Laser Mégajoule : Manuel Valls lance la course au micro-essai nucléaire français

Le Premier ministre Manuel Valls a symboliquement mis en service, hier, le laser Mégajoule. Après onze ans de travaux, cette structure géante devrait lancer ses toutes premières expériences de fusion inertielle en décembre. À terme, le projet est de réussir une réaction de fusion nucléaire confinée à échelle réduite. Un "micro-essai nucléaire" essentiel pour valider expérimentalement les données de la simulation de la bombe H.

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Laser Mégajoule : Manuel Valls lance la course au micro-essai nucléaire français

Le laser Mégajoule (LMJ) est la carte maîtresse du programme Simulation de la défense française. En décembre, l'instrument installé en Aquitaine, entre Bordeaux et Arcachon, va effectuer ses premiers essais, après onze ans de travaux de construction, pour un budget approchant les 7 milliards d'euros. Le LMJ vise à recréer les conditions thermodynamiques semblables à celles rencontrées lors de l'explosion d'une bombe H.

Succès de la phase 1 aux États-Unis

En février 2014, pour la première fois et sur un équipement très semblable au LMJ, les physiciens du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) ont obtenu un dégagement d'énergie par fusion par confinement inertiel supérieur à l'énergie apportée pour comprimer et chauffer la bille de deutérium et de tritium (DT). Le bilan énergétique global du système reste toutefois largement déficitaire, seulement 1 % de l'énergie totale des lasers ayant été réellement employée pour comprimer et chauffer le mélange DT.

Le programme Simulation, confié au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), a été mis en place suite à l'arrêt des essais nucléaires en 1996. Il vise à reproduire par le calcul les différentes phases de fonctionnement d'une arme nucléaire. Le LMJ, précisément, doit permettre de valider expérimentalement les données physiques décrivant le comportement d'une arme et de vérifier que la modélisation décrit correctement la réalité. « La première préoccupation du projet est la pérennité de la dissuasion française », explique Pierre Vivini, chef du projet laser Mégajoule au CEA. « Une fois qu'un projet d'une telle ampleur existe, comme il permet d'étudier la matière dans des domaines qu'on ne pouvait jusqu'à présent pas étudier, il est évident que la communauté scientifique - française mais aussi internationale - est intéressée pour faire des expériences dans le domaine de l'astrophysique, de la géophysique et de la matière dense condensée très chaude ».

L'apogée qu'espèrent atteindre les scientifiques, et qui n'est attendue qu'après plusieurs années de fonctionnement du LMJ, est la fusion nucléaire du deutérium et du tritium (deux isotopes de l'hydrogène), responsable de l'explosion de la bombe H ou de l'énergie dégagée par le soleil. Lorsque le tritium et le deutérium fusionnent, ils forment un noyau d'hélium et un neutron dont la masse cumulée est inférieure à la somme de départ des masses du tritium et du deutérium. Or, comme en physique, rien ne se perd et rien ne se crée, la masse "manquante" se retrouve sous forme de chaleur.

Utilisation des lasers de puissance

Deux types d'expériences sont réalisés aujourd'hui pour obtenir une telle réaction : la fusion par confinement magnétique, utilisant une installation de type Tokamak (par exemple le projet Iter) et la fusion par confinement inertiel (FCI), utilisant des lasers de puissance. Dans cette seconde catégorie, le LMJ sera le deuxième instrument du genre le plus important en fonctionnement, après son équivalent aux États-Unis, la National ignition facility (Nif) du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL).

Obtenir la fusion d'une cible de deutérium et de tritium

Pour répondre à cette ambition, le LMJ se déploie sur près de 300 mètres de long et 150 mètres de large (cliquer sur l'image pour accéder au schéma complet du LMJ) pour délivrer en quelques milliardièmes de seconde une énergie lumineuse égale à environ 1,8 million de joules (MJ). Attention, en physique, les chiffres peuvent être trompeurs. 1,8 MJ, cela ne correspond finalement qu'à 0,5 kWh, soit le fonctionnement d'un radiateur électrique de 1 000 W pendant une demi-heure ! Mais tout l'intérêt de cette gigantesque construction est de fournir cette énergie en quelque 20 nanosecondes, ce qui correspond à une puissance d'une dizaine de milliers de milliards de watts. Pendant ce très court laps de temps, 176 faisceaux lasers pointeront vers une minuscule boîte cylindrique au milieu de laquelle se trouve la cible finale, dont la nature changera selon les expériences. À l'intérieur du cylindre, les ultraviolets sont convertis en rayons X. La température monte comme dans un four à plusieurs dizaines de millions de degrés et la pression à plusieurs dizaines de millions de bar, deux paramètres nécessaires pour obtenir l'implosion du ballon sous la pression du plasma créé par le rayonnement X.

Autour de l'instrument, le pôle de compétitivité Route des lasers a vu le jour en 2005, près d'un millier d'entreprises ont été sollicitées pour concevoir l'instrument, qui a aussi permis le développement d'une industrie de pointe dans le domaine de l'optique, l'opto-mécanique et l'électronique. Quant à produire de l'électricité à partir de ce type de réaction, cette possibilité reste chimérique. Le LMJ a été dimensionné pour que l'énergie dégagée par la réaction de fusion soit dix fois supérieure à l'énergie engagée pour comprimer et chauffer le mélange DT, mais elle reste bien inférieure à l'énergie des lasers avant qu'ils n'entrent dans la chambre d'expérience. De ce point de vue, le chemin parcouru sur la "Route des lasers" n'est encore qu'un tout petit pas !

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