Les entreprises énergétiques étrangères dans le viseur de Poutine
La France présente d’importants intérêts en Russie dans les secteurs du pétrole et du nucléaire. Une nouvelle détérioration des relations avec l’Occident pourraient surtout affecter ce second domaine.
Dans une allocution télévisée le 29 avril dernier, le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, menaçait l’Europe de contre-attaquer dans le cas où de nouvelles sanctions seraient décidées. L’homme fort de Moscou vise en particulier les entreprises européennes dans le secteur de l’énergie. "Si cela continue, nous allons bien entendu devoir repenser comment (les sociétés étrangères) travaillent dans la Fédération russe, notamment dans des secteurs clefs de l'économie russe comme l'énergie", a-t-il affirmé. En réponse, les ministres de l’énergie du G7, réunis le 6 mai à Rome, ont renouvelé leur soutien à l’Ukraine. Ils ont affirmé que "l'énergie ne doit pas être utilisée comme un moyen de pression politique".
Depuis le début du conflit, la Russie sous-entend qu’elle peut fermer les tuyaux de gaz vers l’Europe. Une hypothèse peu probable ! Une telle décision serait aussi délétère pour la Russie que pour l’Europe. En 2013, les importations de gaz depuis la Russie, - 70 % transitent par l’Ukraine-, ont augmenté de manière significative, passant en un an de 23 % à 27 %. Le voisin russe est la première source d’approvisionnement du Vieux Continent, loin devant l’Algérie et le Qatar.
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Cependant, la France est à l’abri en ne s’alimentant qu’à hauteur de 10 % depuis la Russie. En fait, Moscou peut difficilement se passer du marché européen, d’autant plus que les exportations d’hydrocarbures représentent sa première source de rentrée de devises. Ainsi, GDF Suez, qui s’alimente à hauteur de 17 % chez le russe Gazprom, doute que leur relation de 35 ans puisse être sensiblement altérée.
Total très présent et confiant
Des mesures à l’encontre des entreprises étrangères présentes dans le pays sont une menace plus sérieuse. Plusieurs entreprises françaises seraient exposées, car la France est le troisième investisseur européen en Russie tout secteur confondu, derrière l’Allemagne et l’Italie. Parmi les grands groupes tricolores présents en Russie dans le secteur de l’énergie, on retrouve en premier lieu Total. Le pétrolier est présent depuis 25 ans dans le pays et détient 16 % du gazier Novatek. Le Français est engagé dans de nombreux et grands projets. En particulier, il est partenaire à 20 % du chantier de gaz naturel liquéfié du champ de Yamal, un investissement de 20 milliards d’euros. Sur ce même projet, Technip, en consortium avec le japonais JGC a remporté un contrat pour la construction d’une unité de liquéfaction de gaz. L’ingénieriste est présent par ailleurs sur des sites pétrochimiques du pays.
Bien que vigilant face à l’évolution de la situation politique, on assure chez Total ne pas être inquiet. "Lorsqu’a été prise la décision d'investir en Russie, nous avons évalué les risques, en prenant en compte l’évolution du facteur politique. Malgré le contexte à court terme, nous le considérons encore acceptable avec une vision à long terme et nous continuons à faire des affaires en Russie aux côtés d'autres entreprises occidentales", affirme Yves-Louis Darricarrère, directeur général Exploration & Production, à l’occasion d’une conférence pétrolière fin avril aux Etats-Unis. Le projet Yama devrait en effet courir sur 30 à 40 ans.
Le nucléaire sur la sellette ?
En matière de nucléaire, le CEA est en relation avec Rosatom dans le cadre du développement d’un réacteur expérimental à neutrons rapides. Mais selon nos informations, le projet serait aujourd’hui au point mort en raison des tensions en cours. Areva pousse depuis longtemps pour accroître ses partenariats en Russie et est même parvenu à décrocher la fourniture de systèmes de contrôle commande sur des centrales russes. Alstom est pour sa part en partenariat depuis 2007 avec Atomenergomash. Il est même parvenu à fournir deux de ses turbines Arabelle pour des réacteurs nucléaires russes.
Officiellement le Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternative ne fait pas état de modification dans ses travaux. Mais d’après nos informations, les relations du CEA et de son partenaire russe sont aujourd’hui à l’arrêt. En réalité, l’élaboration de collaborations scientifiques entre deux pays, sur un sujet aussi sensible que le nucléaire, est considérée comme l’un des bras de la diplomatie. En cas de tensions croissantes entre l’occident et la Russie, le CEA devra se caler sur la position du Quai d’Orsay.
Ludovic Dupin
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