La bioéconomie au cœur du Pacte productif
Une nation d’à peine 67 millions de personnes ne peut pas exceller dans tous les domaines. C’est en partant de ce constat que le gouvernement a lancé le chantier du Pacte productif qui sera présenté en avril par le Président de la République. « Devenir une économie de rupture technologique nécessite de faire des choix de secteurs prioritaires » justifie le collège d’expert, présidé par Benoit Potier, p-dg d’Air Liquide, qui a produit un rapport en préambule. D’autres l’ont fait avant nous : La Chine avec son programme Made in China 2025, la Corée du Sud avec son comité de la 4ème révolution industrielle, l’Allemagne avec sa New High-Tech Strategy… Pendant ce temps, le poids des entreprises françaises dans le top 100 du classement Forbes a reculé.
Pour sélectionner des secteurs prioritaires qui seront « un élément clé du Pacte », les experts sont partis de quatre enjeux sociétaux fondamentaux : disposer d’une alimentation saine et durable, préserver la santé et le bien-être des concitoyens, protéger l’environnement et assurer la transition écologique et assurer notre souveraineté dans le numérique. Puis une vaste consultation a été lancée auprès des écosystèmes d’innovation (pôles de compétitivité, SATT, incubateurs…), start-up, représentants de la recherche publique et des ministères, régions, sans oublier l’Académie des technologies. Sur cette base, dix marchés prioritaires sur lesquels la France a le potentiel pour jouer dans la cours des grands à l’échelle mondiale ont été identifiés. Douze autres ont été évoqués comme « nécessitant la poursuite des actions de soutien public, voire ultérieurement l’élaboration de stratégies d’accélération ».
VOS INDICES
source
Et force est de constater que la bioéconomie a su tirer son épingle du jeu. « Parmi les dix marchés émergents désignés comme prioritaires, cinq sont liés à la bioéconomie » note le pôle de compétitivité IAR. Il s’agit de l’alimentation durable pour la santé, l’agriculture, élevage de précision et agroécologie, le biocontrôle végétal, l’hydrogène pour les systèmes énergétiques et les nouvelles générations durables de matériaux composites. « C’est un acte de reconnaissance majeur pour la bioéconomie, qui devrait encore davantage positionner la France comme l’un des leaders mondiaux du secteur » ajoute le pôle de la bioéconomie.
La chimie du végétal pas assez prioritaire
Pour la filière de la chimie du végétal, représentée par l’association ACDV, c’est un demi-succès. Elle a bien été mentionnée dans le rapport, mais seulement dans la liste des 12 marchés repêchés, au même titre que les biocarburants durables. Néanmoins, François Monnet, président de l’ACDV, se veut positif. Dans les domaines jugés « plus prioritaires » comme le biocontrôle, les protéines innovantes, les composites ou l’hydrogène, il note que la chimie du végétal apporte déjà sa contribution. Par exemple, des produits de biocontrôle peuvent être proposés en version biosourcée et les composites utiliser des résines ou des renforts sur base végétale. Le rapport loue aussi la forte mobilisation de la filière qui a su identifier une cinquantaine de projets industriels de toutes tailles, susceptibles de ce déployer dans un avenir proche sur le territoire.
Alors qu’a-t-il manqué à la chimie du végétal pour être érigée au rang de filière prioritaire ? François Monnet souligne une erreur d’appréciation de la taille du marché mondial qui ne serait pas de 2 milliards d’euros (comme indiqué dans le rapport) mais au moins de 10 Mrds €, voire davantage. Quant au manque de notoriété de la filière, il n’a pu que jouer en sa défaveur. En effet, les produits biosourcés s’adressent à une multitude de marchés d’applications – tensioactifs, lubrifiants, solvants, ingrédients cosmétiques, plastiques, composites…), a contrario des produits de biocontrôle ou des protéines qui sont parfaitement identifiés sur les marchés de l’agrochimie et de l’alimentation respectivement. « Les produits biosourcés sont « trop » partout. On ne les imagine pas comme un vrai objet industriel » poursuit le président.
Convaincue de ses atouts, la filière de la chimie du végétal va donc continuer à se mobiliser et à communiquer. D’ailleurs, la partie n’est pas encore jouée. Le rapport stipule lui-même qu’il n’a pas la prétention de figer le paysage pour les prochaines années.