fonds souverains des six Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG) sont devenus ces dernières années des investisseurs financiers de premier plan.
Destinées à diversifier les économies de la région en dehors des hydrocarbures, ces structures ont acquis par exemple des participations dans de grandes multinationales, comme Total ou Volkswagen ou encore dans l'immobilier européen.
Au Maroc par exemple, les investissements directs (IDE) des pays du Golfe ont représenté de 5 à 30% des flux annuels reçus par le Royaume et 15,7% en 2013 avec des investissements majeurs dans Maroc Telecom, la centrale à charbon JLEC ou le projet solaire géant Noor.
Au plan mondial, en incluant les actifs étrangers de la banque centrale saoudienne, ces fonds souverains représentent aujourd'hui un total d'environ 2 430 milliards de dollars (2 090 milliards d'euros) selon le Fonds monétaire international (FMI), des sommes dont la majeure partie est investie hors de la région.
Au Maroc, les capitaux de pays du Golfe réunis dans le fonds d'investissement Wessal capital vont financer les méga projets de transformation urbaine de Casablanca ou Rabat. Ce fonds a été créé à la suite des Printemps arabes pour soutenir l'économie du royaume..
Mais la chute de 60% en sept mois du prix du baril risque fort de briser leur élan en réduisant fortement les revenus des exportations pétrolière, des "pétrodollars" qui constituent leur principale source de capitaux.
Capital Economics estime qu'avec un Brent à 60 dollars le baril en moyenne cette année, le CCG accusera un déficit courant de 60 milliards de dollars, le premier depuis 1998. Cela pourrait tarir totalement les flux de pétrodollars vers les fonds souverains.
Et ces flux pourraient même s'inverser : certains gouvernements vont probablement liquider certains actifs pour combler leur déficit budgétaire et compenser la baisse des recettes. Si le Brent reste à son niveau actuel, proche de 50 dollars, tous les pays du CCG afficheront un budget déficitaire.
Les déficits devraient toutefois rester limités par rapport à la taille des fonds souverains et ceux-ci éviteront des ventes massives et forcées, estiment banquiers et analystes.
L'Abu Dhabi Investment Authority, la Qatar Investment Authority et le fonds souverain d'Oman ont refusé de commenter ces informations. Le fonds souverain de Bahrein Mumtalakat, la Kuwait Investment Authority, le ministère saoudien des Finances et l'Agence monétaire saoudienne n'ont pas répondu dans l'immédiat à une demande de commentaire.
L'ARABIE SAOUDITE EN PREMIÈRE LIGNE
C'est l'Arabie saoudite qui pourrait devoir retirer le plus de fonds des marchés internationaux. Les actifs étrangers détenus par sa banque centrale représentaient en novembre l'équivalent de 732 milliards de dollars, dont 545 milliards de titres et 131 milliards de dépôts dans des banques hors du royaume.
Ces actifs passent pour être en grande majorité libellés en dollar américain.
Le gouvernement saoudien prévoit pour 2015 un déficit budgétaire record de 38,7 milliards de dollars. Or, les analystes estiment que ce calcul est fondé sur un cours moyen d'environ 60 dollars le baril ; si le Brent reste à son niveau actuel, le déficit pourrait donc se situer entre 50 et 60 milliards.
Un tel trou pourrait être comblé en empruntant ou en puisant dans les dépôts auprès des banques saoudiennes. Mais les dirigeants du pays ont tendance à éviter la dette et ne souhaiteront sans doute pas pénaliser l'économie nationale en faisant diminuer les liquidités du système bancaire.
Ainsi, la majeure partie, sinon la totalité du comblement du déficit pourrait reposer sur les actifs étrangers. C'est la solution qu'avait choisie Ryad en 2009, le dernier exercice déficitaire.
Cette année-là, les investissements de la banque centrale à l'étranger avaient diminué de 7% et ses dépôts à l'étranger de 12%, avant de renouer avec la croissance en 2010.
Ailleurs dans le Golfe, ce sont Oman et Bahrein qui risquent le plus de devoir rapatrier des investissements mais leurs fonds souverains sont relativement modestes (19 milliards de dollars pour le premier et 11 milliards pour le second selon le FMI).
Les Emirats arabes unis, le Qatar et le Koweit passent pour mieux supporter, sur le plan budgétaire, la baisse des cours du brut que l'Arabie saoudite. Leurs besoins en termes de cessions d'actifs pourraient donc rester limités et le rendement des fonds existants pourrait même suffire à couvrir leur déficit.
"Quand vous avez un fonds de 500 à 600 milliards de dollars, rien que les revenus du fonds vous assurent environ 20 milliards de dollars par an à dépenser", explique un dirigeant bancaire à Doha.
(Marc Angrand pour le service français)
(compléments UN le 22/01)
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