Le tribunal judiciaire de Nanterre se déclare incompétent sur les projets pétroliers de Total en Ouganda
La justice française ne se prononce pas encore sur les activités de Total en Ouganda, vivement critiquées par les ONG environnementales. Jeudi 30 janvier, le tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine) a renvoyé le dossier devant le tribunal de commerce.
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\ 16h01
Mis à jour 31 Janv. 2020
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31 janvier 2020
Déception pour les organisations de défense de l'environnement. Jeudi 30 janvier, le tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine) s'est déclaré incompétent dans l'action intentée contre un projet pétrolier de Total en Ouganda.
Les associations regrettent la décision
Les juges ont estimé que le dossier relevait de la compétence du tribunal de commerce. "Ils n’ont donc pas examiné les demandes des associations", ont regretté les six organisations qui ont engagé la procédure (les Amis de la Terre, Survie et quatre ONG ougandaises). Les activistes précisent qu'ils envisagent de faire appel.
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"Les associations regrettent qu'il faille attendre encore plusieurs mois pour obtenir une prochaine décision alors que les violations aux droits humains en Ouganda continuent", écrivent les ONG dans leur communiqué. Le projet pétrolier de Total comporte selon elles des risques d'atteintes graves aux droits de l'homme pour des dizaines de milliers de personnes et menace un parc naturel au coeur de la région des Grands Lacs. "Les familles subissent des intimidations et doivent quitter leurs terres, bouleversant ainsi totalement leurs modes de vie", dénoncent les ONG sur le site "Total au tribunal".
Manquement au devoir de vigilance des multinationales ?
Les associations avaient déjà mis en demeure le géant pétrolier français en juin 2019 pour manquement aux nouvelles obligations découlant de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales. Votée en mars 2017, cette loi impose aux sociétés-mères et aux entreprises donneuses d'ordre de prévenir les atteintes de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs aux droits de l'Homme et à l'environnement liées à leurs activités.
Le TGI de Nanterre a toutefois estimé que ces obligations "relevaient de la gestion d'une société commerciale". Il a donc renvoyé le dossier devant le tribunal de commerce.
Total défend son plan de vigilance
Dans un communiqué publié le 30 janvier, Total a répondu aux accusations des ONG. "Le plan de vigilance de Total identifie les risques pouvant résulter de nos activités, que ce soit envers les droits humains, les libertés fondamentales, la santé, la sécurité des personnes et l’environnement", assure le groupe français.
Le groupe assure que les populations "relocalisées" ont été accompagnées et que les propriétaires de terrain ont eu le choix "entre une indemnisation financière ou en nature". "D’autres mesures d’accompagnement ont été mises en œuvre au bénéfice des populations locales et continueront de l’être", ajoute Total.
Deux projets de Total en Ouganda
Les ONG environnementales dénoncent deux projets pétroliers importants auxquels participent Total avec ses partenaires (l'entreprise britannique Tullow et la société CNOOC). En 2011, Total a acquis une participation dans plusieurs licences couvrant les découvertes pétrolières de la région du Lac Albert, près du parc national Murchison Falls. "Le projet Tilenga consiste en un développement pétrolier, d’une usine de traitement du brut, des canalisations enterrées et des infrastructures dans les districts de Buliisa et de Nwoya en Ouganda", expliquait Total en septembre 2019. Selon les ONG, le projet Tilenga représenterait une capacité de production de 200 000 barils équivalent pétrole (bep) par jour.
Le deuxième projet, baptisé EACOP, a été décidé par le gouvernement ougandais en 2016. Il prévoit la construction d'un pipeline de 1 445 kilomètres à travers le pays pour exporter le pétrole du Lac Albert en passant par la Tanzanie.
Simon Chodorge, avec Reuters