Le pari risqué de Sanofi contre la dengue à Neuville-sur-Saône
A Neuville sur Saône (Rhône), le site de production du groupe Sanofi connait une profonde mutation. Son activité historique de chimie fine sera stoppée à la fin de l'année, au profit de la fabrication d'un vaccin contre la dengue... pas encore commercialisé.
A quelques kilomètres de Lyon, à Neuville-sur-Saône (Rhône), l’usine de Sanofi est en pleine reconversion. Ce site arboré de 28 hectares était historiquement dédié à la synthèse chimique fine. Suivant une tendance lourde dans le secteur pharmaceutique - l’abandon des molécules chimiques au profit des biotechnologies - le groupe a décidé il y a cinq ans de stopper cette activité à la fin 2013. Et de reconvertir ce site dans la production de vaccins. Avec un pari audacieux mais risqué : le spécialiser dans la fabrication du vaccin contre la dengue.
300 millions d'euros investis dans la reconversion
Or ce n’est qu’à partir de la mi-2014 que seront dévoilés les résultats des essais cliniques ultimes, conduits auprès de 30 000 personnes, de ce vaccin toujours en développement. Des résultats qui conditionneront sa mise sur le marché, avant, si tout va bien, une mise sur le marché dès 2015 en Asie et en Amérique Latine.
VOS INDICES
source
200 -2.44
Avril 2023
PVC
Base 100 en décembre 2014
100 +0.1
Avril 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 21.20 − Préparations pharmaceutiques
Base 100 en 2015
146.8 -4.49
Avril 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 20.1 − Produits chimiques de base, engrais, Produits azotés, plastiques, caoutchouc synthétique
Base 100 en 2015
Cela permettrait alors à Sanofi d’être le pionnier dans la lutte contre cette maladie tropicale infectant chaque année près de 100 millions de personnes, dont deux millions développeraient une forme hémorragique sévère nécessitant une hospitalisation. Sanofi Pasteur, la division vaccins du groupe pharmaceutique, a donc mis les moyens : vingt ans de R&D sur le vaccin, et 300 millions d’euros investis entre 2008 et 2015 pour construire à Neuville une usine capable de fabriquer ce vaccin complexe, combinaison de quatre principes actifs pour combattre quatre souches différentes du virus.
Produire 100 millions de doses annuelles
"C’est un pari industriel que nous avons fait en réalisant un investissement anticipé, avant la fin du développement clinique, dans un outil pour mettre ce vaccin à disposition dès 2015, au lieu de 2019 ou 2020 si l'on avait suivi l’approche classique", estime Antoine Quin, le directeur du site.
Trois bâtiments flambants neufs ont été construits à proximité du centre d’expertise analytique, reconverti lui aussi dans la compréhension des vaccins. L'infrastructure chargée d'assurer les services nécessaires à la production (eau purifiée, air comprimé, contrôle de la température…) est opérationnelle depuis 2010. L’unité dédiée au contrôle qualité a été livrée avec ses laboratoires en 2011. Enfin, dans le bâtiment dédié à la production des quatre antigènes (les principes actifs du vaccin), les premières cultures cellulaires et cultures virales ont déjà été réalisées.
Reste encore à valider les procédés de fabrication de lots cette année, pour démarrer officiellement la production de vaccins en 2014. Le site sera ensuite capable de produire l’équivalent de 100 millions de doses chaque année. Les vaccins seront mis sous forme harmaceutique (mélange des quatre antigènes, et lyophilisation finale) sur un autre site de Sanofi Pasteur, à Val-de-Reuil (Eure). Investissement total dans ce projet, chiffre d’affaires attendu, prix et durée d’efficacité du vaccin : Sanofi n'est cependant pas encore prêt à tout dire.
500 salariés en moins en cinq ans
Et pour les salariés du site de Neuville, la transformation est colossale. Avec la reconversion, l'établissement est passé de 725 salariés en 2008 à 220 salariés. Ces derniers, à 80% des anciens chimistes du site, ont suivi une formation de deux ans pour devenir biologistes. Les autres ont été reclassés sur d’autres sites du groupe, "principalement en région lyonnaise" assure-t-on chez Sanofi, ou ont bénéficié de plans de départ en retraite anticipée. Une solution doit cependant encore être trouvée pour une dizaine d’employés.
Le groupe mise beaucoup sur ce nouveau site, qui bénéficie de la proximité avec le site de R&D de Sanofi Pasteur, à Marcy l’Etoile, et des compétences du bassin lyonnais en biotechnologie. Et lui permettra sans doute d'être le premier laboratoire au monde à lancer un vaccin préventif contre la dengue. Même s'il devrait probablement ètre suivi dans les cinq ans de l'arrivée de deux ou trois autres concurrents, estime un expert.
Un vaccin attendu... mais pas efficace à 100%
Il y a quelques mois, Sanofi avait dévoilé des résultats nuancés sur son vaccin contre la dengue en cours de développement. Le taux d'efficacité du produit, testé en Thailande, avait atteint de 60 à 90% pour trois souches du virus, mais la dernière souche avait résisté aux effets du vaccin. Cela ne devrait cependant pas mettre en danger le futur produit de Sanofi. Car il bénéficie du fait qu'il n'existe encore aucun vaccin ni traitement spécifique contre la dengue. Le groupe pharmaceutique a su collaborer avec les autorités sanitaires de plusieurs pays d'Asie et d'Amerique Latine, leur promettant un accés prioritaire aux vaccins et de se limiter à des « profits responsables ». Avec, pourquoi pas, des mécanismes de prix différenciés avec l'aide d'organismes internationaux pour aider les pays défavorisés à introduire le vaccin.
Gaelle Fleitour
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