La Fed face à un dilemme sur ses rachats d'actifs
par Jonathan Spicer
WASHINGTON (Reuters) - La Réserve fédérale déterminera ce mercredi si l'économie américaine est devenue enfin suffisamment solide pour supporter une réduction de ses mesures de soutien ou s'il vaut mieux attendre encore un peu.
Tenant en haleine les investisseurs du monde entier depuis des semaines, la banque centrale américaine doit annoncer sa décision à 19h00 GMT, à l'issue d'une réunion de deux jours de son comité de politique de monétaire.
La Fed fera également état de ses nouvelles prévisions économiques et le président sortant de l'institut d'émission, Ben Bernanke, tiendra une conférence de presse dans la foulée de l'annonce de la décision de politique monétaire.
L'amélioration du marché du travail - le taux de chômage est revenu à 7,0% en novembre, au plus bas depuis cinq ans - ou encore la bonne tenue des ventes au détail ont amené de plus en plus d'économistes à penser que la Fed allait peut-être réduire dès ce mercredi son programme d'assouplissement quantitatif ("QE3").
Depuis septembre 2012, la Fed achète chaque mois 85 milliards de dollars d'actifs obligataires afin de favoriser la croissance, l'investissement et les embauches. Cette injection massive de liquidités est le principal, voire le seul, facteur de hausse de Wall Street depuis le début de l'année.
Une enquête Reuters publiée au début de la semaine dernière montre toutefois que la majorité d'économistes est toujours d'avis que la Fed ne commencera pas à diminuer l'ampleur de son programme de soutien à l'économie avant le mois de mars.
Ils soulignent notamment que l'inflation reste à un niveau très bas, ce qui laisse plus de marges de manoeuvres à la Fed, et le fait que l'économie américaine n'est pas à l'abri d'un nouveau cahot après avoir déjà subi plusieurs phases de ralentissement de l'activité depuis qu'elle est sortie de la récession 2007-2009, la plus longue depuis la Grande Dépression.
EXPLIQUER LE CALENDRIER
"Cela ressemble de plus en plus à un jeu de pile ou face", a estimé Michael Feroli, économiste chez JP Morgan.
Si elle choisit d'attendre encore un peu avant de commencer à diminuer l'ampleur du QE3, la Fed pourrait décider de donner un calendrier plus précis du dénouement de ce programme, comme le réclament d'ailleurs les "faucons" du comité de politique monétaire.
Contrairement aux deux précédents, il n'a pas été fixé de limite à ce troisième programme d'assouplissement quantitatif - d'où l'acronyme "QE3". A ce stade, les trois programmes ont fait gonfler le bilan de la banque centrale à un niveau record de 3.900 milliards de dollars.
Même si elle décidait de réduire le QE3, la Fed s'est engagée à maintenir les taux d'intérêt à un niveau bas tant que le taux de chômage n'est pas revenu à 6,5% et sous réserve que l'inflation ne menace pas de dépasser la barre des 2,5%.
Le principal taux de la Fed avait été ramené en 2008, en pleine crise financière, à un niveau légèrement supérieur à zéro et il n'en a pas bougé depuis.
A l'occasion de l'actualisation de ses projections macro-économiques, la Fed pourrait peut-être modifier ses paramètres encadrant sa politique monétaire : par exemple abaisser le seuil du taux de chômage à partir duquel le loyer de l'argent remontera.
Cela lui permettra de renforcer un message qu'elle essaie depuis des mois de faire passer aux intervenants de marché : réduire le programme d'assouplissement quantitatif n'équivaut pas à durcir la politique monétaire.
Le risque principal d'une diminution du nombre d'achats mensuels d'actifs obligataires, même si cette réduction ne porte que sur 10 milliards de dollars, est de voir cette décision entraîner un mouvement de ventes massif d'emprunts du Trésor, ce qui entraînerait une hausse des taux d'intérêt, notamment immobiliers, évolution qui à son tour serait un frein à la reprise économique.
La réunion de politique monétaire qui se termine ce mercredi est l'avant-dernière de Ben Bernanke, qui achèvera un deuxième mandat de quatre ans le 31 janvier, soit deux jours après la première réunion de l'année 2014.
Janet Yellen, actuelle numéro deux et partisane déclarée des mesures de soutien initiées par Ben Bernanke, doit normalement succéder à ce dernier. Le Sénat vote jeudi pour confirmer sa nomination.
Benoît Van Overstraeten pour le service français, édité par Véronique Tison