La filière des œufs tiraillée par les demandes de la grande distribution
La filière française des œufs affirme être "mise en danger" par les grandes surfaces, qui entendent se passer très rapidement des œufs de poules en cage pour faire la part belle au bio et au plein air dans leurs rayons.
Ces derniers mois, les annonces des enseignes de la grande distribution se sont multipliées. Objectif, se passer d’ici 2020 des œufs de poules en cage pour leurs marques de distributeurs, et 2025 pour la totalité de leurs rayons. Décrié par un nombre croissant de consommateurs et rejeté par les associations de protection animale comme L214, ce type d’élevage reste encore majoritaire au sein de la filière française des œufs. Cette dernière ne comptait encore que 32 % de production « alternative » (c’est-à-dire bio, en plein air, Label rouge ou au sol) l’an dernier. Et s’inquiète des annonces de la grande distribution qu’elle juge prématurées et non concertées.
"Nous avons augmenté de presque 9% la production d’œufs entre 2010 et 2013 pour permettre à la France d’être autosuffisante et devenir la première filière d’Europe avec près de 15 milliards d’œufs chaque année. Et jusqu’à présent, nous avions toujours répondu à la demande du client et du consommateur en augmentant la part de production alternative, qui n’était que de 6 % en 1996", insiste Philippe Juven, le président du CNPO, l’interprofession des œufs.
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Du temps et de l'argent, réclament les éleveurs
Chez Les Mousquetaires (Intermarché, Netto), troisième distributeur français, on promet pourtant une "démarche mise en place en concertation avec la filière en pleine mutation. D’ici à 2025, les éleveurs auront le temps nécessaire pour s’adapter aux nouvelles exigences et développer des méthodes d’élevage alternatives à la cage aménagée."
Problème, les éleveurs de la filière – majoritairement des agriculteurs aux petites exploitations familiales, qui peuvent ensuite revendre leurs œufs à des organisations commerciales comme Matines du groupe Avril (Lesieur…) - se sont lourdement endettés depuis 2012 pour moderniser leurs infrastructures et aménager leurs cages, avec un milliard d’euros investis et des amortissements attendus sur quinze ans.
Présenté l’an dernier devant Stéphane Le Foll, leur "Contrat Sociétal d’Avenir", établi suite à un travail prospectif réalisé avec le ministère de l’Agriculture, des associations de consommateurs et un représentant de la grande distribution, vise à atteindre une production alternative de 50 % en 2022, soit près de 500 millions d’euros d’investissements sur cinq ans. "Cela signifie déjà de faire évoluer le mode élevage de dix millions de poules en cinq ans, alors que la grande distribution souhaiterait le faire pour 20 des 47 millions de poules pondeuses en huit ans, ce qui est matériellement impossible pour nos entreprises !", insiste Philippe Juven. Un représentant du ministère de l’agriculture tente de faire la médiation entre les producteurs et les grandes surfaces pour trouver un compromis.
En France, le marché des œufs est aussi dédié à 40 % à l’industrie de transformation pour confectionner des mayonnaises, pâtes ou pâtisseries. Or de nombreuses marques, telles que Lesieur, Amora, Barilla, Lu, et Saint-Michel, ont déjà annoncé également leur intention de ne plus recourir aux œufs de poule en cage. Idem pour Marque Repère, la marque d’E.Leclerc : "d'ici à 2020, l'enseigne s'engage à supprimer tous les oeufs de consommation de poules élevées en cage et, d'ici 2025, tous ceux à usage industriel".
La filière française en danger ?
Les producteurs menacent que les ruptures d’approvisionnement en rayons se multiplient, ainsi qu’"une explosion des importations et la faillite toute entière de la filière française". Et appellent les enseignes à mettre la main à la poche pour accompagner cette transition. "87 % des Français sont eux-mêmes prêts à payer 10 centimes d’euro de plus par boîte de six œufs pour accompagner la filière dans cette transition", insiste une enquête CSA/CNPO. Une transition qui devrait néanmoins bénéficier à terme à toute la filière, avec des exploitations plus petites dédiées à un nombre de poules plus restreint, et plus d’emplois. Des start-up, comme Poulehouse, qui lève actuellement des fonds sur KissKissBankBank, se sont d’ailleurs déjà lancées sur le créneau.
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