La grogne des ingénieurs
«Dans les entreprises, les ingénieurs ont perdu le pouvoir, il est temps qu'ils le reprennent. » Tonnerre d'applaudissements. « On a perdu les fondamentaux des entreprises ; salariés et clients doivent passer avant les cours de la Bourse. » Applaudissements redoublés. Il soufflait comme un vent de contestation dans l'amphithéâtre du palais des congrès de Lyon lors du 31e congrès des ingénieurs des Arts et Métiers.
Une enquête menée auprès des ingénieurs Arts et Métiers en fonction (plus de 1 000 répondants) révèle que les ingénieurs ne se sentent pas assez libres : trop de vision à court terme, de résistance au changement ; à vouloir tout sécuriser, technologie et procédures, on débouche sur le conformisme, sur un double discours : changer et ne pas changer... et les meilleures solutions techniques restent inexploitées.
La conclusion du congrès par Jean-François Dehecq, président de Sanofi-Aventis et du conseil d'administration de l'École des arts et métiers Paritech, était tout aussi décoiffante. Ironisant sur la transparence qui remplace la vérité, il affirmait que « sans l'envie d'une morale sociale on ira droit dans le mur ! ».
« Courage », « résistance », « responsabilité », les mots étaient forts et pleins d'émotion. Jean-François Dehecq confiant dans le Gadzart - « un individu qui fait, pas qui fait faire » - a aussi donné un coup de patte aux générations montantes : la moitié des élèves dans les cours, ce n'est pas sérieux ! Pour reprendre le pouvoir, il faudra se retrousser les manches, les défis sont là. Et ils ne seront pas relevés si les ingénieurs ne retrouvent pas leur vraie place.