La protection de l'environnement face au paradoxe de la « Soft Law » !
Un accord juridiquement contraignant n’est pas forcément gage de protection effective de l’environnement, analyse Thierry Charles, directeur des Affaires publiques de Polyvia.
À l’occasion de l’ouverture du congrès mondial de la nature le 3 septembre à Marseille, le chef de l’État a fait plusieurs annonces. Certaines d’entre elles devraient être mises en œuvre dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022. Sollicité par les Nations-Unies, le chef de l’État s’est engagé notamment à tenir un sommet sur les océans, le One Ocean Summit, pour en faire un bien public mondial. « Soixante pour cent de notre espace maritime est hors du droit », a-t-il en effet expliqué. Quant aux pôles, Emmanuel Macron a indiqué qu’une stratégie lui serait soumise à l’automne. « La France n’attendra pas les lois pour empêcher que des projets destructeurs y soient portés par les entreprises », s’est-il engagé.
Le cadre normatif de la protection de l’environnement, entre « Soft Law » et « Hard Law » est relancé.
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De tout temps en effet, l’environnement est plus sensible aux domaines pour lesquels le non-droit est quantitativement plus important que le droit. Il n’est pas rare que les textes internationaux de toute nature soient rédigés sur le mode incitatif, caractéristique même du « Soft Law », plutôt que sur la détermination claire d’un objectif à atteindre.
Rendez-vous à Nairobi
Pour autant, une nouvelle étape vers l’adoption d’un texte juridiquement contraignant a été franchie avec la signature d’un projet de résolution visant à lutter contre la pollution plastique , un projet présenté par le Pérou et le Rwanda, soutenu par les 27 membres de l’Union européenne ainsi que sept autres pays. Ce projet de résolution cherche à lutter contre la pollution provoquée par les 8,3 milliards de tonnes de plastiques produits depuis le début des années 1950 et propose de mettre sur pied un Comité intergouvernemental de négociation, avec pour mandat d’établir « un accord international juridiquement contraignant et basé sur une approche exhaustive pour prévenir et réduire la pollution de l’environnement » par le plastique. Il doit être examiné par l’Assemblée des nations unies pour l’environnement, qui doit se réunir du 28 février au 2 mars 2022 à Nairobi.
Cet accord prendrait aussi en compte les microplastiques et ferait la promotion d’une économie circulaire englobant l’ensemble du cycle de ces produits : de leur fabrication à leur utilisation en passant par la prévention de production de déchets, leur gestion et leur traitement, précise le projet de résolution. Pour ce faire, « il faut prendre en compte tous les milieux où le plastique échoue et se concentrer aussi bien sur les activités et mesures en amont comme en aval », souligne le texte.
Mais aborder le sujet des lacunes du droit de l’environnement conduit bien davantage à réfléchir sur son efficience que sur son contenu. En ce qui concerne le fond du droit, il serait plus que nécessaire que la France change radicalement sa manière d’appliquer le droit communautaire pour s’imprégner de sa logique et non pour surenchérir dans le domaine de l’environnement au détriment de sa propre économie.
Au niveau mondial, la question de l’applicabilité est variable, car elle dépend entre autres de la précision et des moyens prévus. De ce fait, des dispositions peuvent laisser la porte ouverte sur l’arbitraire étatique, pouvant donc aller à l’encontre de la protection de l’environnement, ou du moins passer outre la disposition en l’interprétant autrement.
Ces dysfonctionnements portent en eux le germe d’une grave distorsion de concurrence et risquent dès lors de faire subir aux entreprises françaises un handicap compétitif par rapport aux entreprises de pays tiers. La question majeure est en effet celle de l’effectivité du droit existant (homogénéisation de la politique européenne, pour éviter les risques de distorsion de concurrence), comme celle de son autorité par rapport aux autres droits ou des risques de surenchère de la part notamment de la grande distribution, où la course au « greenwashing » bat son plein. Ce, en dépit du bon sens, malgré le rappel à l’ordre des associations de consommateurs , plus que de la nécessité de recourir à de nouvelles règles de droit.
Au-delà du débat autour de l’insuffisance (ou non) des accords volontaires, il appartient davantage aux décideurs politiques de créer les bonnes conditions et encourager les progrès autour de l’économie circulaire des plastiques. Et en priorité de rassurer les investisseurs sur le potentiel d’un développement économique durable de la filière !