La Creuse, laboratoire public-privé de la "Senior Economy"
Dans la lutte contre la dépendance, ce ne sont pas les technologies en domotique ou télémédecine qui manquent, mais la coordination de tous les acteurs. Reportage dans la Creuse, où un consortium a été créé avec l’industriel Legrand.
Ce n’est peut-être pas une révolution technologique. Mais dans la Creuse, le département le plus vieux d’Europe, on essaye de faire de la "Senior Economy" une opportunité. Depuis quelques années, le département est parvenu à mobiliser élus locaux et régionaux, industriels, responsables universitaires et fonds européens (avec le programme Leader) pour structurer une filière domotique et télémédecine. Car en matière de vieillissement et de désertification médicale, "la Creuse, c’est l’Europe dans 20 ans !", rappelle Eric Correia, vice-président de l’agglomération du Grand Guéret, en charge du Pole Domotique et Santé.
À l’initiative de la communauté de communes de Guéret, qui regroupe 30 000 habitants à 80 kilomètres de Limoges, un partenariat-public-privé a été constitué depuis 2003. Étendu à tout le département depuis un an, il permet aujourd’hui à 2 000 personnes âgées d’être équipées d’un pack domotique développé par Legrand, le spécialiste des systèmes pour installations électriques, et installé par des artisans locaux. "La chance de la Creuse, c’est que le siège social de Legrand soit situé à Limoges : sans lui, nous n’aurions pas eu cette légitimité", reconnaît Philippe Ponsard, directeur du groupe d’action locale Leader, le projet européen pour l’innovation à l’échelle locale qui a financé une grande part de l’expérimentation.
VOS INDICES
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262 -0.38
Juin 2022
PVC
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96.6 -0.1
Juin 2022
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 21.20 − Préparations pharmaceutiques
Base 100 en 2015
189.1 +2.33
Juin 2022
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 20.1 − Produits chimiques de base, engrais, Produits azotés, plastiques, caoutchouc synthétique
Base 100 en 2015
Tester des solutions conçues pour d’autres usages
Détecteurs de gaz, de fumée et de chute raccordés à une plateforme de téléassistance (dont les quatre salariés appellent aussi régulièrement les bénéficiaires pour prendre de leurs nouvelles), parcours lumineux (à partir du système d’éclairage existant) pour éclairer automatiquement la personne âgée jusqu’aux toilettes), capteurs de présence placés dans la chambre et sur le chemin, adaptateur de température… Ces éléments sont accompagnés d’un modem à l’ergonomie simplifiée, permettant de recevoir des messages ou de réaliser des appels d’urgence jusqu’à 80 mètres de distance. Un choix d’équipement assez simple dans un premier temps, mais qui a représenté une véritable opportunité pour Legrand. "Lorsque la communauté de communes nous a sollicités en 2002 pour équiper des logements en solutions domotiques, nous l’avons pris comme un moyen de tester nos solutions de marché conçues pour d’autres usages, raconte Olivier Vallée, responsable du marché résidentiel au sein de la direction marketing de Legrand. Nous les avons mises en œuvre de façon à favoriser le maintien à domicile. Avec le rachat d’Intervox, un spécialiste de la téléassistance, en 2011, le développement de solutions de domotique est devenu un axe stratégique pour nous."
Des efforts à faire sur le design
Si Eric Correia aimerait désormais que l’industriel propose des équipements plus esthétiques, au design plus soigné, Legrand rappelle que l’ergonomie reste sa priorité pour ce type de public. Et se préoccupe légitimement du retour sur investissement. "Pour nous, aujourd’hui, il n’y a qu’un département à avoir déployé à grande échelle la téléassistance avancée et la domotique : c’est la Creuse, estime Olivier Vallée. La Corrèze devrait l’entériner avec la même ampleur, puis la Haute Vienne. Mais vingt-cinq autres départements ont lancé de la téléassistance simple, tandis que quatre ne font encore rien !"
Mobiliser les financeurs
L’industriel compte donc sur Icare, un projet e-santé des Investissements d’avenir, pour dégager les modèles économiques de demain. Avec Orange et les agences régionales de santé de quatre départements, il va déployer à grande échelle des solutions domotiques faiblement intrusives (pack, mais aussi capteurs médicaux, tablettes…) pour maintenir à domicile des personnes en perte d’autonomie. Or "il faut faire comprendre aux financeurs – les mutuelles et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie – que cette technologie leur permettrait surtout de faire des économies", rappelle Philippe Ponsard. Ces solutions éviteraient en effet 30 % des chutes à domicile, représentant chacune 7 000 euros de frais d’hospitalisation. Mais les choses avancent. À quelques kilomètres de Guéret, la MGEN s’apprête ainsi à lancer une première expérience de télémédecine en proposant aux personnes âgées de son EHPAD de Sainte-Feyre des consultations dentaires, dont les clichés seront ensuite envoyés à des spécialistes.
Pour l’heure, c’est encore le Conseil Général qui finance en grande partie les packs installés à Guéret, afin que les bénéficiaires ne payent mensuellement que 6,22 à 38 euros dans ce département où les habitants de plus de 75 ans sont les plus pauvres de France. Si le dispositif - qui sera présenté au colloque national "L’ingénieur contre la dépendance" organisé ce mercredi 20 mars - a permis de créer une vingtaine d’emplois, "nous sommes d’abord gagnants en terme d’image, estime Eric Correia. Le Limousin est la seule région de France à appartenir au réseau européen sur la Silver Economy !" Elle devrait d’ailleurs recevoir prochainement la visite de la ministre Michèle Delaunay, à l’occasion de l’inauguration d’un pôle domotique au sein du pôle gérontologie du centre hospitalier de Guéret.
Gaëlle Fleitour
Vers une professionnalisation de la lutte contre la dépendance
Pas de véritable filière économique en Creuse sans formation adaptée. Pour créer de l’emploi dans le maintien à domicile, l’universitaire Laurent Billonnet a monté en 2008 à Limoges une licence Pro "Domotique et Autonomie". Accueillant des étudiants venant de l’économie sociale et familiale, de l’architecture d’intérieur, du service à la personne ou de formations technologiques, elle a déjà conduit à trois créations d’entreprises. Pour prendre la suite, il travaille au lancement du Master Auton'Home (Automatique et Informatique Industrielle - Santé), qui se tiendrait entre Guéret, Limoges et des universités internationales. Ses potentiels partenaires ? Legrand bien sûr, mais aussi la mutuelle MGEN, ou encore Rexel International...
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