La fidélité à l'entreprise, attitude gagnante pour les cadres
Actualisation : L'Etude de la chaire "Nouvelles carrières" de la Rouen Business School, sur la relation entre la réussite d'une carrière et la fidélité à une entreprise fait grand bruit. Le professeur titulaire de cette chaire, Jean Pralong, à l'origine de cette étude avait répondu aux questions de L'Usine Nouvelle sur ce sujet en novembre dernier. Il nous révèlait la précarisation de certains cadres, et affirmait déjà que ceux qui ont des trajectoires régulières réussissent relativement mieux.
Mis à jour
28 mai 2013
L'Usine Nouvelle - Vous venez de publier un article sur la qualité des carrières des cadres français. Quel était le but de votre enquête ?
Jean Pralong - Je suis parti de deux idées reçues, dont je voulais vérifier si elles étaient ou non fondées. La première suppose que les cadres seraient plutôt épargnés par les problèmes de précarité. La seconde explique que le modèle d’une carrière ascendante dans la même entreprise a disparu, qu’aujourd’hui la mobilité est la clé de l’évolution professionnelle.
Sur cette deuxième question, quels résultats obtenez-vous ?
Sur l’ensemble d’une carrière, les personnes qui s’en sortent le mieux sont finalement celles qui restent le plus longtemps dans la même entreprise. La mobilité externe a un effet positif en début de carrière, mais il y a un jour où le cadre doit savoir s’arrêter. Sinon il risque d’être stigmatisé, d’être considéré comme une personne instable, ce qui in fine lui nuira par rapport à un cadre qui serait moins mobile. Comme dans la fable, le meilleur moyen d’avoir une trajectoire gagnante est d’y aller doucement mais sûrement
Ce résultat est-il vrai dans tous les types d’entreprises ? Un cadre dans une PME PMI n’a-t-il pas intérêt à savoir partir pour obtenir plus de responsabilités, accéder à des postes plus prestigieux ?
Mon étude montre que la "fidélité" paie plus aussi bien dans les PME que dans les grands groupes. Dans les PME, les cadres ne plafonnent pas autant que vous l’imaginez a priori. Il y a des vraies carrières avec des évolutions de salaires, des responsabilités. L’archétype, c’est le directeur financier qui devient le numéro 2. Les entreprises ont besoin de pilier, de cadres qui s’inscrivent durablement dans son histoire. Ces piliers apportent de la stabilité et sont récompensés.
Vos résultats semblent aller à contre-courant d’une idée répandue : le cadre quadra ou quinquagénaire qui a fait sa carrière dans la même entreprise peine à retrouver car le recruteur potentiel le voit comme une personne qui n’a pas cherché à se relever de défis… Rester dans la même entreprise n’est ce pas dangereux malgré tout ?
D’abord la stabilité absolue n’existe pas. Alors bien sûr, le cas dont vous parlez existe. Toutefois, ce que montre mon étude c’est qu’il est moins risqué de rester dans la même entreprise en étant un collaborateur loyal que de changer régulièrement. Les recruteurs finissent par considérer de tels candidats comme des sortes de mercenaires, qui ne seront pas fidèles.
Le statut de cadre protège-t-il de la précarité ?
Des études longues, des parents cadres protègent relativement contre l’échec et donc contre la précarité. Une des choses qu’il ne faut pas oublier est que le statut cadre réunit des situations très différentes : un dirigeant d’une banque du CAC 40 est cadre comme le directeur industriel d’une PME locale. Leur seul point commun est de partager un statut et des cotisations sociales spéciales.
Dans cette nébuleuse, existe-t-il un sous-groupe plus vulnérable ?
Oui,et ce sont plutôt les femmes qui sont les plus fragiles dans leurs trajectoire. Pour le marché du travail, elles ont pris du retard quand elles se sont arrêtées pour des raisons de maternité. Sans oublier les discriminations qui les empêchent d’accéder aux postes plus élevés qui sont moins exposés. L’autre population fragile est constituée par les cadres seniors, les quinquagénaires qui quittent une grande entreprise pour se lancer en indépendant ou pour créer une entreprise. S’ils sont souvent accompagnés au début par leur ancien employeur, ils se retrouvent très vite seuls et le moins que l’on puisse dire est que leur aventure entrepreneuriale n’a pas toujours un grand succès. Résultat : ils s’appauvrissent. Certains indépendants, auto-entrepreneurs ou consultants, vivent avec des revenus très faibles.
Quelle place occupe l’ingénieur dans cet ensemble des cadres ?
L’ingénieur reste le cadre typique, celui qui a, au fil du temps, une évolution hiérarchique et qui est relativement protégé. Il a malgré tout un petit handicap : il est parfois moins polyvalent, car très spécialisé. Or, pour rester longtemps, il faut pouvoir changer de fonction. Rester dans la même entreprise ne veut pas dire ne pas changer de fonction, au contraire.
Propos recueillis par Christophe Bys
Télécharger la publication de Jean Pralong : La "qualité" des carrières des cadres français : Diversification ou hétérogénéïsation des trajectoires ?
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