La stratégie électrique de Renault en trois points technos clefs
Renault a détaillé sa stratégie électrique eWays au cours d'une table ronde réservée aux médias spécialisés, vendredi 16 juillet, à laquelle Industrie & Technologies a été convié. Quelle vision concernant les deux composants centraux de la transition automobile du thermique vers l'électrique, la batterie et le moteur électrique ? Analyse.
De l’électricité dans l’air. Tandis que la Commission européenne a publié « Fit for 55 » mercredi 14 juillet – une première salve de mesures pour atteindre la neutralité carbone en Europe en 2050 –, Renault a précisé sa stratégie électrique (baptisée eWays) au cours d’une conférence de presse en petit comité, vendredi 16 juillet. L’exécutif européen propose notamment d’interdire les voitures thermiques dès 2035, y compris les hybrides, ce qui n’est pas au goût du constructeur au Losange, qui s'appuie sur ce type de véhicules pour mener sa transition vers l'électrique.
« Nous allons nous battre pour que les hybrides plug-in restent autorisées après 2035, a fait savoir Gilles Le Borgne, directeur de l’Ingénierie du Groupe Renault lors de la table ronde. Les dernières décisions datent à peine de 2018 et s’accordaient sur un objectif de réduction des émissions de 37,5 % pour les voitures neuves d’ici à 2030. Là, c’est une baisse de 55 % qui a été annoncée… a-t-il poursuivi. C’est trop rapide ! Il est très difficile de changer d’orientation en si peu de temps. »
Avant un éventuel revirement, décryptage de l’actuelle orientation de Renault pour la décennie qui vient en trois objectifs stratégiques et technologiques clefs.
Objectif 1 : Maîtriser la chaîne de valeur des batteries
« Nous souhaitons entrer plus en profondeur dans l’écosystème du véhicule électrique, et principalement sur la partie chaîne de valeur de la batterie », a soulevé Gilles Le Borgne. Pour atteindre cet objectif, le constructeur automobile s’est associé avec la startup grenobloise Verkor et avec le groupe sino-japonais Envision-AESC, d’après l’annonce publiée le 28 juin.
Le premier porte l’ambition d’implanter en France une usine géante d’une capacité de 50 GWh d’ici 2030 . Le second, détenu à 20 % par Nissan, membre de l’Alliance, souhaite établir une gigafactory de batteries à Douai (Hauts-de-France), à partir de 2024. Les discussions sont toujours en cours entre Renault et ACC, la coentreprise entre Saft (Total) et Stellantis parfois surnommée l’ « Airbus de la batterie » , a précisé M. Le Borgne. « À travers ces mouvements stratégiques, nous aspirons à contrôler la chimie des batteries », a-t-il décrypté.
Objectif 2 : De la chimie NMC aux batteries tout-solide
Côté techno, Renault mise d’abord sur la chimie qui domine le marché des cellules de batteries (d’après le cabinet Benchmark Minerals), à savoir les batteries Nickel-Manganèse-Cobalt (NMC). « Nous n’avons pas choisi la chimie Lithium-Fer-Phosphate (LFP) pourtant moins chère à la cellule, de l’ordre de 10-15 %, a pointé le directeur de l’ingénierie. Car les LFP sont moins denses en énergie (d’un point de vue massique et volumique), elles sont donc plus lourdes et nécessitent plus de place. »
De plus, explique-t-il, le choix NMC permet à Renault de développer et de rentabiliser le recyclage des batteries. C’est l’objectif du partenariat scellé avec Veolia et Solvay, le 16 mars dernier. « Les LFP n’ont pas de valeur intrinsèque, contrairement aux batteries NMC, qui contiennent de précieux matériaux, en particulier le cobalt », a souligné Sophie Schmidtlin, directrice Ingénierie avancée. « Pour faire simple, recycler des LFP aurait été un coût alors qu’en NMC, le recyclage est une valeur », a résumé Gilles Le Borgne.
Reste que l’ambition de Renault, à horizon 2030, est d’exploiter des batteries à électrolyte solide, très prometteuses en termes de sécurité et de performances. « Deux voies sont en cours d’investigation pour développer une batterie tout-solide : soit il s’agira d’un électrolyte polymère, soit d’un électrolyte céramique », a précisé Mme Schmidtlin. « Le jeu reste ouvert. Si l’électrolyte polymère fait ses preuves, peut-être parviendra-t-on à l’industrialiser avant 2030, car certains processus sont similaires », a-t-elle assuré.
Objectif 3 : Industrialiser le moteur à flux axial
Autre élément hautement stratégique pour la stratégie électrique de Renault, le moteur. Le constructeur français développe et fabrique en interne sa machine à rotor bobiné, qualifié de « pépite technologique » par le directeur des organes zéro émission de Renault, Eric Blanchard, au cours d’une interview exclusive pour Industrie & Technologies . « Nous continuons de l’améliorer, a souligné Edouard Nègre, expert des moteurs électriques chez Renault, lors de la table ronde. La nouvelle génération nécessite 45 % de masse de cuivre en moins. »
En parallèle, Renault a tissé un partenariat avec la startup lotoise Whylot pour développer une machine électrique de rupture, dite à « flux axial ». « En allant vers la machine axiale, nous pourrons améliorer le rendement et réduire la masse et le coût », a listé M. Nègre. Reconnaissable par son architecture aplatie, le « moteur galette » sera d’abord dédié aux véhicules hybrides de Renault. « Pour le système hybride E-Tech, nous avons besoin de machines très courtes en longueur, mais nous disposons d'un certain encombrement radial. C’est donc très favorable à l’architecture de la machine à flux axial », a relevé l’expert des moteurs électriques.
Quid d'intégrer ces très innovantes machines électriques aux véhicules 100 % électriques ? « Nous y travaillons, mais c’est une autre histoire… Il faudrait parvenir à améliorer la performance continue, augmenter significativement le régime de rotation (quasiment le doubler), a soulevé Edouard Nègre. Nous verrons le cas échéant si la machine axiale peut challenger le rotor bobiné sur le terrain des véhicules électriques. »
Qu’il soit destiné aux hybrides ou aux 100 % électrique, un obstacle de taille reste à lever pour que la machine à flux axial s’impose : la production en grande série. Comme nous l’avions révélé dans notre article consacré à la startup belge Magnax, spécialisée sur cette technologie de moteur, « l’industrialisation est notamment rendue difficile par les contraintes mécaniques et thermiques propres à cette machine discoïdale » . Confiant, Renault table sur un passage à l’échelle entre 2026 et 2027.
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