"Les gestionnaires de déchets ont besoin de connaître le gisement", estime Fabienne Landeroin, du projet Democlès

Initié en 2014 par l’éco-organisme Recylum, le projet Democlès fédère 40 acteurs du bâtiment, des matériaux et du recyclage autour de la recherche de solutions destinées à mieux valoriser les déchets du second œuvre (hors béton, gravats et armatures). 10 millions de tonnes en sont produits chaque année. Fabienne Landeroin, chargée de la coordination du projet Democles, explique cette démarche à L’Usine Nouvelle.

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L'Usine Nouvelle - Quel constat vous a incité à lancer Democlès ?
Fabienne Landeroin - Democlès est un projet né du constat effectué par Recylum selon lequel il était extrêmement difficile de récupérer les équipements électriques dans le cadre de la démolition. Dans le bâtiment, les déchets électriques sont peu considérés au regard des volumes générés par le plâtre ou d’autres matériaux. Les taux de recyclage dans le bâtiment, selon l’Ademe, sont aujourd’hui assez faibles (moins de 50%). Nous avons constaté que la maitrise d’ouvrage méconnaît la phase de curage, avec des entreprises de démolition qui sont contraintes en termes de temps (entre la phase de désamiantage et de construction, par exemple) et de moyens. Par ailleurs, les matériaux déposés à l’issue des chantiers sont insuffisamment identifiés. La phase de préparation des travaux est essentielle. Il convenait également de s’intéresser aux initiatives existantes : des filières de valorisation des déchets du second œuvre sont en place, notamment dans le plâtre ou dans le verre plat, mais nécessitent d’être connues.

Un an après son lancement, comment a avancé le projet Democlès?
Lorsque Democlès a été lancé, il y avait 27 participants, sur l’ensemble de la chaîne des acteurs concernés par les déchets, des maîtres d’ouvrage aux industriels. Aujourd’hui, il y a 40 acteurs, dont une majorité d’entreprises de terrain, Democlès ayant pour objectif d’être un projet opérationnel, pour répondre aux besoins des acteurs. Six chantiers-tests ont été réalisés sur les 10 prévus, ce qui est formidable dans un contexte sinistré pour le bâtiment. Les travaux consistent à identifier le gisement (cloisons, équipements électriques, etc.), mesurer l’impact économique d’une dépose sélective (au lieu d’abattre une cloison avec ses revêtements, on sépare et on trie les éléments), ainsi qu’à identifier les moyens d’évacuation des déchets (on a identifié les filières de valorisation). Nous avons notamment étudié les conditions de reprise : le déchet peut-il supporter un mélange avec d’autres déchets, ou nécessite-t-il un conditionnement à part ? Pour être recyclés correctement, un certain nombre de déchets, tels que le verre plat, nécessitent d’être isolés, tout comme les lampes et les tubes. Aujourd’hui, par habitude, une grande majorité de déchets du second œuvre, hormis le bois et le plâtre, partent en mélange.

Pourquoi les déchets du second œuvre sont-ils l'objet d'un taux moindre de recyclage dans l'univers du bâtiment?
De manière tout à fait légitime et efficace, les acteurs concernés (entreprises de travaux et gestionnaires de déchets) se sont tout d’abord attaqués aux déchets inertes, pondéreux et qui n’induisent pas une transformation chimique, d’où une valorisation matière extrêmement simple. Les déchets du second œuvre souffrent d’une méconnaissance compte tenu de leur diversité. Il faut avoir une connaissance précise du gisement, et faire en sorte que celui-ci soit suivi de filières de valorisation adaptées sur l’ensemble du territoire, accompagnées par des travaux de recherche. Des filières de recyclage se sont développées, en premier lieu sur les chutes de pose dans la rénovation ou dans la construction : les professionnels connaissent les matériaux qu’ils mettent sur le marché. Dans le cadre des activités de curage, on ne connaît pas forcément l’historique et la qualité du bâtiment. Or, les gestionnaires de déchets ont besoin de cette connaissance du gisement pour adapter leurs outils, et les industriels pour mieux connaître le potentiel de développement de la filière. Il est par contre possible de développer des outils de séparation des différents matériaux.

Comment peut-on prévoir le traitement des déchets du second œuvre sur les chantiers?
Tout d'abord, il faut donner des moyens à la partie dédiée au curage, dès la phase de consultation avant les travaux. Deuxièmement, il n’y a pas forcément d’identification des matériaux dans les clauses communiquées aux entreprises (on y parle de revêtement de sols, mais pas de moquette, ce qui gêne la préparation). Ensuite, la zone allouée aux déchets n’est pas forcément prise en compte dans l’ensemble (évacuation des déchets par le monte-charge, installation de bacs, estimation du potentiel de valorisation de chacun): le suivi pendant la réalisation du chantier doit être doté d’outils adaptés. Enfin, il faut travailler sur le conditionnement des déchets : l’habitude est d’appeler un gestionnaire de déchets la veille, sans l'informer des différents types de matériaux, alors qu’il faudrait prévoir différents bacs adaptés au lieu d’une benne, par exemple. La vie n’est pas un long fleuve tranquille, et la déconstruction exemplaire est difficile à réaliser quand le maître d’ouvrage ne l’a pas appréhendée ou que l’on repère de l’amiante, par exemple !

Quelles sont les prochaines étapes du projet?
Dans le courant du 1er trimestre, les conclusions du projet seront remises sous forme d’un rapport. Nous essaierons également d’optimiser les outils utilisés par les acteurs (aides à la rédaction des cahiers des charges, à la rédaction des diagnostics déchets, etc.)

Propos recueillis par Franck Stassi

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