La France a-t-elle besoin d'une politique nationale de design ?
Au-delà de son approche systémique pour changer de culture design, Alain Cadix milite en faveur d'une véritable politique national de design. Est-ce bien raisonnable ?
La France a-t-elle besoin d'une politique de design spécifique, indépendante d'une grande stratégie d'innovation ? Alain Cadix, ancien directeur d'écoles consulaires et de l'ENSCI-Les Ateliers chargé de la mission design, a l'air de le penser. Le 15 octobre dernier il a remis à Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti, un mémoire intitulé "Pour une politique nationale de design". La réponse formelle, mais pas définitive, à la mission design qu'il lui a été confiée visant à promouvoir en France le design comme élément de compétitivité.
Comme il s'agit d'opérer une véritable mutation culturelle, Alain Cadix explique qu'il faut une approche systémique. Ce qui signifie qu'actionner un ou deux leviers, comme cela a été fait par le passé, ne suffit pas. Il faut les actionner tous à la fois. Le mémoire liste donc, en annexe, tous les publics qu'ils faut toucher (entrepreneurs, politiques, enseignants, enfants, chercheurs, designers…) et les actions potentielles à mener. Toutes sont donc importantes, mais Alain Cadix a toutefois réussi à dégager 10 actions clés, prioritaires ou emblématiques, dont certaines ont déjà fait leur chemin (cf. encadré) et fait l'objet d'annonces par Fleur Pellerin, ministre déléguée aux PME, à l'Innovation et à l'Economie numérique. D'autres devraient suivre, dans le cadre du grand Plan innovation qu'elle a promis de présenter début novembre (on l'attendait en juillet !).
Faut-il sortir le design de l’innovation ?
C'est peut-être ce que veut éviter Alain Cadix : que les actions en faveur du design soient noyées dans une grande politique d'innovation. Cela aurait pourtant du sens. Car si effectivement "le design est l'un des catalyseurs du redressement productif avec le numérique", comme l'écrit Alain Cadix, il n'est qu'un élément. Certes central en matière d'innovation, mais pas isolé. Et l'on voit bien à la lecture du mémoire toute la complexité à mettre en place une telle politique nationale. Celle-ci implique d'abord de flécher des budget spécifiques de l'Etat. Alain Cadix demande une dotation des investissements d'avenir de 200 millions d'euros non consomptibles (dont les intérêts dégageraient un budget de 6,8 millions d'euros par an) et insiste sur ce point de manière récurrente dans presque tous les chapitres. Une politique dédiée arrive aussi avec son lot de nouvelles structures (une fondation, des collèges de designers en régions et d'opérateurs de design, de correspondants dans les ministères, des plates-formes "Roger Talon" pour faire se rencontrer chercheurs, designer et ingénieurs…) même si Alain Cadix prend soin d'expliquer comment utiliser celles qui existent (APCI, VIA, etc.). Avant d'en questionner la pérennité !
Mais est-il possible pour la France d'afficher une politique nationale de design indépendante de sa politique d'innovation ? Difficile à imaginer. En même temps, impossible d'imaginer un grand plan innovation sans un volet design prioritaire et dûment budgêté. Réponse, normalement, avant la fin de l'année.
Aurélie Barbaux
3 des 10 actions clés déjà retenues pour chnager la perception du design
Sur les 10 actions clé pour changer de culture design, la première, une résidence de designers dans les pôles et les cluster, est déjà actée. Tout comme la quatrième relative à l'éligibilité des dépenses de design aux crédit d'impôt innovation. La deuxième, "une mobilisation générale" des tous les acteurs dans l'environnement des entreprises, est aussi en bonne voie.Reste à voir pour la troisième, qui consisterait à "introduire une dimensions usage et design" dans les appels à projets de recherche du gouvernement (ANR, FUI, PIA), ou la cinquième, qui intégrerait les dépenses de design dans les aides à l'innovation en région de la PBI Innovation. Nous restons sans nouvelle de la sixième, concernant la création de plateforme de recherche technologique-design-ingénierie dans de grands centres universitaires. Pas plus que de la septième, qui vise a financer des thèses relatives au design.
Pas non plus d'annonce claire concernant la neuvième action clé, qui viserait à reconnaitre le design au niveau des investissements d'avenir, et encore mois pour la dixième, qui prône la création d'une fondation pour le design, gérant les futurs fonds publics et privés. Seule la huitième, qui doit faire entrer le design à l'école, serait à l'étude…
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