La CGT fait le pari de la radicalisation et de l'isolement
Comme prévu, Philippe Martinez a été réélu secrétaire général de la CGT à l’issue du 51e congrès de la centrale syndicale, vendredi 22 avril, à Marseille. Un congrès marqué par un ton très radical et une virulente critique de toute alliance avec les autres syndicats.
La direction de la CGT s’est-elle laissée déborder par sa base ? Son 51e congrès, qui s’est achevé vendredi 22 avril à Marseille, a laissé une place de premier plan aux militants d’extrême-gauche, aux postures très radicales. Bousculé, Philippe Martinez, qui n’avait pas été élu par le congrès jusqu’ici, a donc dû donner des gages à la frange la plus radicale de son organisation. Bilan en cinq points d’une semaine de congrès qui marque un durcissement de la position du syndicat.
Contestation de la direction sortante
Le rapport d’activité n’a été adopté que par 69% des voix, ce qui est inédit. La grogne de la base portait surtout sur l’affaire Thierry Lepaon, dont la CGT a du mal à sortir – la confédération lui verse encore un salaire et il a conservé son appartement controversé jusqu’en février. L’ancien secrétaire général, obligé de quitter ses fonctions début 2015, a d’ailleurs été sifflé par un congrès remonté à bloc. La place des cadres et ingénieurs soulève aussi quelques oppositions internes. Mais Philippe Martinez a été élu secrétaire général, sans surprise.
Haro sur la CFDT
C’est Philippe Martinez qui a commencé. Dans son discours inaugural, il a critiqué le "syndicalisme rassemblé" prôné par Louis Viannet en 1995 et défendu ensuite par Bernard Thibault, les deux anciens dirigeants de la CGT étant présents dans la salle. Favoriser les "relations avec la CFDT au moment de l’accord et de la loi sur la représentativité" a été qualifié d’"erreur" par le secrétaire général de la CGT. Les délégués qui se sont succédé à la tribune ont été encore plus virulents : "Non à la CFDT qui trahit, signe des accords pourris et négocie le poids des chaînes", a lâché l’un d’eux. La formule sera reprise plusieurs fois durant la semaine, et les attaques virulentes contre la CFDT, associée aux mots "collaboration" et "trahison" se sont multipliées. Par ailleurs, Philippe Martinez n’a pas hésité à faire siffler le Premier ministre, et le parti socialiste le sera tout autant au cours de la semaine.
Pas de grève générale, mais une grève peut-être reconductible
La grève interprofessionnelle du 28 avril contre la loi El Khomri était déjà annoncée, elle a officiellement été approuvée lors du congrès, à 78%. La direction de la confédération n’a pas souhaité relayer les appels à la grève générale reconductible appelée de leurs vœux par plusieurs délégués. Vendredi, Philippe Martinez a été obligé de concéder que la question de la reconduction de la grève serait posée au soir du 28 avril.
Des débats très pauvres
L’opposition à la loi El Khomri a éclipsé tous les autres sujets. Aucune proposition alternative, d’ailleurs, sur le droit du travail ou sur la sécurité sociale professionnelle, alors que cette idée progresse – la création d’un compte personnel d’activité s’en approche. La CGT n’a pas abordé les questions cruciales pour son avenir : comment regagner des voix aux élections professionnelles, alors qu’elle risque de perdre sa première place lors de la prochaine mesure de la représentativité syndicale, en 2017, au bénéficie de la CFDT honnie. Peu de discussions sur la ligne à venir de la confédération, sur les nouveaux travailleurs du numérique, sur les cadres et ingénieurs. Pendant ce temps, la CGT recule, notamment dans ses bastions de la SNCF et de la RATP.
Les Goodyear n’ont pas eu leur tribune
Condamnés à deux ans de prison dont neuf mois fermes pour avoir séquestré deux cadres durant trente heures, huit anciens salariés de Goodyear Amiens-Nord espéraient une tribune au congrès, afin de mobiliser contre "la criminalisation de l’action syndicale". La direction de la CGT, plutôt critique sur la façon dont ces militants CGT sont conseillés par l’avocat Fiodor Rilov, leur avait proposé un créneau de fin de journée, à un moment où la salle risquait d’être clairsemée. Flairant la mise à l’écart, ils ont préféré ne pas venir. Pourtant, vue l’ambiance générale, la base de la CGT, décidément pas sur la même ligne que sa direction, leur aurait certainement fait un triomphe…
Cécile Maillard
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