"Les dix femmes de l’industriel Rauno Rämekorpi" ou la tendre luxure finlandaise
Ce roman d’Artoo Paasilina nous entraîne dans le road-movie sentimental et sexuel d’un industriel de la métallurgie finlandais. Drôle et profond à la fois, il dépeint la condition de l’homme moderne dans sa relation au monde et aux femmes.
Dans sa collection "Denoël & d’ailleurs", l’éditeur publie régulièrement dans un format qui se glisse dans la poche, les ouvrages du prolifique et truculent Artoo Paasilina, auteur finlandais connu en France surtout pour son principal succès : "le Lièvre de Vatanen". Parmi la quinzaine de titres disponibles en français chez cet éditeur, les lecteurs de L’Usine Nouvelle se délecteront des aventures de l’industriel Rauno Rämekorpi.
Comme l’auteur, le héros a été bûcheron en Laponie. Puis il est devenu responsable d’une scierie, puis fabricant de maison en bois avant de passer à la métallurgie pour construire des cabines de bateau. Pour un peu, il fabriquerait des ascenseurs comme le leader finlandais Koné. Bref, c’est toute l’histoire du développement industriel du pays qui se dresse en toile de fond de la narration qui est centrée sur le personnage fantasque de Rauno. Il fête ses soixante ans en grande pompe, en même temps que sa nomination au prestigieux titre de "conseiller à l’industrie".
Tournée de cadeaux et portraits de femmes
Derrière cette façade respectable se dresse un homme qui - à l’aube de la dernière partie de sa vie - se demande ce qu’il a encore à en attendre. Sous l’opportun prétexte de se débarrasser de la dizaine de bouquets de fleurs qu’il a reçus pour son anniversaire et auxquelles sa femme est allergique, le voilà parti dans une espèce de road movie nostalgico-sentimentalo-sexuel à travers Helsinki. Car à qui offrir des fleurs sinon à des femmes ? D’anciennes maîtresses, de vieilles amies, des employés de son entreprise familiale, des jeunes, des vieilles, des entre deux âges. En 24 heures, il va en rencontrer dix et toutes les honorer. Car la pudeur n'est pas le fort des finlandais et on se retrouve rapidement en tenue d'Eve et d'Adam. Un effeuillage du corps comme de l'âme qui donne lieu à autant de magnifiques portraits de femmes.
Amateur de politiquement correct s’abstenir. Rauno n’a pas beaucoup de moral mais c’est un être généreux, il utilise les femmes mais ces dernières le piègent allègrement aussi.
De la condition masculine au 21 éme siècle
Le charme du livre vient du fait que les parties de gambettes sont aussi des parties de gamberge. Entre les galipettes, on boit, on mange, on sue dans des saunas et on converse. Dans ces conversations, on démêle la difficile condition de l’homme du 21 éme siècle en proie à des attentes contradictoires. Citons le : "Rauno Rämekorpi déballa ce qu’il avait sur le cœur : à l’époque, l’homme considérait, parait-il, la femme comme un simple objet sexuel. Dix ans plus tard, on lui reprochait de ne pas savoir se montrer tendre, ni pleurer s’il était malheureux. Dans les années 80, alors qu’ils avaient docilement appris à chialer, on les avait considérés comme des chiffes molles, des piliers de bistro et des ennemis de la vie de famille. Et aujourd’hui, on les accusait par pure habitude de tous les péchés du monde."
Sur ces considérations, Rauno ne se laisse pas abattre et poursuit son périple. Où les scènes cocasses se multiplient. Mais ses dix femmes, jalouses, finissent par se liguer contre lui … tout en se trahissant entre elles. Au final, de ce périple entamé par une méditation mélancolique sur la vieillesse ressort une formidable énergie de vie.
"Les dix femmes de l’industriel Rauno Rämekorpi" ou la tendre luxure finlandaise
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