Les comptes pénibilité seront bien créés, mais les cotisations reportées

Face à la mobilisation des organisations patronales contre le compte pénibilité, le gouvernement lâche du lest : le compte sera bien créé au 1er janvier 2015 pour les salariés, mais les entreprises ne cotiseront pas cette année-là, et très peu les deux années suivantes.

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Les comptes pénibilité seront bien créés, mais les cotisations reportées

Leur mobilisation a payé. Reçues la semaine dernière par des conseillers de Manuel Valls à Matignon, en présence de Michel de Virville, chargé d’une mission technique sur le compte pénibilité, les organisations patronales marquent un premier point : la cotisation de 0,2% due par toutes les entreprises pour financer ce compte ne sera pas exigible en 2015, ni vraisemblablement en 2016.

Quant à la sur-cotisation due par les seules entreprises exposant des salariés à la pénibilité, elle ne sera payée qu’à partir de 2016, pour un taux inférieur à ce qui était prévu : 0,1% pendant deux ans, au lieu de 0,3 à 1,6% de la masse salariale correspondant aux heures d’exposition (ce taux variera en fonction du nombre de facteurs de risque auxquels le salarié est confronté).

"Nous saluons cette modération des cotisations et leur report, réagit Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME, mais il reste le plus important pour nous : la définition des seuils et durées d’exposition" déclenchant la création de points pénibilité. Ces points permettront à un salarié de partir plus tôt à la retraite, de suivre une formation, ou de travailler à temps partiel les années précédant la retraite.

Période transitoire

Reporter le paiement des cotisations offre aux entreprises une période transitoire pendant laquelle elles pourront tester le compte. Ces deux années de cotisations nulles ou faibles peuvent aussi leur permettre de réduire l’exposition de leurs salariés, ce qui est aussi le but de la loi.

La CFDT, très attachée au compte pénibilité, ne s’alarme pas de ce décalage des prélèvements : "Il n’y a rien de changé !", commente Hervé Garnier, secrétaire national en charge du dossier à la centrale syndicale. "Le compte sera ouvert comme prévu début 2015 pour les salariés. Leurs premiers droits ne seront effectifs qu’en fin d’année, donc aucune dépense n’était de toute façon prévue en 2015. Mais commencer à prélever les cotisations cette année-là aurait été une gestion de bon père de famille, une assurance contre l’incertitude. Là, les prélèvements vont monter progressivement, on risque de se retrouver en difficulté."

En pratique, aucun salarié ne pourra "dépenser" ses points pénibilité avant l’année 2018. "Pour les utiliser, explique Mouna Elgamali, auditeur juriste au cabinet Atequacy, il devra avoir cumulé un minimum de 20 points. Sachant que le maximum de points créés par an est de 8, il devra attendre fin 2017 pour les utiliser. Et ce sera forcément pour une formation, puisque les 20 premiers points du compte pénibilité sont obligatoirement affectés à cet usage."

Tractations sur les seuils et durées d’exposition

Les organisations patronales ont obtenu de quoi calmer leur grogne, mais se battent maintenant sur les seuils et durées d’exposition, qui devraient faire l’objet de décrets début juillet. Fin mars, Michel de Virville, ancien DRH de Renault, avait présenté ses premières pistes aux partenaires sociaux.

Il proposait par exemple de donner un point par trimestre à un salarié exposé au moins 80 heures par mois, à des températures inférieures à 0 degré ou supérieures à 30 degrés. Depuis, les tractations vont bon train. Pour le port de charges lourdes, le point de pénibilité sera sans doute acquis dès 60 heures d’exposition (au lieu de 80), tandis que le nombre d’heures de travail de nuit ou posté ouvrant droit à un point pourrait être plus élevé.

La CGPME reconnaît ne plus exiger un report du compte pénibilité, mais être passée aux négociations techniques. "Nous demandons que les seuils soient définis par année, et non par mois, précise Geneviève Roy. Les points de pénibilité ne seraient acquis qu’à partir d’une moyenne de 900 heures d’exposition annuelle." Pas sûr que les syndicats acceptent : les salariés exposés à un facteur de pénibilité 80 heures par mois, mais un mois sur deux, ne disposeraient alors d’aucun point.

Alléger le travail des entreprises

Les entreprises relèveront chaque mois les expositions de leurs salariés, sur leur feuille de paie, mais ne déclareront ces expositions à l’administration qu’une fois par an, dans le cadre de la déclaration automatisée des données sociales (DADS). Une façon d’alléger leur charge de travail. De la même façon, "faut-il vraiment des fiches individuelles de pénibilité alors qu’on peut se servir du document unique d’évaluation des risques, qui les recense, très précisément, au niveau d’une unité de travail ?", s’interroge Mouna Elgamali. Une piste qui semble faire consensus.

Les branches pourraient se voir confier la tâche de définir des expositions types par métiers. Les entreprises n’auraient alors plus qu’à appliquer un nombre de point pour chaque salarié exerçant ce métier. "Ce serait effectivement une aide pour les petites entreprises, reconnaît du bout des lèvres Geneviève Roy, mais risquerait de faire ressurgir les régimes spéciaux." Effectivement, à un métier donné serait automatiquement attribué un nombre de mois d’anticipation de la retraite. Surtout, cela suppose des branches professionnelles actives, ce qui est loin d’être le cas.

Michel de Virville poursuit ses rencontres avec les organisations patronales et de salariés. Sans doute jusqu’à la dernière seconde. Matignon arbitrera.

Cécile Maillard

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