"Le numérique est un secteur en situation de plein-emploi" selon Guy Mamou-Mani
Guy Mamou-Mani, président du Syntec Numérique et directeur général du groupe Open, veut regarder en face le problème de l’emploi dans l’économie numérique. Il prône une refonte complète de la formation pour cette filière.
L'Usine Nouvelle - Pourquoi y a-t-il un tel problème d’emploi dans le numérique ?
Guy Mamou-Mani - Il y a en effet, en France, un grand débat sur le numérique et l’emploi. La Dares (Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques) dit qu’il y a 500 000 employés dans le numérique, nous savons que c’est faux. Les référentiels de la Dares sont obsolètes. À Pôle emploi, on ne peut pas référencer un spécialiste du test ni un spécialiste de la sécurité informatique.
Mais on enregistre quand même 35 000 chômeurs en informatique. Sur un million d’emplois dans le numérique, ce qui semble être plus proche de la vérité, cela représente 3,5 % de chômage. Ce que l’on peut considérer comme du plein-emploi. Mais à 500 000, cela fait 7 %, ce qui n’est plus du tout la même chose. D’où l’importance de l’Observatoire du numérique. Il ne faut plus que ce soit Google ou l’OCDE qui sortent des chiffres. Sans des données franco-françaises, on ne pourra pas réfléchir sereinement.
Comment expliquer ces 35 000 chômeurs, alors que le secteur a des problèmes de recrutement ?
C’est un vrai sujet. Ce n’est pas sous-estimer ces 35 000 chômeurs, que de dire pour autant qu’il y a pénurie. Il y a certainement un problème d’employabilité. On va l’étudier en détail. Cela fait aussi parti du travail de cet observatoire. Les technologies avancent tellement vite, que certains ne maîtrisent pas la bonne.
C’est donc un problème de formation. Et le Syntec numérique est très engagé sur le sujet de la formation des chômeurs. Nous voudrions faire un grand CFA (Centre de formation des apprentis) numérique, qui pourrait s’adresser aussi à des personnes qui ont eu une formation scientifique, mais qui n’ont pas de compétences informatiques. Comme tous les grands syndicats professionnels, nous avons des budgets pour ça.
Vous avez d’autres idées qu’un CFA numérique ?
Le Syntec numérique traite tous les sujets qui préoccupent les entreprises : le recrutement, la formation, les charges et la convention collective. La rénovation de cette dernière est un enjeu colossal pour tous nos métiers. Parce qu’en 2030 ou en 2050, on ne travaillera pas comme on travaillait il y a 40 ans. On a donc initié ce travail via la fédération Syntec, qui représente 800 000 salariés du conseil et de l’ingénierie.
Moi qui représente 1 200 entreprises, qui recrutent 50 000 personnes chaque année, je demande à l’État de faire son travail en matière de formation et d’éducation.
On a commencé les consultations. Mais cela va prendre du temps. Car nous sommes partis des référentiels de codes NAF, qui ne correspondent plus du tout à la réalité. Microsoft, par exemple, est enregistré comme grossiste. Les 500 chercheurs qui travaillent à la R&D dépendent donc de la convention du travail de la distribution ! C’est pour bouger les choses que je porte ce sujet à l’observatoire du numérique et que je demande des moyens, via le Conseil national du numérique. C’est une de nos préconisations.
Mais l’urgence, c’est la formation, comme on l’a vu avec la création d’une école par trois entrepreneurs du numérique. Pour moi, c’est une honte que la France, pays de l’ingénieur et de l’Éducation nationale, n’ait trouvé que cette solution pour créer une école du numérique, inaugurée par des ministres devant les caméras, alors que nous multiplions les propositions pour refondre totalement la filière de formation. Cette école, c’est un échec du pays. Moi qui représente 1 200 entreprises, qui recrutent 50 000 personnes chaque année, je demande à l’État de faire son travail en matière de formation et d’éducation.
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