« Les briques technologiques sont similaires dans l’automobile et le vélo », avance Jérôme Mortal, de Valeo

Valeo a annoncé, dans le cadre du salon Eurobike, le lancement de la production en série de sa technologie d’assistance électrique pour le vélo dès l’année prochaine. Retour sur l’innovation et les choix stratégiques de l’équipementier automobile avec Jérôme Mortal, son directeur des « Nouvelles mobilités ».

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« Les briques technologiques sont similaires dans l’automobile et le vélo », avance Jérôme Mortal, de Valeo

Le plus grand salon dédié à l’industrie du vélo, Eurobike, s’est clôturé samedi 4 septembre à Friedrichshafen, en Allemagne, après quatre jours rythmés par des conférences, des rencontres « B to B » et autres démonstrations d’innovations. À côté des acteurs bien établis dans le monde du vélo et des jeunes pousses qui s’imposent, l’équipementier automobile français Valeo tenait également un stand. Valeo souhaite en effet conquérir le marché du vélo avec sa technologie « Valeo smart e-Bike System », une assistance électrique pour vélo que l’entreprise prétend être « la plus performante à ce jour ».

Après l’ouverture d’un département dédié aux « Nouvelles mobilités » il y a quatre ans, Valeo a déjà conquis les marchés des deux roues motorisées, des voitures sans permis et des véhicules autonomes (comme les droïdes destinés à la livraison du dernier kilomètre). Pourquoi et comment l’équipementier automobile se diversifie-t-il vers l’industrie du vélo ? Explications avec Jérôme Mortal, directeur des « Nouvelles mobilités ».

Industrie & Technologies : C’est la première fois que Valeo est présent sur le salon Eurobike. Pourquoi y avoir tenu un stand ?

Jérôme Mortal : Nous avons développé une pépite technologique d’innovation et de créativité, il nous fallait donc être présent sur Eurobike, le plus gros salon du vélo au monde. Et l’engouement était fort. Pour vous donner un ordre d’idée, lors de l’ouverture du salon, je me suis servi un café à 8h45, puis un client m’a tapé sur l’épaule et... j’ai fini de boire mon café à 19h. J’ai échangé avec une trentaine de clients, toutes et tous très intéressés par le projet. Du non-stop !

Vous avez développé une assistance pour vélo électrique. Qu’a-t-elle de particulier ?

Nous avons réussi à développer une offre à 130 Newton-mètres. En d’autres termes, nous sommes capable de multiplier par huit l’effort moyen qu’un ou une cycliste est capable d’exercer sur la pédale, c’est ce qu’il y a de plus puissant aujourd’hui sur le marché. Pour y parvenir, nous bénéficions notamment de notre technologie 48 volts (nous sommes les leaders mondiaux sur le marché du 48 volts) et de l’optimisation de notre moteur électrique.

Pourquoi qualifiez-vous votre système de « smart » ?

Cinq capteurs sont disposés sur le vélo, afin de mesurer la vitesse de roue, la vitesse et la force de pédalage, l’inclinaison du vélo (gyroscope) et l’information des freins. En fonction de ces cinq capteurs, nous calculons où se trouve votre zone de confort (la puissance optimale par rapport à votre vitesse de pédalage). Puis la boîte automatique recherche des cartographies (des fichiers en mémoire) et cible celle qui répond le mieux à votre besoin.

À côté du vélo urbain, Valeo a présenté deux autres démonstrateurs équipés de sa technologie lors du salon Eurobike : un VTT et un vélo cargo à trois roues pour le transport de charge.

Vous avez commencé à travailler sur le marché du vélo il y a deux ans. Comment êtes-vous parvenus à lancer ce produit si rapidement ?

Nous voulions nous lancer sur le marché rapidement, avec un objet fiable sans avoir à « réinventer la roue ». Nous avons donc tissé un partenariat avec la startup française Effigear, qui a breveté une boîte de vitesse avec des systèmes de blocage de pignons. Elle cherchait une entreprise pour se développer. Nous avons donc placé des actionneurs Valeo dans leur boîte de vitesse, tout en parvenant à rendre le système plus compact.

Avez-vous aussi bénéficié de votre savoir-faire sur le marché automobile ?

Oui ! Nous nous sommes vite rendu compte que dans la petite mobilité (que ce soit de petites voitures ou des vélos), les briques technologiques sont similaires à celles de l'auto. Les demandes clients sont, elles aussi, très proches les unes des autres. Je n’ai donc pas besoin de développer un nouveau réseau d’experts chez Valeo, j’utilise le savoir-faire de Valeo au service de la nouvelle mobilité.

