[Les experts de l'usine] Bien-être au travail : sous la calinothérapie, un vrai projet de société
Parfois raillé en France ou abordé avec cynisme, le bien-être au travail est un levier important pour les entreprises qui y croient vraiment. Telle est la conviction de Jérôme Froment-Curtil, directeur général de Workday France, qui rappelle que loin d'être une pure déclaration d'intention, il s'agit d'un vrai projet qui doit engager l'entreprise et ses dirigeants.
Beaucoup d’entreprises n’ont pas attendu la pandémie actuelle pour placer leurs employés au cœur de leurs préoccupations. En août dernier, l’initiative, vue de France, pouvait laisser pantois : 181 PDG de marques représentant près de 30 % de la capitalisation boursière totale des États-Unis signaient une lettre ouverte intitulée "Déclaration sur la raison d’être de l’entreprise". Le principe était clair : les parties prenantes sont essentielles, et les dirigeants s'engageraient envers chacune d'entre elles pour assurer le succès futur de l'entreprise, de la communauté et du pays.
Dans ce contexte, loin du monde des bisounours dans lequel on le cantonne parfois, le mouvement des Great Place to Work prend un sens nouveau et pourrait augurer un changement de fond dans la façon dont l’entreprise inscrit son action auprès de ses employés comme dans la société.
Donner du sens à son job : première raison d’être des entreprises
En France aussi le sujet est entendu : au cœur de la loi Pacte, la raison d'être s’est imposée comme le principal actif des entreprises pour créer de la valeur partagée. Mais la diffusion et l’appropriation d’une vision, comme la réalisation d’un objectif n'est possible dans l’entreprise que via une culture appropriée. C’est bien là tout l’enjeu : comment créer la bonne culture sur le lieu de travail ?
A l’évidence, c’est d’abord une question d’engagement du top management comme des salariés. Mais aussi de confiance : l’entreprise se doit d’avoir des dirigeants exemplaires, en qui l'on a confiance et qui en sont dignes. Cela requiert également un ensemble de valeurs fondamentales, un langage commun. Ce serait même la clé de la performance économique. Selon une étude menée par Deloitte, instaurer une véritable culture d'entreprise distincte est jugé important pour la réussite de l'entreprise par 94 % des cadres et 88 % des employés.
Mais pour se dépasser et servir au mieux leurs clients, les employés doivent avant tout se sentir respectés et valorisés, savoir que ce qu'ils font est important et qu'ils peuvent avoir un impact. Soit exactement le contraire des "Jobs inutiles" théorisés par l’anthropologue David Graeber, qui les considère comme le mal du siècle du monde du travail. En France, ils toucheraient près d’un salarié sur cinq. On comprend mieux l’urgence d’expliciter une raison d’être et de bâtir une culture d’entreprise qui redonnent du sens au travail.
Connais-toi toi-même : l’entreprise à l’école de la philosophie
Le défi est d’autant plus important que l'expérience d'un employé n’est plus façonnée comme autrefois par ses proches collègues, le microcosme de son bureau ou de son service : la plupart d'entre nous font désormais partie d'équipes réparties dans le monde entier, et notre façon de travailler a considérablement évolué à l’heure du numérique. Le fait d'avoir une culture fondée sur un ensemble de valeurs communes fixe un cap pour l'entreprise, rassemble les gens et agit comme une sorte de contrat entre les employés, de sorte que chacun comprend ce qu'il peut attendre des autres. Et la meilleure façon d'établir la confiance avec vos clients est de prouver que vous êtes vraiment celui que vous prétendez être.
Cela suppose donc pour l’entreprise de se connaître soi-même. Cette identité est précisément la pierre angulaire d’une culture d’entreprise où il fait bon travailler. Cela ne se décrète pas d’en haut : apprendre à se connaître demande beaucoup d’écoute et d’humilité. Pour les cadres dirigeants cela implique de passer un temps considérable en interne sur ces questions culturelles. Savoir se mobiliser, se détacher des impératifs des affaires pour prendre ce temps-là, est crucial, notamment pour accompagner ou faire émerger de nouveaux talents : chacun est dans une quête de sens au travail et veut être acteur de son développement.
Deviens qui tu es
Des valeurs scandées sur le papier glacé des rapports annuels des grands groupes, aux injonctions des Chief Happiness Officers de start-up, la notion de Great Place to Work est parfois considérée avec cynisme en France. Et pourtant, bâtir une entreprise où il fait bon vivre est une ambition formidable et exigeante. Elle impose de transformer ses habitudes, ses process et son organisation.
Apprendre à donner du feed-back, responsabiliser les managers, accepter de mettre en place une transparence quasi-intégrale sur l’état de l’organisation, savoir prendre le pouls des équipes, favoriser les initiatives et encourager les gens à être eux-mêmes…
Avoir le courage de concilier bien-être des collaborateurs, innovation et profitabilité implique de ne pas transiger sur un ensemble clair de valeurs d'entreprise.
Ce n’est qu’en s’engageant à respecter ces valeurs, en essayant de les incarner au quotidien, notamment aux yeux de ses clients et de chaque partie prenante, que nous devenons l’entreprise que nous voulons vraiment être. Une entreprise qui tient ses promesses, qui crée de la valeur non seulement pour ses actionnaires et ses employés, mais aussi pour la société dans son ensemble.
Jérôme Froment-Curtil, directeur général de Workday France
Les avis d'experts sont publiés sous l'entière responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.
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