La grande vitesse ferroviaire chinoise prépare son débarquement en Europe
En visite à Bucarest, le Premier ministre chinois Li Keqiang pousse les pions de l’industrie ferroviaire chinoise. La Chine pourrait s’ouvrir, grâce à ses financements, et à des transferts de technologies en partie européennes, la porte d’un réseau à grande vitesse qui reste à construire en Europe de l’Est.
L’accord signé le 25 novembre entre les Premiers ministres chinois et roumain reste au stade préalable, de la constitution d’un groupe de travail pour préparer le développement avec des technologies chinoises d’un réseau ferroviaire à grande vitesse. Mais il est étayé par un accord comparable signé le même jour avec les chefs de gouvernement hongrois et serbe, pour la construction d’une ligne de chemin de fer entre Budapest et Belgrade.
Financements déterminants
On retrouve ainsi, parmi les partenaires qui ont signé hier avec Li Keqiang, deux des parties prenantes au premier projet de ligne à grande vitesse lancé en Europe de l’Est qui devait relier Constanza et Bucarest (en Roumanie) à Budapest (en Hongrie), et, par-delà, à l’Autriche.
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Présenté en 2008, ce projet qui impliquait huit milliards d’euros d’investissement pour la seule partie roumaine (la plus longue) a été depuis l’une des victimes de la crise financière européenne. Commentant l’autre accord, portant sur la ligne vers la Serbie, le Premier ministre hongrois Victor Orban a déclaré que "la Hongrie n’est pas capable de la financer, et l’Union européenne n’est pas en position de le faire non plus", indiquant clairement que les financements chinois sont le déterminant des accords signés aujourd’hui – et du grand chantier envisagé par-delà.
Car les trois chefs de gouvernements européens, soucieux de capter l’investissement chinois, se sont accordés pour considérer que les deux accords signés ne représenteraient que le début d’un chantier ferroviaire régional, susceptible de concerner l’ensemble de l’Europe à l’est de Vienne, point le plus oriental du réseau à grande vitesse européen aujourd’hui.
Enjeux chinois et pilule amère européenne
Si le Premier ministre chinois lui-même a mis son poids dans la balance, c’est parce que les enjeux sont de taille pour l’industrie nationale.
En termes de construction d’infrastructures d’abord, deux des trois premiers groupes chinois du secteur ont une spécialisation historique dans le domaine ferroviaire, et se positionneraient facilement sur les appels d’offres. En termes de matériel roulant ensuite, les deux constructeurs chinois CNR et CSR ont développé une gamme d’une dizaine de modèles de rames à grande vitesse qui desservent un réseau chinois devenu le premier au monde, mais qui attendent toujours une première commande susceptible de les lancer à l’export.
Si cette première commande intervenait au sein de l’UE, la pilule serait amère pour une industrie ferroviaire européenne dont la désunion il y a dix ans – Siemens jouant l’alliance à tout prix pour prendre de vitesse Alstom qui s’était montré plus prudent – a fortement participé au savoir-faire acquis par les constructeurs chinois et qui leur permet de se positionner aujourd’hui.
Jean-François Dufour, DCA Chine-Analyse
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