Pourquoi transformer le modèle d’innovation traditionnel ? Selon, Ann-Charlotte Teglborg, enseignant chercheur, le modèle classique de l’innovation en entreprise est "un modèle clos". Jusqu’à présent, pour innover, il fallait que l’entreprise investisse lourdement en recrutant les meilleurs talents.
Or ce modèle s’est fissuré dès le début des années 80, et on considère de plus en plus qu’il est obsolète. Alors que les coûts de recherche et développement augmentent de manière exponentielle, désormais aucune entreprise ne peut se prévaloir d’avoir les meilleurs talents. La connaissance est de plus en plus présente à l’extérieur. Parallèlement le cycle des produits devient de plus en plus court. Dernier élément, l’explosion du numérique tend à casser les modèles propriétaires et les rentes de situation, par conséquent le retour sur investissement est moins important que le passé.
les entreprises n’ont d’autre choix que d’hyper-innover
En quoi l’innovation ouverte pousse les entreprises à repenser leur modèle d’innovation ? Le nouveau modèle de l’innovation ouverte, ou open innovation, a été théorisé par Henry Chesbrough, professeur à l’Université de Berkeley : "(...) the purposive use of inflows and outflows of knowledge to accelerate innovation in one’s own market, and expand the use of internal knowledge in external markets, respectively".
Les frontières de l’entreprise sont devenues poreuses, la connaissance pertinente peut être aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise. Par conséquent les entreprises n’ont d’autre choix que d’hyper-innover, en faisant de l’innovation l’affaire de tous. Les salariés peuvent initier des projets dont ils ont l’idée à travers leurs contacts avec les clients ou via leur participation à des réseaux sociaux. En démocratisant l’innovation, l’entreprise décuple ses chances de détecter de nouvelles opportunités d’affaires et d’optimiser ses coûts. Aujourd’hui, il faut être fier de dire : "Proudly Found Elsewhere".
des plateformes pour que l'entreprise fasse appel à la communauté
Quelles sont les articulations possibles ? L’innovation des entreprises n’est plus l’affaire des seuls spécialistes. L’innovation participative vise à stimuler et à favoriser la mise en œuvre et la diffusion d’idées en vue de créer de la valeur ajoutée et de faire progresser l’organisation. Une innovation peut naître d’un problème posé par l’entreprise, c’est le cas lorsque Suez Environnement fait appel à des étudiants pour imaginer la ville de demain.
Quant au concours d’idées, il correspond au besoin de trouver des nouvelles solutions sur un champ où l’entreprise n’a a priori pas d’idées. Certaines entreprises développent leur propre plateforme pour faire appel à la communauté. On peut notamment citer l’expérience Hack4France, qui permettait à des jeunes entrepreneurs de se faire repérer, ou encore la plateforme CVous.com ouverte aux clients du Groupe Casino. Mais comme le rappelle Martin Duval (de l'agence de conseil Bluenove), au contact des clients, les salariés sont au premier plan concernant la possibilité de capter des tendances et des idées nouvelles créatrices de valeurs pour l’entreprise. D’ici à 2020, le groupe Michelin s’est par exemple fixé pour objectif recueillir 100 000 idées de la part de ses collaborateurs, via sa plateforme InnovaGO.
ouvrir l’entreprise sur l’extérieur à travers des partenariats
Les entreprises peuvent aller encore plus loin à travers la détection de start-up, l’entreprise devient alors un fond d’investissement. Il ne s’agit pas de faire de la fusion mais du corporate venturing. Les groupes internationaux sont ainsi de plus en plus nombreux à créer des Lab ou des incubateurs pour détecter et encourager l’innovation, à l’instar de PSA qui développent des synergies entre quatre écosystèmes : Open Innovation académique (laboratoires, universités), Open Innovation Individus (collaborateurs, clients, usagers), Open Innovation Entreprises (fournisseurs, concurrents, entreprises hors monde auto) et Open Innovation institutions (collectivités, pouvoirs publics, pôle de compétitivité, Europe, villes). Chaque écosystème peut enrichir les autres.
Comment valoriser les innovations issues de ces différents écosystèmes ? Trois possibilités : soit sur son propre marché, soit sur un nouveau marché soit en vendant des licences inutilisées (Out-Licensing). Dans son modèle, Chesbrough envisage d’ouvrir l’entreprise sur l’extérieur à travers des partenariats avec des concurrents pour développer des projets qui ne seraient pas viables économiquement seuls, ou d’acheter directement des licences développées par des tiers.
On voit ainsi enfin apparaître des nouveaux acteurs : Yet2.com permet de faciliter les échanges et les transactions entre les entreprises ; Yourencore est un réseau de scientifiques à la retraite qui délivre des services aux entreprises ; sur Innocentive.com, des sociétés exposent de manière anonyme des problèmes de R&D...
Il faut garder à l’esprit que derrière l’innovation participative et l’open innovation, c’est toute l’organisation de l’entreprise qui est souvent remise en cause. Il ne faut donc pas négliger la force de l’exemple et réussir à créer une success story interne. Enfin, rappelez vous que s'il n'y pas de solution, c'est qu'il n'y a pas de problème.
Yann-Maël Larher, doctorant en droit social sur les technologies de l'information et de la communication dans l'entreprise (Université Paris 2 - Assas)
30/09/2014 - 09h10 - pierre
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