"Le numérique reste porteur des potentialités qu'il a depuis le début", selon Bruno Patino
Directeur éditorial d’Arte, Bruno Patino, historique du numérique décrypte les dysfonctionnements du modèle Gafam et esquisse les solutions.
L'Usine Nouvelle. - Comment expliquez-vous le succès de votre livre "La civilisation du poisson rouge", qui vient de paraître au Livre de Poche ? Est-ce parce que vous y dénonciez ce qu’est devenu internet, loin des utopies du début ?
J’ai cru aux utopies numériques. L’évolution actuelle me consternait et me consterne toujours. Surtout parce que j’ai l’impression que les victimes sont nombreuses, à commencer par moi. Dans cet essai, j’ai voulu raconter comment nous sommes passés de l’utopie des débuts, où le web était perçu comme émancipateur, à une situation où l’on parle d’addiction, de fake news... Quand on est sursollicité, que l’on se lève la nuit pour regarder son portable, qu’un repas de famille est impossible sans les smartphones, il y a indéniablement eu une sortie de piste. Cela étant, le succès du livre vient aussi du fait que l’on a mis des mots sur un phénomène que tout le monde percevait. L’enjeu était de faire émerger ce débat.
À quel moment a-t-on pris la mauvaise bifurcation ?
Aux débuts, pour des questions d’efficacité du réseau, les géants du web ont choisi le modèle gratuit. Mais cette gratuité impliquait de dépendre des revenus publicitaires. D'ailleurs, ce paradigme a été appliqué chez Google puis Facebook par la même personne : Sheryl Sandberg.
Mais deux changements que personne n’avait prévus ont eu lieu. Le smartphone – et avec lui la connexion permanente – et les data. On ne capte plus seulement le temps de cerveau disponible à la maison, mais tout le temps, y compris quand on est occupé à vivre. Et la data rend cette capacité à chercher l’attention plus efficace.
Juste une anecdote : je me souviens qu’aux débuts du numérique, on nous disait de ne jamais envoyer plus d’une alerte par semaine, sinon les gens risquaient de se lasser... Aujourd'hui, on en reçoit 46 par jour selon une étude américaine. Je ne suis pas technophobe. Le numérique reste porteur des potentialités qu’il a depuis le début : rendre possible des mobilisations sociales, partager l’information, en faire un outil d’inclusion, de socialisation.
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