La chimie au cœur de l'innovation numérique de demain
La Fédération de la maison de la chimie a consacré, début novembre, un de ses colloques « Chimie et... » au thème des technologies de l'information. Une occasion de montrer que les progrès de la chimie aident à fabriquer les innovations numériques d'aujourd'hui et de demain.
Ordinateurs, tablettes tactiles, smartphones, etc. Les technologies numériques évoluent sans cesse vers des systèmes de plus en plus sophistiqués, contribuant à un accès plus rapide à l'information. Face à la demande des industriels de l'électronique due à la course à la performance, les chimistes proposent toujours plus d'innovations pour optimiser les différents composants des systèmes numériques : capteurs, transistors des circuits intégrés, batteries ou encore cristaux liquides des écrans. C'est dans ce contexte que la Fédération de la maison de la chimie a organisé, début novembre, un colloque « Chimie et Technologies de l'information ». Cet événement a réuni plus de 1 000 participants pour exposer et débattre des contributions de la chimie dans les systèmes de l'information.
Au sein des tablettes ou des smartphones, la chimie peut permettre, entre autres, d'améliorer les batteries, étant présente au niveau des électrolytes, des électrodes, des liants ou encore des séparateurs. « Il existe trois principaux types de systèmes d'alimentation en énergie pour ces technologies. D'une part, nous trouvons les condensateurs, qui fournissent une forte puissance et une faible densité énergétique. Ensuite, nous avons les batteries qui possèdent une forte densité énergétique mais une faible puissance. Enfin, nous avons des systèmes "hybrides" que sont les supercondensateurs », détaille Patrice Simon, professeur de l'université Paul Sabatier de Toulouse. Pour améliorer les performances de ces systèmes, la chimie peut innover notamment sur les liants, les électrolytes et les séparateurs. « Les pistes de développement pour des batteries améliorées résident dans l'élaboration de nouveaux matériaux, ainsi que les techniques de nanostructuration et de dépôt de couches minces. Quant aux condensateurs, il est possible d'utiliser des matériaux actifs tels que le carbone sous ses différentes formes : graphène, carbone activé, oignon de carbone, carbone dérivé de carbure, etc. », développe Patrice Simon.
VOS INDICES
source
75.32 +2.07
21 Mars 2023
Pétrole Brent contrat à terme échéance rapprochée
$ USD/baril
123 -4.65
Janvier 2023
PP Copolymère
Base 100 en décembre 2014
172.7 -2.15
Janvier 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 20.1 − Produits chimiques de base, engrais, Produits azotés, plastiques, caoutchouc synthétique
Base 100 en 2015
Pour la partie électronique, la chimie peut permettre d'apporter des progrès au niveau des transistors, en fournissant de nouveaux matériaux. « Il existe une tendance de convergence entre les deux principales familles de transistors : les microprocesseurs et les systèmes basse consommation », indique Yannick Le Tiec, ingénieur R&D au CEA-Leti. Avant de continuer : « Les recherches ont démontré qu'il était possible de procéder à l'ingénierie des substrats, en particulier à l'élaboration de silicium sur isolant (SOI) ou d'oxyde gravant tamponné (Buffered Oxide Etch ou BOE) ».
Des composants plus performants
L'avenir des technologies numériques de demain réside également dans l'électronique organique imprimée, faisant appel à des semi-conducteurs. « L'électronique organique permet une multitude de possibilités en termes d'ingénierie, que ce soit au niveau des matières employées ou au niveau des encres formulées. Des nouveaux substrats tels que le plastique ou le papier peuvent être utilisés pour des impressions sur de grandes surfaces. Le procédé en électronique organique coûte 100 fois moins cher que sur du silicium », explique Isabelle Chartier, responsable du Programme Électronique Imprimée au CEA Liten. Avant d'ajouter : « Cependant, il ne faut pas opposer les deux technologies car l'électronique organique est complémentaire des technologies basées sur le silicium ». Outre les circuits imprimés, cette technologie pourrait, par exemple, permettre la fabrication de capteurs imprimables sur film.
Au sein des écrans tactiles, les chimistes cherchent notamment des solutions pour les technologies OLED (Organic Light-emitting diode). « Dans ce type d'écrans, la lumière générée est plus importante qu'à l'affichage. Les industriels de l'électronique recherchent, par exemple, des matériaux pour les couleurs saturées, ou encore ayant des propriétés antistatiques », cite Vincent Thulliez, directeur du marketing technique chez Solvay. Avant d'ajouter : « La chimie peut fournir des encres pour les technologies OLED flexibles, ou encore des polymères piézoélectriques permettant de fournir des propriétés de transparence et de conductivité ». A plus long terme, les technologies d'écran pourraient être dopées par le perfectionnement de technologies autour des nanofils d'argent, du graphène ou encore de l'association indium/oxyde d'étain.
Outre la technologie de communication, un autre point important est le stockage des données. « Une partie des informations doivent être conservées pendant des décennies voire des siècles. Or, il réside une faible longévité des supports numériques », indique Franck Laloë, président du groupement d'intérêt scientifique des supports pérennes d'archivage des données numériques (GIS-Spadon). Ce groupe se focalise notamment sur la conservation de données enregistrées sur des disques optiques numériques (CD-R et DVD-R). Une étude réalisée à l'initiative du laboratoire national d'essais (LNE) a voulu mesurer la longévité des disques optiques numériques enregistrables. « Les chercheurs ont procédé à cette étude via deux méthodes : la stratégie temps réel et le vieillissement accéléré », précise Franck Laloë. Les travaux démontrent que la majorité des disques existants sur le marché sont très hétérogènes en termes de durée de vie même au sein d'un même lot de produits et celle-ci n'excède pas 15 ans. Une seule technologie de disque parmi celles testées a montré une résistance aux tests de vieillissement : celle du DVD HLD, dont la gravure se fait sur du verre trempé. Cependant, le prix prohibitif (150 € par disque) et la capacité limitée semblent freiner la démocratisation de cette technologie. Enfin, le colloque fut l'occasion de souligner l'intérêt d'éco-concevoir et de recycler les innovations. « Avec la croissance du volume de déchets due à la démographie, il est nécessaire de mettre en place une économie circulaire, basée sur la fonctionnalité. Cette démarche n'est pas utopique, il s'agit juste d'une question de conciliation des intérêts de chacun », soutient Michel Valache, directeur général délégué chez Veolia Propreté.
Ce colloque a permis aux acteurs industriels et de la R&D de démontrer que la chimie est à la base des progrès dans les technologies de l'information. Que ce soit aux niveaux des matériaux semi-conducteurs, des batteries ou encore des capteurs, elle sert et servira à élaborer toujours plus de technologies, qui aideront à communiquer et accéder à l'information. Mais ces innovations doivent s'inscrire dans la tendance de développement durable, afin de pérenniser l'activité économique sur le long terme.