Les femmes ingénieures ont tout à gagner des tensions actuelles sur le marché de l'emploi, selon Michael Page
Pour Fatine Dallet, directrice senior chez Michael Page en charge du recrutement des ingénieurs, les femmes souffrent encore dans les environnements de travail très masculins. Mais elle observe les efforts des recruteurs et un changement d'état d'esprit chez les candidates.
Malgré la féminisation progressive des métiers de l'ingénieur, les femmes continuent à faire face à des discriminations sur la base de leur genre, et ne s'autorisent pas toujours toutes les pistes de carrières. Fatine Dallet, directrice senior chez Michael Page en charge du recrutement des ingénieurs, elle-même ancienne ingénieure, est bien placée pour observer le phénomène. Elle fait le point pour l'Usine Nouvelle sur les progrès de ces dernières années et sur le chemin restant à parcourir.
L'Usine Nouvelle - Constatez-vous qu'il est encore aujourd'hui plus difficile pour les femmes de se faire une place dans les métiers d'ingénieurs ?
Fatine Dallet : Oui, les femmes nous en parlent parfois en entretien. Elles partagent avec nous leurs doutes sur leur capacité à bien le vivre, ou leur peur d'être pénalisées dans leur carrière. Beaucoup en souffrent. Il arrive que ce soit la raison pour laquelle elles quittent leur entreprise. Les femmes dans les industries très masculines vivent souvent des intimidations ou des remarques sexistes lors de leur intégration, surtout si elles managent des équipes. Elles sont très testées au départ. Pour réussir, il faut une vraie motivation et savoir s'imposer. C'est le profil des candidates qui postulent dans ces environnements-là. Souvent, ce sont des personnalités très affirmées.
Voyez-vous les choses évoluer malgré tout ?
Heureusement oui. Il y a dix ans, nous avions tendance à forcer les processus de recrutement des femmes. Les recruteurs nous disaient qu'elles n'allaient pas s'adapter. A force, ils ont vu que cela fonctionnait bien, que cela créait un équilibre et une complémentarité. Aujourd'hui ils veulent plus de mixité, et pour cela se fixent des objectifs de parité. Par ailleurs, on observe que les plus jeunes appréhendent moins d'intégrer l'industrie, grâce à la communication faite pour attirer les talents. Le contexte de marché aide aussi énormément les entreprises à travailler sur leur attractivité, étant donné la pénurie de compétences sur le marché de l'emploi cadre.
Comment font les entreprises pour atteindre ces objectifs de parité ? Faut-il en passer par la discrimination positive ?
Ils se traduisent avant tout dans la communication et dans la culture d'entreprise, pas dans les choix au niveau des short-lists. Les entreprises développent, par exemple, du storytelling sur les réseaux sociaux, créent des réseaux féminins, sollicitent les associations pour aller chercher des profils féminins… Mais la discrimination positive, je n'ai jamais vu ça. On reste toujours sur des recrutements basés sur les compétences. Les entreprises travaillent aussi sur la progression au mérite et les inégalités salariales, ainsi que sur des politiques de rétention des talents féminins.
Cela fonctionne-t-il ?
Sur l'ensemble des postes d'ingénieurs, nous recevons environ 25% de candidatures de femmes, soit une proportion similaire à leur présence dans les écoles d'ingénieurs. Mais il y a beaucoup plus de candidates sur des postes en R&D, qualité, hygiène et sécurité, que dans l'industrie lourde, la technologie ou le management opérationnel en usine.
Propos recueillis par Raphaële Karayan
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