La filière semences-céréales veut rassurer les consommateurs

Confrontés à une batterie de peurs liées aux OGM ou au gluten, les professionnels de la filière semences-céréales comptent faire valoir leurs arguments sur le terrain où se propagent ces peurs: communication de masse et réseaux sociaux.

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La filière semences-céréales veut rassurer les consommateurs
Thierry Moment (Gnis), Xavier Beulin (FNSEA) et l'eurodéputée Angélique Delahaye, jeudi 9 avril à Paris

Rassurer les consommateurs, les pouvoirs publics et les représentants de la société civile sur l’intérêt de la recherche agronomique et du développement de nouvelles variétés, tel est l’enjeu auxquels doivent s’atteler les professionnels de la filière semences céréales et protéagineux. Le groupement national interprofessionnel des semences et plants (Gnis) a réuni les acteurs de cet univers jeudi 9 avril, à Paris, dans le cadre d’un colloque dédié aux nouveaux enjeux sectoriels.

Interrogé par L’Usine Nouvelle, Xavier Beulin, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et du groupe Avril/Sofiproteol, concède que "depuis 30 ans, la filière a trop porté l’accent sur les bénéfices de la sélection variétale pour les acteurs de la production. Nous devons tendre vers un rééquilibrage de notre communication pour mieux prendre en compte le consommateur". Même constat pour l’eurodéputée Angélique Delahaye (PPE), membre de la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire: "Il faut que l’univers de l’agriculture apprenne à mieux communiquer, en faisant davantage valoir son apport à l’humanité, car demain il faudra nourrir davantage d’hommes." Et pour cause : les questions sont nombreuses sur l’impact environnemental et sociétal de la filière.

réunir développement économique et intensification de la production

La notion d’agro-écologie figure ainsi au cœur des interrogations de nombreux acteurs politiques et sociaux. "C’est une chance de réconcilier la science et la société, explique Marc Richard-Molard, délégué permanent du groupement interprofessionnel Initiatives Biotechnologies Végétales. Les variétés modernes sont plus résistantes aux maladies, et il faut le faire savoir. A l’Institut technique de la betterave, en 30 ans, nous avons doublé les rendements et réduit de 40% les apports azotés : ça, c’est de l’agro-écologie." Il se distingue donc de la définition proposée par la Loi d’avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, qui vise à réduire le recours aux intrants de synthèse. Pour Marc Richard-Molard, ces derniers "sont nécessaires : il faut produire plus tout en respectant l’environnement. Il ne faut pas oublier la génétique, ces technologies étant porteuses d’avenir."

Le président de l’Agence Bio Etienne Gangneron, qui possède également une exploitation agricole dans le Cher, est sur la même ligne. Pratiquant l’agriculture biologique depuis 18 ans, il en appelle à la recherche pour gagner en visibilité et ainsi faciliter la conversion à ce mode de production, plus aléatoire. Le recours à la recherche semencière n’est donc pas l’apanage de l’agriculture conventionnelle, souligne-t-il. Afin de rassurer les consommateurs finaux et de les conduire à porter "un autre regard sur la semence et la génétique", Xavier Beulin suggère de les associer davantage à la réflexion en cours dans la filière. Le syndicaliste et céréalier aspire également à un changement de prisme des pouvoirs publics, afin de sortir d’une approche "coercitive" en la matière pour favoriser la recherche. "Par ‘agro-écologie’, nous n’entendons pas le mot ‘décroissance’, mais de la croissance et du progrès", martèle-t-il.

Des craintes qui se propagent à l'alimentation

Les craintes sur la recherche semencière, qui s’expriment notamment auprès du grand public par des interrogations sur les biotechnologies, se déplacent progressivement sur le terrain agroalimentaire, en aval de la filière. Celle-ci doit néanmoins s’en saisir, estiment les professionnels réunis par le Gnis. "Un certain nombre de produits ont été régulièrement attaqués par le passé, à l’instar des produits laitiers. Aujourd’hui, le pain et les céréales à paille sont remis en cause avec l’essor du régime alimentaire sans gluten, qui s’étend au-delà des cas avérés. 1% de la population est intolérante (maladie auto-immune) et 0,3% de la population est allergique. Or, aujourd’hui, 5% de la population se déclare comme étant hyper-sensible. Des livres aux titres aussi inquiétants que Gluten, pourquoi le blé moderne nous intoxique, par exemple, font peur. On assiste à une cristallisation des angoisses agroalimentaires autour du gluten", constate le président délégué de l’Association nationale de la meunerie française, Bernard Valluis.

"Il y a trois ans, une boulangerie proche de mon village a affiché une pancarte ‘Farine sans OGM’ alors que la farine contenant des éléments génétiquement modifiés n’existe pas. L’impact en termes d’image pour les agriculteurs est dévastateur. Comment rattrape-t-on cela ?", s’interroge pour sa part Luc Smessaert, président du Forum des agriculteurs responsables respectueux de l’environnement (Farre), une association interprofessionnelle consacrée à l’agriculture durable.

Le sociologue Gérald Bronner, professeur à l’Université Paris-Diderot, ajoute que l’essor d’Internet et des réseaux sociaux a permis à ce type de peurs de se diffuser, dans un environnement dérégulé. "On assiste à une forme de stigmatisation de l’agriculteur avec cette mode du sans gluten. On a peut-être délaissé les réseaux sociaux alors que nous devons aussi y aller avec une approche militante", lance Luc Smessaert, qui met également en avant le rôle des circuits courts, à même de pouvoir être expliqués au niveau local.

"Il faut reprendre la main sur le débat public", abonde Xavier Beulin, qui rappelle la nécessité pour la filière de défendre le modèle agricole et alimentaire français. Dans ce contexte, le Farre lancera le 27 mai prochain une campagne de communication cross-canal sur le rôle de l’agriculture et des agriculteurs en France, accompagné de différents acteurs de la filière. "Nous devons montrer ce qui fait la force de l’agriculture", insiste-t-il.

Franck Stassi

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