La pénible "Chocolate factory" de McCarthy à La Monnaie de Paris

Le plasticien Paul McCarthy, s’est installé à La Monnaie de Paris après avoir quitté la place Vendôme. Mais il a modifié l’exposition pour recycler son agression. La "Chocolate Factory" devient une hymne à sa personne, et l’artiste passe à côté d’une critique moderne de la société de consommation.

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La pénible

L’Usine Nouvelle ne pouvait qu’être interpellée par l’installation d’une usine de chocolat dans la plus ancienne manufacture du monde, La Monnaie de Paris, qui frappe médailles et monnaies depuis 1150 ans. Avant de pénétrer dans l’exposition, quelques éléments de contexte s’imposent. Juste avant le vernissage de la "Chocolate factory", son auteur, l’artiste américain, Paul McCarthy était physiquement agressé dans la rue pour une autre de ces œuvres installée puis vandalisée place Vendôme. Pour la plupart des parisiens, moins avertis que d’autres sur les sextoys (dont l’auteur de ces lignes) cette installation en plastique gonflable représentait un sapin de Noël géant. Le retentissement médiatique de l’agression - un homme s’est jeté sur McCarthy en criant "Are you the artist ? F*** you" - a permis à tous de savoir qu’il s’agissait en réalité d’un "plug anal".

Bain de "f*** you" gutturaux

Comme personne ne peut défendre l’agression d’un artiste et la destruction d’une œuvre, cet acte s’est finalement révélé une aubaine pour le plasticien. Inconnu du grand public, cette agression a attesté avec éclat du grand potentiel provocateur de son œuvre à défaut de faire naître quelqu’autre émotion. Outragé, McCarthy a immédiatement modifié l’installation de sa "Chocolate factory" pour nous infliger un pénible parcours dans les magnifiques salons de la Monnaie de Paris. Derrière une fabrique de chocolat actionnée par des femmes silencieuses qui répliquent à l’infini des séries de plugs anaux et de pères Noël dûment munis du même instrument, une suite de salles stocke la production chocolatière. Au milieu des étagères de stockage, l’artiste se projette en vidéo en train d’écrire "Are you the artist ?" et "f*** you, f*** you", les mots de son agresseur.

Au cas où la dimension visuelle lui aurait échappé, le visiteur est immergé dans une pénible transcription sonore de ces formules sous forme de cris gutturaux et rauques, qui évoquent un acte sexuel en cours. Le parcours est, in fine, davantage un hymne à sa personne qu’une critique de la société de la consommation, idée largement mise en scène par de nombreux artistes plus talentueux depuis 40 ans. L’agression de la place Vendôme "remonétise" opportunément le provocateur. Car McCarthy ne nous épargne pas une conceptualisation un peu laborieuse de son œuvre et écrit dans la plaquette de la Monnaie de Paris : "Mon travail est comme un programme de résistance contre l’économie américaine basée sur la consommation et le divertissement. Je peux voir clairement maintenant que nous vivons au milieu d’une sorte de folie qui se nourrit elle-même."

Une charge datée

Hormis le bain sonore permanent de "f*** you", que retient-on de cette critique de la société de consommation ? La dimension sérielle d’une production envahissante. Cette critique semble un peu datée à l’heure où les industriels nous vendent, à l’inverse de la série, des produits de plus en plus personnalisés. Mais cette dimension échappe à Mc Carthy dont le fonctionnement est visiblement resté bloqué dans les années 1970. Pourtant la critique de la société de consommation est loin d’être un sujet épuisé.

Avec la personnalisation des objets, la consommation développe même une nouvelle tentative d’aliénation : celle de nous faire croire, avec toujours plus de sur mesure ou de customisé, qu’on pourrait projeter de l’"être" (le nôtre) dans l’"avoir". Mais Paul McCarthy n'a finalement bien saisi qu’une seule des dimensions de la modernité : le recyclage.

Anne-Sophie Bellaiche

The Chocolate Factory. Jusqu'au 4 janvier 2015. La Monnaie de Paris, 11 quai de Conti, 75006

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