La fonction Achats : un rôle crucial

La fonction Achats, en pleine évolution, doit entrer de plain-pied dans la digitalisation. Comme le souligne Natacha Tréhan, Maître de Conférences en Management Stratégique des Achats - Université Grenoble Alpes, « La crise a mis en exergue les impératifs de maîtrise des flux et d’agilité ».

 

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La fonction Achats : un rôle crucial

Sur un plan global, il est nécessaire de disposer d’une cartographie complète de la Supply Chain, au-delà des fournisseurs de rang I, poursuit Natacha Tréhan. Au niveau de l’entreprise, il y a besoin de collecter, d’analyser, de confronter en temps réel les données de la production, des stocks, des Achats

pour devenir vraiment agile. Or dans beaucoup d’entreprises, on observe un manque d’interface entre les outils. Les projets de MES (Manufacturing Execution System) sont des gages d’optimisation du processus industriel, mais ils ont besoin d’une suite Achats qui va centraliser les données pour avoir une meilleure visibilité sur l’ensemble des dépenses, des fournisseurs, des stocks, des contrats ».

En fonction des besoins, différents modules peuvent être implémentés : « procure to pay », « source to contact », « supplier relationship management »… Le machine learning est capable de proposer des « advanced analytics » avec des structures de coûts ou des analyses comparatives par zones d’approvisionnement. De plus en plus d’outils peuvent fournir des « predictive analytics », c’est-à-dire des tendances dans les données et de les associer à une probabilité pour repérer l’évolution des cours de matières ou la santé financière d’un fournisseur.

Incontestablement, la crise amplifie le rôle de la fonction Achats et la digitalisation lui ouvre de nouveaux champs d’action : mieux manager les coûts, ouvrir de nouvelles pistes d’optimisation économiques, plus d’interactivité avec les fournisseurs, plus d’anticipation sur les risques et la mise sous contrôle de ces risques tout au long de la supply chain.

Dans un changement de paradigme sans précédent, la Fonction Achats va prendre une place de plus en plus centrale dans la création de la valeur.

Sortir du Kost killing

Pour Franck Lheureux, directeur général Europe, Moyen Orient, Afrique chez Ivalua, qui propose aux grands comptes des solutions digitales, la fonction Achats a fortement évolué durant les cinq dernières années. Elle occupe, aujourd’hui, un rôle stratégique dans la performance globale de l’entreprise. On est passé d’un outil de réduction de l’ensemble des coûts par le choix de la meilleure offre ou de la moins chère, à un rôle clé. L’acheteur devient ingénieur client, sa relation avec les fournisseurs, la gestion des risques, la capacité d’adaptation et d’anticipation sont des éléments essentiels de la résilience des entreprises.

En période de crise sanitaire, le risque de dépendance est fortement accentué pour certains circuits d’approvisionnement, comme ce Cap sur le partage des coûts et à la production de valeur commune.

Exemple avec l’horlogerie de luxe, filière fragilisée par la disparition progressive des savoir-faire et des outils permettant de fabriquer les milliers de composants d’une montre. Les marques se sont rendues dépendantes d’une quarantaine de sous-traitants. « L’avenir du secteur ne peut passer que par des partenariats qui permettront à tous les acteurs d’innover tout en optimisant les coûts », constate Franck Lheureux.

Résilience et bonnes pratiques

Au niveau mondial, les risques sociaux, environnementaux, sanitaires ou géopolitiques ne cessent de s’accroître. La gestion du risque est un coût, pas simple à intégrer.

La dépendance devient un risque permanent, comme pour Apple qui est lié à un seul fournisseur mondial. Croire qu’il suffit d’avoir beaucoup de réserves financières protège de tout est une illusion. La crise oblige les grands comptes comme les PME à entrer en résilience en se posant les bonnes questions. Des grands groupes comme Danone, Ikéa ou L’Oréal mettent en place des bonnes pratiques

dans leur réseau de sous-traitants pour générer un cercle vertueux et inventer ensemble des nouveaux modèles.

Au plan français, la bataille de la relocalisation est lancée, elle sera longue et compliquée, là encore, de nouvelles façons de produire et de créer de la valeur vont se dessiner. La crise est une réelle opportunité pour transformer durablement nos schémas actuels. Et la formidable évolution des outils digitaux offre des potentiels de développement considérables.

L’enquête HSBC centrée sur la résilience des entreprises, confirme la volonté des entreprises de se projeter dans l’avenir. 8 sur 10 souhaitent améliorer leur agilité. Elles n’ont d’ailleurs pas attendu pour engager des changements opérationnels importants pour devenir résilientes, notent les auteurs de l’étude. Bon nombre d’entre elles ont constaté que leurs plans d’urgence n’étaient pas assez solides pour faire face à la pandémie. « Cela se traduit par plus de transparence, plus d’attention aux relations humaines et des investissements significatifs pour le futur », relève Jacques Sourbier, le directeur de la banque d’entreprises CMB (HSBC France).

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