La filière viande face à de nouvelles images chocs dans les abattoirs

L'association L214 a encore frappé. Deux nouveaux abattoirs ont été pris en flagrant délit de maltraitance animale. Les établissements de Pézenas (Hérault) et de Puget­-Théniers (Alpes­-Maritimes) viennent rallonger la liste des abattoirs dénoncés. Face à ces critiques, la filière viande condamne et réagit. Eleveurs, abatteurs, transformateurs se défendent : ces images ne seraient pas représentatives de ce qui se déroule dans les entreprises françaises. Pour convaincre les consommateurs, les professionnels sont prêts à plus de transparence.

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La filière viande face à de nouvelles images chocs dans les abattoirs

A la suite de nouvelles vidéos volées dans deux abattoirs, l’association L214 dénonce une nouvelle fois les maltraitances animales lors de leur mise à mort. Les abattoirs de Pézenas (Hérault) et de Puget­-Théniers (Alpes­-Maritimes) ont été filmés en caméra cachée. Cela fait désormais quatre vidéos diffusées en seulement huit mois. Les images sont comme toujours choquantes.

Pourtant, lors de la précédente campagne de dénonciation de L214, dans l'abattoir de Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques), la filière entière avait condamné fermement ces pratiques."Il n’y a pas d’excuses à chercher. Rien ne justifie de tels agissements", déplorait à l'époque Jean-Pierre Fleury, le président de la Fédération Nationale Bovine. A l’approche de Pâques, de nombreux agneaux avaient été tués dans l’abattoir intercommunal du Pays de Soule. Certains dans des conditions inacceptables comme le montraient les images.

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A la suite de la diffusion de ces images, le préfet a suspendu immédiatement, à la demande de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, l’activité de l’abattoir mis en cause. Le ministère a dans la foulée ordonné un contrôle de l’ensemble des abattoirs français. "Tous ces contrôles seront terminés dans un mois", affirme-t-on au ministère de l’Agriculture. "De plus, la loi d’avenir agricole prévoit la transparence des contrôles dans les abattoirs et les résultats seront donc rendus publics."

Invité le 31 mars sur Europe 1, Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture, s’est prononcé en faveur de "la présence d’un responsable de la protection animale dans tous les abattoirs". Depuis le 1er janvier 2013, la présence d’un tel responsable est obligatoire dans les établissements tuant plus de 1 000 UGB (unité gros bétail) par an. Il y en avait donc un dans l’abattoir de Mauléon-Licharre, qui produit chaque année entre 2 000 et 5 000 tonnes de viande. Mais Stéphane Le Foll compte donner plus de pouvoirs à ces personnes, responsables de l'application des bonnes pratiques en proposant "une protection pour ces salariés, qui pourra aller jusqu’à leur donner le statut de lanceur d’alerte pour qu’ils puissent être protégés et qu’ils puissent dire au service vétérinaire dès qu’il se passe quelque chose".

L’activisme de l’association L214

A l’origine des vidéos tournées en caméra cachée, l’association L214. "En mettant en avant des pratiques inadmissibles et isolées sur les conditions d’abattage, L214 cherche uniquement à servir son but de détourner les consommateurs de la viande par tous les moyens possibles", explique Jacques Poulet, directeur général de la fédération Coop de France.

Un argument repris par François Cassignol, directeur du pôle information et communication de Culture Viande, le syndicat regroupant les principales entreprises françaises de viandes (abattage, découpe et transformation) : "L214 mène une guerre contre la consommation de viande en France."

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Pour preuve, le choix des établissements mis en cause. Pour Jean-Pierre Fleury, "la stratégie de L214 est de prendre pour cible des établissements certifiés, pas des industriels". Les trois abattoirs mis en cause par les vidéos de l’association (Alès, Vigan et Mauléon-Licharre) sont des établissements communaux ou intercommunaux. "Plus les outils sont petits, plus il y a des risques de déviance de pratiques, car il y a moins de contrôles. Les abattoirs des grands groupes sont très contrôlés par les services vétérinaires", rappelle Michel Kerling, secrétaire fédéral en charge de l’industrie des viandes au syndicat FGTA-FO. "Souvent, les petits abattoirs sont adossés à des régies municipales et soutenus par les conseils régionaux."

Et Jean-Pierre Fleury d’ajouter que "si ces collectivités revendiquent ces outils de proximité, il faut donc qu’elles soient plus curieuses et plus engagées". Le président de la Fédération nationale bovine regrette le manque d’implication des collectivités dans ces établissements, "conservés pour maintenir l’activité de la région".

Le milieu clos de l’abattage

Pour le sociologue Séverin Muller, qui a écrit un livre sur les abattoirs, la transparence du secteur n’est pas évidente. "La profession est tout à fait consciente qu’il est préférable de rester caché, au risque de créer des vocations de végétariens. La mise à mort est violente. Je ne connais pas d’images de mise à mort qui rendent l'abattage acceptable… Comme il n’y a pas de guerre propre, il n’y a pas d’abattage propre. Le consommateur ne veut pas savoir, car d’une certaine manière, il y participe. Les ouvriers, eux, ont intégré l’idée que la mise à mort est nécessaire pour se nourrir."

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La difficulté à rentrer dans les coulisses du milieu de l’abattage, Raphaël Girardot et Vincent Gaullier s’y sont confronté pour tourner leur documentaire Saigneurs, qui suit durant un an l’abattoir SVA de Vitré en Ille-et-Vilaine de l’intérieur. "Nous avons commencé à chercher en 2010", indique les réalisateurs. Le tournage n’a eu lieu que 4 ans plus tard. "Bigard nous a ri au nez lorsque nous avons présenté notre projet. De nombreux autres ont avancé, francs ou hypocrites, que des travaux étaient prévus dans leur établissement."

François Cassignol du syndicat Culture Viande préfère pointer le changement de mœurs d'un secteur qui cherche à redorer son image. "Les abattoirs ne représentent en rien une boîte noire", se défend-il. "Dans le cadre de Made in Viande, une grande opération portes ouvertes a été lancée pour faire découvrir les métiers de la filière viande." Cette manifestation est d’ailleurs bien accueillie par Jean-Pierre Fleury, qui y voit un moyen "d’introduire de la transparence dans un milieu qui en manque".

Une réunion attendue par les éleveurs

"L’affaire a pris une tournure politique", assure le président de la Fédération nationale bovine. En contact avec le ministère de l’Agriculture, Jean-Pierre Fleury sera présent mardi 5 avril lors d’une réunion du Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV). Prévue de longue date, cette réunion de l’ensemble des responsables de la filière viande, devait se dérouler pour officialiser le lancement de la stratégie et du plan d'action pour le bien-être animal.

Un hasard du calendrier heureux pour Jean-Pierre Fleury, au vu de l’intérêt du ministre pour la question. "Je n’ai pas souvenir d’avoir déjà vu un ministre au CNOPSAV", avoue le président de la Fédération nationale bovine. "Il faut que les choses soient remises à plat très vite. Mardi, il faudra sortir de la salle avec des solutions."

P.M., avec A.C. et A.-K.M.

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