L'Usine Nouvelle - En quoi la papeterie d’Alizay représente-t-elle un investissement stratégique ?
Thirawit Leetavorn - C’est la première usine que nous acquérons en dehors de la Thaïlande, où nous possédons trois installations. Cette acquisition nous permet de nous rapprocher de nos clients européens, pour lesquels nos délais de livraison étaient jusque-là compris entre un mois et six semaines. Il est très difficile d’acquérir une usine comme celle-ci, opérationnelle et avec des machines de très bonne qualité. Elles ont moins de 20 ans d’âge, ce qui est peu dans le secteur. De plus, cela coûte moins cher d’importer la pâte à papier que le papier lui-même. Avec l’acquisition de cette usine, nous aurons de nouvelles opportunités pour étendre nos activités en Europe, à l’est en particulier. Elle nous rapproche également du Moyen-Orient où nous prévoyons de nous développer.
Qu’est ce qui vous rend optimiste sur votre avenir en Europe ?
Nous vendons nos papiers en Europe depuis plus de six ans. Nous connaissons donc bien le marché et ses fluctuations, les réseaux de distribution… Nous sommes déjà connus par de nombreux clients. Et nous allons maintenant être perçus comme un producteur européen grâce à l’acquisition de la papeterie d’Alizay, qui s’est faite dans d’excellentes conditions. Même s’il existe en Europe des usines plus modernes, elle reste l’une des plus performantes ! Ses capacités de production sont très importantes : 250 000 tonnes de papier par an.
Comment allez-vous parvenir à vous différencier dans ce secteur en situation de surcapacités ?
Contrairement à la plupart des grands producteurs de papier qui commercialisent une grande variété de produits, nous nous concentrons uniquement sur le papier de bureau. Si nous avons créé notre propre marque, c’est parce que nous avons pour ambition que les consommateurs aient confiance dans nos produits.
Aujourd’hui, les choix sont avant tout basés sur les prix. Il faut qu’ils aient une bonne raison d’acheter nos produits. Nous nous différencions donc par la qualité de notre papier. Comme il permet d’utiliser moins d’encre et encrasse moins les imprimantes, nous pouvons le vendre suivant les marchés de 10 à 40% plus cher. A moyen terme, nous étudions la possibilité d’investir dans la centrale biomasse existante et de revendre une partie de l’électricité sur le réseau EDF. Nous réduisons également au maximum le niveau des stocks. Nous adaptons en permanence la production au niveau des commandes.
Qu’est-ce qui vous permet d’obtenir un papier de haute qualité ?
Nous allons importer sur le site d’Alizay de la pâte à papier en provenance de Thaïlande. Elle sera issue d’un eucalyptus hybride. Cet arbre donne des performances excellentes pour la production de papier. Alors que les arbres en Europe fournissent des fibres longues, l’eucalyptus est composé de fibres courtes.
Le papier contient au final environ 30 millions de fibres par gramme. C’est ce qui le rend dense. Nous ne possédons aucune forêt en Thaïlande. Les eucalyptus sont plantés au bord des rizières et sont cultivés par les paysans. Après la coupe, ils les amènent dans nos usines pour produire de la pâte à papier. Ce système permet aux paysans de gagner un peu plus d’argent et nous évite de posséder de vastes terrains de culture.
Propos recueillis par Olivier James