Prenons l’exemple de la boîte automatique qu’on implémente sur les vélos. Valeo est l’un des plus grands fournisseurs de composants de boîtes automatiques au monde (embrayages, cloches, composants d’actuateurs, etc.) : nous maîtrisons la conception et la fabrication de tous ces composants. Il faut évidemment les réduire en taille, mais elles partent des mêmes technologies que l’auto.

S’agit-il seulement de rendre les composants plus petits ?

Non. Nous reprenons des briques technologiques, mais il faut les adapter. Sur le vélo, nous avons dû refaire environ 95% des pièces en spécifique. Ainsi, en termes d’outils de production, tout est nouveau : les lignes d’assemblage seront basées à Lyon, le moteur, l’actuateur et les modules de commande nécessitent, elles aussi, de nouvelles lignes de production.

En fait, il s’agit de prendre une science, une techno que j’ai déjà sur l’étagère et de se demander comment l’adapter. Il faut ainsi « forcer » les gens à sortir de leur routine, à prendre de la hauteur… Je ne vous cache pas le bénéfice humain que cela a apporté ! Certaines personnes sont dans le monde auto depuis plus de 15 ans, et grâce au département « Nouvelles mobilités », elles s’enrichissent, se posent d’autres questions. Il y a un effet boule de neige, une dynamique d’entreprise très positive qui s’inscrit derrière.

Quelles sont les spécificités du marché du vélo auxquelles Valeo a dû s’adapter ?

Il existe une différence majeure entre le monde automobile et le monde du vélo : le service après-vente. Dans l’automobile, le client qui a une panne se rend chez son constructeur, qui a mis en place un service après-vente. Dans le monde du vélo, le magasin qui constate une panne n’appelle pas le fabricant du vélo, mais le fournisseur du moteur… donc Valeo.

Notre force chez Valeo, c’est d’avoir une entité qui s’appelle « Valeo Service », déjà bien outillée pour faire du service après-vente, de l’accompagnement, développer des formations, etc. Cette spécificité se traduit en termes d’organisation, je suis entouré de deux piliers majeurs : le directeur de plateforme produit et le directeur de plateforme service.

Vous lancer sur ce nouveau marché demande donc des adaptations et de l’investissement. Qu’est-ce qui vous a poussé à tenter votre chance ?

Juste quelques chiffres : le marché du vélo, en Allemagne, a grossi de 100 % ces dernières années. En Europe, c’est un marché qui enregistre une croissance entre 30 et 60 % selon les pays. Or, 60 % des gens qui participent à cette croissance n’ont jamais fait de vélo avant.

Notre produit répond parfaitement à cette nouvelle clientèle : sur un vélo Valeo, votre souci n’est pas de changer les vitesses, de gérer le couple du vélo, la puissance… ce sont nos soucis à nous. Alors que sur un vélo électrique moderne, actuellement, vous aurez à droite des boutons pour changer les vitesses (au moins deux boutons) et à gauche des fonctions turbo, activation de l’assistance… Tout ceci n’est pas très digeste en termes de compréhension client.

Votre innovation est-elle destinée au marché européen ?

Nous avons identifié trois marchés majeurs : l’Europe, où la législation impose une vitesse maximale de 25 km/h. Les Etats-Unis, où les cyclistes peuvent rouler jusqu’à 33 km/h. Et les « speed bike », qui répondent à la législation L1 (ils ont une plaque d’immatriculation), les autorisant à rouler jusqu’à 45 km/h.

Notre vélo, au travers du système 48 volts et d’adaptations software, sera capable de répondre aux exigences législatives de ces trois marchés : marché européen, américains et marché du speed bike.

Vous annoncez que la production en série démarrera en avril 2022. Quelles sont vos perspectives de croissance ?

L’année prochaine, nous avons volontairement limité la production (autour de 20 000 unités). Nous souhaitons bénéficier des retours clients. Mais notre ambition à l'horizon 2026-27 se chiffre en millions d’unités pour le vélo. Aujourd’hui, nous travaillons déjà avec une dizaine de clients dont la marque française Sunn, les vélos haut-de-gamme d’Ateliers HeritageBike ou encore Cycleurope.

La première année, nous serons présents en Allemagne et en France. L’année suivante dans toute l’Europe et l’Amérique du Nord pour ensuite s’imposer sur le marché asiatique.

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